SEMAINE BOITE A DEMANDES

C'est peut-être le meilleur des MOODY BLUES sans les MOODY BLUES. On va dire que la chose est un peu grossie exprès, à un moment où tous les albums solo du groupe n'ont pas (encore) été écoutés, mais il est impossible de s'éloigner trop de la réalité. John LODGE et Justin HAYWARD ont de toute manière trop aidé le groupe à l'accession d'un tel niveau de succès, quand bien même ils sont arrivés les derniers, pour qu'on puisse en douter si facilement.

Le Blue Jays du titre, c'est pour eux deux. Les deux 'j' (HAYWARD a depuis longtemps fait oublier son vrai prénom, David, en favorisant le second), les deux benjamins des MOODY BLUES, cette équipe parmi les plus passionnantes du rock anglais, les deux grands en taille et toujours rasés de frais par opposition aux barbus/moustachus que demeurent Ray Thomas, Graeme Edge et Mike Pinder. Et aussi les deux qui, en termes de création, pourtant riche comme celle des autres, sonnent toujours les plus proches de l'esprit 'pop' par excellence, et comme il sera prouvé par la suite, après la fin de la pause que le groupe s'est imposée.

En 1972, du moins, c'était censé être une simple pause, mais au bout de quatre-cinq ans, c'est un peu plus que cela. Chaque membre des MOODY BLUES a eu le temps d'enregistrer au moins un album solo ou en 'side project', et on se retrouve au final avec deux pour la plupart d'entre eux. Si la palme de l'originalité revient à Mike PINDER pour quelques titres de son Promise (1976) qui ont de quoi le rapprocher des débuts défricheurs de cette carrière collective exceptionnelle, LODGE et HAYWARD se réservent sans conteste la primeur de la beauté, notamment pour ce premier effort directement en duo, comme mis en exergue sur la pochette.

Ils seront légion, par la suite, les crédits en duo des chansons des MOODY BLUES, preuves d'une paire qui fonctionne très naturellement. Et ce disque de 1975 reprend tout à fait les codes des albums en groupe, en enlevant le caractère nébuleux, le Mellotron caractéristique remplacé par un orchestre au moins aussi important que celui de Days of Future Passed (1967). Le tout enregistré aux Threshold studios bien entendu et avec l'indéboulonnable (pour l'heure) Tony Clarke aux manettes. Blue Jays est un album qui a tout pour ravir les amateurs de belles mélodies dont les Moodies ont le secret. Il ne lui manque au final qu'une certaine unité, moins par son style que sa qualité.

Dans la bonne tradition nouvelle et durable, c'est HAYWARD qui ouvre l'ensemble et peut-être par le titre le meilleur justement. "This Morning" possède une superbe ambiance folk-rock sans oublier la carte du refrain 'slow', des harmonies vocales, des guitares héroïques, un synthétiseur ARP en nappes pour s'éloigner du Mellotron et affirmer un peu mieux les 70's dans leur seconde moitié. Le son ample, les transitions mélodiques (y compris celle du hautbois solo), les strates qui s'installent et reviennent continuellement (même quand on croit que c'est fini) aident énormément dans l'appréciation de ce titre, à l'honneur du plus beau et charmeur gars des MOODY BLUES. Parlons aussi du jeu de batterie très fourni de Graham Deakin, alors membre du OX band de John Entwistle (The WHO).

Aucune chanson n'atteint ce niveau de plénitude, quand bien même on retrouve cet aspect grande ballade symphonisante plus ou moins rock et qui se laisse volontiers écouter avec plaisir. Seule "Saved by the Music" par John LODGE s'en éloigne, vigoureuse et même démentielle lors de son final instrumental (guitare grasse, piccolo et cor d'harmonie) qui nous scotche littéralement. Le bassiste a d'autres bonnes choses à dire de son côté : "You" débutée comme titre soft mais qui laisse également s'exprimer les musiciens, "Maybe" au son proche des MOODY BLUES classiques avec quelques influences baroques, de la flûte à la harpe.

HAYWARD se réserve la part du lion. Du frileux "Nights Winters Years" au "My Brother" groovy autant que rêveur, c'est la même classe inhérente au personnage, même si pas forcément mémorable. On le préfère dans de grands moments acoustiques-arpégés plus simples comme le magnifique "Who Are You Now", dans une ambiance incroyable, feutrée, le Mellotron étant de nouveau de la partie et augmenté d'un solo de violoncelle. C'est aussi HAYWARD qui écrit "Blue Guitar", single sorti plus tard courant 1975 et hors-album, tube véritable en Angleterre, enregistré avec John Lodge et des musiciens de 10CC, mais qui (en bonus) s'inclut parfaitement à l'ensemble.

Finalement, de cette signature d'album à deux, ne subsistent que deux titres dans le même cas. "Remember Me, My Friends" a de quoi séduire sans mal avec son pied dans la complainte soignée et l'autre dans des contrastes un peu plus enjoués au moment des refrains. Enfin, "When You Wake Up", débordante de lyrisme, use de l'une des rares variations rythmiques ternaires du disque, apportant le même soin aux harmonies vocales qu'à la progression et aux interventions de guitare électrique par le maître à penser.
Un bel album à l'image de sa pochette, encore que légèrement trop figé dans son espace pop symphonique (et pourtant moins éparpillée que les albums solo du comparse Ray Thomas), chose que les anciens comme les futurs albums des MOODY BLUES parviennent à éviter.

Note réelle : 3,5