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2020 Shabrang

SEVDALIZA - Shabrang (2020)
Par MARCO STIVELL le 19 Juillet 2025          Consultée 17 fois

SEMAINE BOITE A DEMANDES

D'album en album, le son de SEVDALIZA est devenu plus dense et, dans la portion depuis 2018 jusqu'à 2020 et cette nouvelle sortie appelée Shabrang, l'artiste irano-hollandaise qui chante en langue de Shakespeare a connu les revers de la célébrité croissante à travers une forte dépression. Autant dire que ce deuxième album, troisième oeuvre de taille après l'E.P The Calling en 2018, a de quoi faire office d'exutoire et ne va point manquer de matière !

Shabrang, en langue perse, signifie 'couleur nuit', et est comme les précédents, une réalisation étroitement concoctée avec Mucky. Le petit génie hip-hop de Rotterdam voit d'ailleurs son nom apparaître aussi en cette période de confinement sur quelques chansons du nouvel album des BLACK EYED PEAS, Translation. L'écart de style comme de prestige (eu égard de ce que représente le groupe américain depuis une bonne décennie) est assez énorme ; heureusement, cet épithète convient plus positivement à ce qu'il fait pour SEVDALIZA !

L'album s'ouvre avec "Joanna", au son doux cristallin de piano lointain suivi par un arpège de guitare acoustique dont la production suffit à démontrer le luxe mis au service de la simplicité (merci Mucky doigts-de fée) en quelques secondes. La chanteuse pose ensuite avec douceur son timbre ornementé, use d'harmonies étranges, des cordes orientales rejoignent l'ensemble, le piano s'écarte de la musique binaire pour se faire ternaire de façon subite. En quelques mots cette fois, c'est l'ambiance de l'album qui est décrite, celle d'un voyage incroyable.

Ce morceau d'ouverture n'est que le cinquième single choisi en avant-coureur de l'album, "Darkest Hour" ayant été le premier (un blues avec piano et atmosphère fantomatique, jusqu'à ce qu'une basse-synthé déboule de n'importe où, pour notre plus grand plaisir). Les sixième et septième/dernier, après la sortie de Shabrang eux en revanche, sont "Habibi" ('mon amour' en arabe), ballade excellente malgré un choix d'Auto-Tune prononcé qui n'enlève rien, cela dit, à la portée cosmique du morceau (et noire, le chien de cette couleur dans le clip incarnant la période dépressive), puis "Human Nature", nouvelle version d'un titre de The Calling.

Bien que réussie (avec des cordes différentes, écourtée légèrement), c'est peut-être le seul apport à regretter un tantinet déjà lorsqu'on connaît la longueur d'ensemble - une heure deux minutes -, et alors que le deuxième single des sept, "Martyr", lui, restera inédit, génial pourtant. Avec sa soul voluptueuse et implorante, "Dormant" nous emporte et le piano électrique Fender revient sur le bien nommé "Rhode", danse macabre, inquiétante où les boucles synthétiques s'entremêlent jusqu'au débordement.

SEVDALIZA réussit pleinement ses morceaux les plus calmes, souvent arty mais pas 'intello' pour autant, mieux que sur son premier disque, et sa portée est celle d'une nouvelle voix pour l'Iran qui a su s'exporter. De la même manière que l'avait été GOOGOOSH, icône pop de l'immense pays persique lorsque les femmes pouvaient y porter des mini-jupes suivant son modèle à elle, donc jusqu'à l'arrivée forcée des ayatollahs à la fin des années 1970, puis vingt ans de silence plus tard, à nouveau, dès qu'elle s'est installée au Canada en somme et encore de nos jours.

Cela tombe bien car notre jeune intéressée reprend un des tubes de son aînée (de presque quarante ans), "Gole Bi Goldoon", 'fleur sans pot' dans leur langue maternelle, merveille autant que la musique d'accompagnement (superbe quatuor à la fin). Et puis ce romantisme (au sens du répertoire historique) distillé par le piano, sur l'ensemble du disque mais notamment le conclusif et magistral "Comet" qui vire littéralement au concerto ! L'émotion est à son comble, et puis SEVDALIZA aime tellement les étoiles filantes (souvenir du titre de son premier album, Ison).

Avec elle, la notion d'album long, dans le cas de Shabrang en tout cas, et même en nécessitant une attention certaine, demeure plus abordable que celle d'un album de Tori AMOS, aussi talentueuse soit cette dernière. Et puis toute la dimension r'n'b traitée de façon 'alternative' est, à son tour, si désarmante ! Même "O My God" et ses quelques voix déformées comme dans les canons de la pop moderne, à fuir d'ordinaire, ont de quoi remporter les faveurs. Et on connaît l'opinion de SEVDALIZA sur la religion et ses excès, mais cela n'empêche guère l'une des meilleures utilisations d'un choeur liturgique dans le domaine profane actuel.

R'n'b personnel donc, pas trop léché, mais aussi trip-hop, avec des perles comme "No Way", le morceau "Shabrang" et son blues arpégé, ou mieux encore, "Wallflower" si joliment hypnotique et qui aurait tellement mérité d'être un tube il y a trente ans, l'âge d'or des MASSIVE ATTACK & co. Les programmations, parfois basse-synthé sonnant comme du magma ont d'ailleurs une couleur moins sèche qu'à l'époque, et ici la batterie, la vraie, joue un rôle-clef.

On l'entend encore sur l'un des meilleurs moments du disque et l'une des plus belles surprises, juste après ce "Lamp Lady" d'orfèvre, du simple arpège d'intro avec effet chorus jusqu'aux cordes frileuses en passant par un timbre voilé des plus beaux (et ces paroles, 'lamp lady selling tangerines and with the loving eyes of god drift back to the sun' !). Il s'agit de "All Rivers at Once", dotée d'un shuffle/rythme blues roulant très fin et irrésistible, d'un tandem piano-clavier des plus équilibrés, et surtout, d'une citation fichtrement jouissive dans l'arpège samplé de guitare, persistant tout du long.

En effet, c'est un thème simple dont se sert John FRUSCIANTE (le RED HOT CHILI PEPPERS genius) pour lancer une seconde section de son titre "Untitled 9", complètement perdu sur cet océan de bizarrerie maladive qu'est Niandra Lades and Usually Just a T-Shirt, premier album solo en 1994. Quelque chose d'assez succinct de base, au service d'un délire introspectif parmi tant d'autres pour le pauvre hère en son temps, mais dont SEVDALIZA et ses collaborateurs se servent pour construire une grande oeuvre de quatre minutes quarante-cinq. De quoi convaincre, si réticence tenace dans le lectorat, que cet album est incroyable et qu'elle est une grande artiste. Comment ça ? Numéro 39 'seulement' du top musical et 'seulement' aux Pays-Bas ?!

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   MARCO STIVELL

 
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1. Joanna
2. Shabrang
3. Lamp Lady
4. All Rivers At Once
5. Habibi
6. Dormant
7. Wallflower
8. Gole Bi Goldoon
9. Darkest Hour
10. Oh My God
11. Eden
12. Human Nature
13. No Way
14. Rhode
15. Comet



             



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