Voilà enfin le nouvel album des joyeux fous de FISHBONE, le premier depuis pas loin de vingt ans. Mais est-ce réellement un album de FISHBONE ?

En effet entre la sortie de Still Stuck in Your Throat (2006), et de Stockholm Syndrome (2025), tous les membres du groupe ont quitté l’aventure, laissant Angelo Moore (chant et saxophone) seul maître à bord.

Alors soit, ce dernier est un compositeur majeur au sein du groupe dont il est également la figue emblématique, mais le départ récent de John Norwood Fisher, et de Walter Kibby, deux membres présents depuis la création du groupe en 1979 est tout de même un évènement majeur pour FISHBONE. Ce d’autant plus que John Norwood Fisher était un compositeur tout aussi important que Angelo Moore.

Dès "Last Call in America", le premier single, on retrouve pourtant l’ADN de FISHBONE avec ces textes hautement politisés et cette musique enlevée et festive qui oscille entre Funk et Rock. Sans être génial, ce morceau est très solide et nous laisse espérer un retour en force des Californiens.

"Adolescent Regressive Behavior", évolue, lui, plus dans le registre un peu débridé et agité du groupe. C’est un peu désordonné et gorgé de cuivres. Avec une petite pointe de Ska et de Jive. Encore une fois, sans être génial, ce morceau tient bien la route et nous prouve que le groupe continue à prendre des risques et à cultiver sa douce folie.

Après un "Dog Eat Dog" un peu dispensable, "Suckered by Sabotage" est le premier morceau vraiment marquant de l’album. C’est très énergique, à tel point que toute la première partie lorgne un peu vers le Punk Hardcore à la BAD BRAINS. Une ressemblance qui est renforcée par la partie Reggae qui suit. Ce titre caméléon, qui contient également un passage Funk plus classique pour le groupe, est une montage russe émotionnelle, et une très belle réussite qui prouve que le groupe a encore des choses à dire. Et est encore capable de nous surprendre ; comme il le démontre avec "Secret Police" aux accents de THE CURE assez évidents, qui témoigne de la capacité qu’à FISHBONE à nous proposer une très large palette de styles. La batterie, très typée FAITH NO MORE, contribue à accentuer la singularité de ce morceau.

Et que penser du déjanté "Gelato the Clown", une sorte de Doo Wop / musique de cabaret enjouée et totalement en décalage avec le reste de l’album. Comme si le style iconoclaste de celui-ci ne suffisait, un passage inspiré par Franck ZAPPA achève de perturber et déstabiliser l’auditeur.

Il est clair que le groupe ne s’impose pas beaucoup de frontières ou de barrières comme il le montre avec la ballade qui clôt l’album, "Love Is Love", et qui oscille entre mièvrerie et émotion. Après un "Why Do We Keep On Dying?" très axé Reggae, mais assez convenu, le plus frétillant "Hellhounds on My Trail" nous propose du FISHBONE traditionnel. Il en va de même avec le très heureux et pugnace "Racist Piece of Shit", une diatribe anti Trump aux rythmique saccadées.

Alors soit, tout n’est pas transcendant dans cet album. Et, tout comme c’est le cas avec "Dog Eat Dog", il est un peu difficile de s’extasier devant un "Living on the Upside Down" ou le jazzy "All About Us". Mais l’ensemble tient bien la route et s’inscrit décemment dans la discographie du groupe. Avec quelques titres marquants qui ont l’étoffe de classiques, et d’autres bien plus dispensables et passe-partout, FISHBONE se montre un peu égal à lui-même. Comme un groupe de seconde zone traversé par quelques fulgurances et une passion indéfectible. Mais il convient de constater que le come-back est très correctement négocié, surtout au regard des chamboulements qu’a connu le groupe récemment.