On ne compte plus les collaborations du compositeur, guitariste et percussionniste australien Oren Ambarchi. En 1999 avec l’Australien Robbie Avenaim pour un ovni musical dénommé The Alter Rebbe's Nigun ; ou avec le bassiste suédois Johan Berthling, déjà en 2003 (My Days Are Darker Than Your Nights), le Japonais Keiji Haino, l’Américain Jim O’Rourke (qui semble être partout), le batteur australien Joe Talia qu’on retrouve lui aussi chez Eiko Ishibashi, mais aussi Merzbow, Z’ev, Richard Pinhas, Ricardo Villalobos, Crys Cole, etc.

Ghosted est le premier album d’une série de trois (à ce jour avec celui prévu en août 2025) reposant sur le trio Ambarchi, Berthling, Werliin, ce dernier étant également un batteur et percussionniste suédois. Pour donner une indication, Ghosted c’est de l’électro-acoustique instrumentale, des rythmes acoustiques jazzy flirtant souvent avec l’ambient ; on le qualifie également d’avant-garde jazz (aux allures de jam session). De manière générale c’est le type de compositions qui a toutes les chances de plaire aux amateurs de groupes germaniques comme To Rococo Rot, Elektro Guzzi etc.

Le son est fortement coloré par les couleurs chaudes, boisées et organiques de la contrebasse et des percussions. De surcroît, dans la première "I", les ostinatos de la contrebasse composent avec un instrument supplémentaire de la famille des percussions africaines, connu sous le nom de donso n’goni (qui vient du Mali), ce dernier étant joué par le multi-instrumentiste suédois Christer Bothén. Les motifs répétitifs de la contrebasse sur lesquels vient improviser Bothén produisent un groove chaleureux et reposant, parfait à écouter le soir alors que la nuit vient à tomber. Un crescendo tout en douceur invitera la batterie à entrer dans la danse.

"II" est l’occasion de mettre plus en avant le jeu de percussions traditionnelles sur une boucle de quelques notes à la guitare (possiblement avec un looper). Mais aussi un accompagnement d’effets à la guitare, dont les fameux effets d’oscillations que l’on retrouve régulièrement chez Ambarchi. Une composition joliment envoûtante, peut-être un peu plus bariolée de mysticisme et de psychédélisme que la première de ce fait.

A mon sens "III", d’une durée de près de seize minutes, est le petit bijou de l’album. Composition la plus calme (dans un album qui l’est déjà), la plus atmosphérique, la plus hypnotique sans doute, l’ostinato de la contrebasse qui berce l’auditeur l’invite à l’assoupissement. Les percussions se font joliment discrètes, la guitare brillante vient improviser ses effets et le crescendo est particulièrement subtil. On y retrouve parfois des sonorités et atmosphères d’un Moritz Von Oswald Trio, provenant notamment de leur Horizontal Structures de 2011. Une superbe parenthèse de sérénité et de rêves dans notre monde qui ne semble être guidé que par la violence, le bruit et la fureur.

La dernière "IV", plus courte, est un peu surprenante car elle flirte sans détour avec les atmosphères downtempo du darkjazz ou du jazz noir. Non qu’elle soit immergée dans l’obscurité, c’est en fait typiquement le type de jazz que l’on pourrait retrouver dans un film noir ou chez les Allemands de Bohren Und Der Club Of Gore. Ambarchi s’y amuse clairement avec les effets qu’il donne à sa guitare.

Ce Ghosted est le premier d’une série qui va être particulièrement bien reçue (en août 2025 sortira son troisième opus). Une série qui s’avère désormais un incontournable parmi celles de Ambarchi comptant des collaborations. Un très bel album dépaysant et quasiment inépuisable qui mérite clairement l’attention.

Note :4.5/5.