Vingt ans, ça se fête. Et quand on ne peut pas, comme ce fut le cas pour MUSIQUE MILLET dont pareil anniversaire tombait en plein premier confinement face au coronavirus, on se rattrape avec les vingt-cinq ans. Vincent Lonjon, éminent professeur qui reste toujours très attaché à la culture rock des années 70 en particulier, fait d'une pierre plusieurs coups entre les albums de 2024 et surtout 2025 (pas encore paru à cette heure), les concerts de mai avec des invités de marque parmi les élèves anciens, et cette petite compilation.

La couverture bien dans l'esprit des albums rock progressifs classiques est un emprunt à The Minstrel, oeuvre de Patrick Woodroffe (1940-2014), artiste spécialisé en surréaliste/fantasy qui avait réalisé des albums pour le groupe GREENSLADE notamment, mais aussi The STRAWBS, JUDAS PRIEST et même STRATOVARIUS. En tout cas, si les musiciens et bacheliers en herbe à Cherbourg-en-Cotentin sont heureusement plus beaux que ces farfadets ou prechauns, comme on le constate dans le gatefold intérieur/ouvrant du vinyle (oui, vinyle et double !) par de très nombreuses photos prises sur 25 ans, l'image les représente bien, notamment à leurs concerts.

Vinyle donc, avec treize morceaux dont certains dépassent allègrement les dix minutes. En guise de compilation, c'est assez luxueux ; un vrai petit plaisir partagé que Vincent Lonjon et MUSIQUE MILLET nous font. Et on le sait, franchement, sur vingt-cinq années, il est difficile de ne pas sélectionner en faisant des sacrifices. À travers ces Histoires d'Automne, la 'petite' compagnie lycéenne donne surtout un aperçu de tout ce qu'elle a pu faire en studio, hors chorale donc, avec divers genres, aussi bien chanson qu'instrumental, mettant l'accent sur les piano-voix féminins qui sont sa marque de fabrique autant que les aspects rock éloignés les uns des autres.

On peut trouver certains choix contestables, comme le fait que "The North Star Grassman and the Ravens" de Sandy DENNY par le duo Gaëlle Leconte/Marina Contal en 2013, plus belle perle féminine cachée de l'histoire de l'option musique, soit oubliée. Alors que DREAM THEATER se taille la part du lion avec deux titres face à tous les autres efforts de 'vrai' rock progressif signés GENESIS, CAMEL, ANGE (absent certes ici mais très présent sur le dernier album en date) etc, proposés durant tant d'années. Toutefois, on se rappelle vite qu'en plus de leur brillante exécution instrumentale (Lucas De La Rosa, véritable extraterrestre à la guitare électrique ET au synthétiseur solo sur "In the Name of God"), ce sont de jeunes chanteuses extrêmement talentueuses, Suzie Loubar et Louise Lucas, qui se réapproprient le metal progressif dans sa version la plus émouvante.

Aussi, qu'à côté de cela, il y a HARMONIUM et ce qui, aux yeux de Vincent Lonjon, demeure LA pièce-maîtresse de l'histoire de MUSIQUE MILLET, comme il l'a dit en interview très récente et liée aux concerts pour La Presse de la Manche, quotidien local, dans son numéro du 16 juin 2025. Les "Histoires Sans Paroles", long instrumental folk progressif de dix-sept minutes, ont ce charme précieux et fantastique justement, bien placées au coeur du disque comme de l'ensemble de l'oeuvre de MUSIQUE MILLET, avec cette année 2010-2011 qui reste un sommet. Et puis notre maestro est sans doute l'une des rares personnes à avoir rendu un dernier si bel hommage du vivant d'un artiste iconique, en l'occurrence Serge Fiori, chanteur/tête pensante du groupe HARMONIUM/grande figure engagée du Québec, décédé seulement quelques jours après l'article, à savoir le 24 juin 2025. Coïncidence aussi triste qu'heureuse puisque digne de l'artiste.

Du reste, on se délecte bien sûr toujours autant du solo de sax alto torturé de miss Coline Busquet sur le standard jazz instrumental de "My Funny Valentine" en live 2019, quand bien même celui-ci est placé aussitôt après un furieux "Highway Star" de DEEP PURPLE mené par monsieur Victor Vasselin en 2015, celui-ci venant trancher en début de face A du deuxième vinyle quand HARMONIUM clôturait si élégamment le premier. C'est aussi ça, MUSIQUE MILLET, l'art des bons contrastes bien qu'il soit demandé à l'auditeur autant d'indulgence (par rapport aux originaux) que d'envie de se laisser porter.

Le groovy et récréatif "Joe Frazier" du célèbre batteur jazz-prog Bill BRUFORD, basse soliste de Jean-Rémy Gloaguen en avant et en 2010, côtoie la lenteur sensuelle et roulante de "By the Cathedral" (Keren ANN) par la voix enfantine de Marie Léger en 2012. Au tonitruant "21st Century Schizoid Man" de KING CRIMSON, parmi les rares mises en avant vocales masculines de l'ensemble (à l'image d'un album 'normal') en 2015, s'opposent majestueusement la force de l'interprétation lyrique hantée d'Octavie Jégoux sur le "Je Suis Malade" de Serge LAMA en 2014 ainsi que la délicate beauté du chant de Terri-Jade Nunn sur la folk "Autumn Leaves" par Eva CASSIDY en 2011.

Ce dernier titre est l'occasion de constater, comme l'a mentionné également Vincent Lonjon sur l'interview, le parcours incroyable de certains de ces musiciens devenus adultes depuis et pour certains, professionnels. Terri-Jade, alias TEEJAY, ayant depuis réalisé un joli parcours pop atmosphérique bien que pas encore suffisamment (inter)national, est ici accompagnée à la guitare acoustique arpégée toute simple par Jean-Marie Canoville, superbe interprète de ANGE à l'époque et jouant également sur le HARMONIUM, devenu chanteur du groupe rock/hard progressif HOWARD qui, lui, a nettement creusé son sillon. Autant de titres différents mais qui semblent avoir tous, avec le recul, quelque chose d'automne, la saison des romantiques.

De l'importance donc d'une telle compilation à ce stade de carrière, même si en fait de vingt-cinq années, elle se concentre sur la meilleure période, à savoir les années 2010, celle des meilleurs enregistrements, les plus fournis en qualité musicale et avant un satané virus venu tout chambouler. C'est suffisamment identitaire dans la présentation globale. Et puis, évidemment, le meilleur (des meilleurs) moment demeure cet "Afterglow" de GENESIS (groupe le plus automnal, romantique, favori de maestro Lonjon), slow divin et merveilleux porté en 2017 par une Florence Darwen féérique, à qui l'on souhaite pour elle aussi un rayonnement digne de son talent. Sur le bulletin de MUSIQUE MILLET, pour la moyenne, tout cela vaut bien un 18/20 !