Après un premier album où il dévoilait sa vision très personnelle de la musique électronique, Benoît WIDEMANN s’attèle plus franchement à la musique jazz, toujours instrumentale et avec synthétiseurs, dans la lignée de WEATHER REPORT et MAHAVISHNU ORCHESTRA.

Si le toucher fluide et souple de Benoît WIDEMANN semble assez inspiré de celui de Joe ZAWINUL de WEATHER REPORT, en particulier dans les soli de synthétiseur, ses compositions n’en sont pas moins originales et touchantes, d’une fraîcheur que reflète bien la peinture de style naïf figurant sur la pochette. "Des Îles" joue du contraste entre l’évidence du thème et la sophistication des développements, avec de belles percussions apportant une touche exotique. "Cécile" et le morceau-titre bénéficient de superbes mélodies, plus simples et plus limpides, avec le même type d’harmonies sensuelles et de travail sur l’électronique que sur Mr. Gone (1978) de WEATHER REPORT, c’est assez grandiose.

Si les trois morceaux précités sont encore teintés d’une influence zeuhl, quoique fondue dans un style personnel, les trois autres pistes quittent le registre progressif grandiloquent de Stress! (1977) pour plonger dans un jazz-fusion moins extravagant toujours élaboré. "Fifteen For Me" et le ternaire et asymétrique "Let’s Go, Kids Of The Drum" sont chacun basés sur une incise musicale, au contraire de "The Proud Mongol" qui expose son thème puis le décline en différentes variations en entrechoquant les nomenclatures (5/8, ternaire, binaire, 6/8 avec polyrythmie 6-7, des 'outrances' rythmiques qui renvoient à certains morceaux du premier album tels que "Balèze" et "Qua Ternaire") et les styles (notamment un court passage plus purement jazz). Benoît WIDEMANN réitère avec succès le double principe d’électronique et de formation à géométrie variable et l’applique avec succès au registre jazz.

Benoît WIDEMANN a encore gagné en technicité depuis le premier album. Les sons électroniques sont d’une grande propreté et s’associent parfaitement avec le reste de l’instrumentation. De la sphère Zeuhl, il ne reste là que le claviériste Jean-Pierre Fouquey qui seconde Benoît et compose un titre. On trouve encore le guitariste Jean-Pierre Grasset, leader de VERTO, sur "Cécile". Les percussions, assurées par les frères Ceccarelli (le fameux André et le plus méconnu Jean-Paul, qui a joué en tournée avec STING ou Jacques DUTRONC). Gilbert Dall’Anese a fait carrière dans le jazz – cela s’entend avec sa composition "The Proud Mongol" – quand son frère Rémy a connu un parcours plus obscur, outre cet album on le retrouve dans le groupe GOLDCHILD (1975) de Roger Poulet.

Si Benoît WIDEMANN a participé à MAGMA de 1975 à 1983, il a également été très actif auprès de plusieurs autres anciens musiciens du groupe tels que Patrick GAUTHIER (Bébé Godzilla), Jean-Pierre FOUQUEY (Tactics), Didier LOCKWOOD (1, 2, 3, 4) et Dominique BERTRAM (Chinese Paradise), sans oublier bien sûr le supergroupe FUSION (1981) avec VANDER, TOP et LOCKWOOD.

4 ½ sur 5