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Frédéric CHOPIN - Mazurkas Vol. 2 (1838)
Par EMMA le 8 Juin 2025          Consultée 346 fois

Cette chronique concentre la suite et fin des Mazurkas publiées du vivant de CHOPIN. Ecrites entre 1838 et 1846, elles correspondent à ses années de pleines maturité, il les compose aussi alors qu’il est rongé par la maladie et pousse ainsi la forme à ses limites expressives.

L’Opus 33 est une recueil d’une diversité assumée. Composé en 1838, ce cycle de quatre pièces marque une transition délicate. La première Mazurka en Sol Dièse Mineur installe un climat d’emblée plus intériorisé. Lente et voilée, elle est marquée par une écriture aérienne dans les aigus souvent en doubles croches appuyées sur la main droite. L’entrée sur un demi-ton ascendant donne le ton : tout est ambigüité, flottement expressif. Les phrases sont courtes, interrompues, il y a quelque chose d’un soupire chanté. À l’inverse, la seconde plus vive, évoque l’ambiance folklorique avec ses motifs répétés et ses accents rythmiques sur le deuxième temps. Le motif principal à la main droite s’appuie sur des répétitions en tierces et sixtes, l’élan rythmique est préservé. Le changement de tonalité, inattendu, est tel une ouverture grandiose dans une pièce champêtre. Plus simple, la charmante troisième Mazurka repose sur une ligne claire, sans fioritures, juste animée de l’intérieur avant qu’une sorte de Rondo ne naisse de la dernière pièce. Tout en contraste, elle alterne entre lyrisme élégiaque, moments dansants et climats suspendus. Le jeu du majeur/mineur donne une coloration douce-amère permanente. Le passage central exige une sonorité chantante, plus lyrique, tandis que le reste réclame précision et stabilité dans le tempo rubato.

L’Opus 41 est traversé d’éclats mystérieux. La première Mazurka évoque l’univers polonais avec grandeur, douceur et pudeur. L’écriture est dense, le phrasé est chantant, et dans un élan rythmique continuel, la main gauche est principalement faite de grappes d’accords tout en souplesse. Une pièce d’une élégance profonde qui laisse place à la seconde Mazurka du cycle, l’une des plus douloureusement intériorisées. La ligne mélodique est sinueuse, à peine énoncée, tout en nuances et en silence. La main gauche martèle doucement une basse obstinée sur laquelle la droite s’élève en motifs chromatiques, proche du soupir. Il s’agit d’une plainte retenue, poignante mais qui pleure sans bruit. La troisième Mazurka est une petite pièce des plus brèves et des plus étranges qui ouvre joliment la voix à la dernière œuvre de cet opus. Celle-ci cache une mélancolie rêveuse sous un léger sourire. Elle s’ouvre, gracieuse, tout en souplesse et s’appuie sur une pédale tonique qui lui donne une stabilité presque hypotonique. Son écriture tout en simplicité rappelle les Mazurkas des débuts. Elle séduit sur un toucher perlé, rêveuse, presque retirée et pourtant bien présente. CHOPIN concentre son art, l’épure. Ces pièces sont moins immédiates et on le sent maîtriser parfaitement son génie.

D’un ton modeste s’ouvre la Mazurka En Sol Majeur de l’Opus 50. Celui-ci est composé entre 1841 et 1842. Et atteint comme une forme de sérénité expressive sans emphase vers un art poétique accompli. La première donc, se déploie dans un balancement tranquille sous lequel court une subtilité rythmique constante : le jeu des accents irréguliers à la main gauche et les rebonds voilés sur le troisième temps. La deuxième Mazurka avance tissée de syncopes et d’harmonies discrètement modulantes tout en restant veloutée. La dernière, en Do Dièse Mineur, comme bien souvent, est la plus ambitieuse. Elle frôle la forme d’une Fantaisie. Le rubato devient narratif, les éclats rythmiques cachent une tension presque orchestrale. L’on s’éloigne de la structure dansée et CHOPIN y déploie, dans son écriture, une forme de liberté, par ses contrastes thématiques, ses élans imprévus. À exécuter, elle exige autant d’imagination que de maîtrise pianistique. L’Opus 50 se donne peu, mais il se révèle discrètement dense et poétique.

Les mazurkas des Opus 56 et 59 figurent parmi les plus belles jamais écrites par CHOPIN. L’Opus 56 s’ouvre sur une pièce à l’ambiguïté envoutante alternant entre les tonalités Majeur et Mineur sans jamais se fixer. L’écriture est d’une élégance divine. La pièce qui suit fait surgir le folklore avec panache : ses rythmes appuyés, sa basse obstinée et sa cadence typique qui réclame une précision rythmique et une capacité à faire danser la polyphonie. Mais ici aussi c’est avec la troisième Mazurka que l’on atteint un sommet grâce à sa structure ample, presque sonatale, son atmosphère habitée, sa maîtrise du souffle et du silence. Elle évoque davantage une ballade qu’une danse. L’Opus 59 poursuit ce bouleversement. La mazurka en La Mineur, déroule une mélodie plaintive aux accents nostalgiques. L’émotion naît, ici, du détail ornemental. La seconde, d’une construction plus complexe, joue sur des contrechants inattendus, presque impressionniste par moment. Elle maîtrise un art du clair-obscur. L’on clôt ce triptyque sur une note flamboyante. Ces deux opus gravissent les hauteurs d’un art parfaitement maîtrisé.

Composées en 1846, les trois mazurkas de l’Opus 63 sont les dernières publiées du vivant de CHOPIN. Elles portent la marque d’une lucidité douloureuse, d’un raffinement extrême traversé par la maladie mais aussi une forme de courage poétique. C’est en Si Majeur que s’ouvre la première, la seule véritablement joyeuse mais derrière l’élan se cache une certaine fragilité, un équilibre instable. Les deux autres plongent dans une ombre plus dense. L’une est en Fa Mineur et semble constamment tiraillée entre chute et résistance. Elle lutte contre une attraction descendante, pensante. Les dissonances de la dominante, les tensions harmoniques créent un climat de tourment intérieur à peine allégé par un bref épisode en Mi Bémol Majeur, comme un souvenir heureux, venu de loin. L’autre, en Do Dièse Mineur referme le cycle dans une grâce mélancolique. La mélodie semble s’effacer à mesure qu’elle s’épanouit. Là encore, un éclair en tonalité Majeur, traverse la pièce en son centre avant une fin agitée et dramatique. Plus proches de la valse, toutes deux appellent un toucher fluide, flottant sans rompre la tension et deviennent davantage des formes libres, poétiques, intérieures.

Avec ses Mazurkas, CHOPIN forge un langage à part entière, intime et libre enraciné dans une rythmique de danse populaire polonaise mais tendue vers une poésie universelle. Ultimes éclats d’un art, des plus simples aux sommets intérieurs, les Mazurkas chantent et s’éteignent comme un souffle aussi noble que solitaire.

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2. Mazurka Op. 33 No. 2 En Ré Majeur
3. Mazurka Op. 33 No. 3 En Do Majeur
4. Mazurka Op. 33 No. 4 En Si Mineur
5. Mazurka Op. 41 No. 1 En Do Dièse Mineur
6. Mazurka Op. 41 No. 2 En Mi Mineur
7. Mazurka Op. 41 No. 3 En Si Majeur
8. Mazurka Op. 41 No. 4 En La Bémol Majeur
9. Mazurka Op. 50 No. 1 En Sol Majeur
10. Mazurka Op. 50 No. 2 En La Bémol Majeur
11. Mazurka Op. 50 No. 3 En Do Dièse Mineur
12. Mazurka Op. 56 No. 1 En Si Majeur
13. Mazurka Op. 56 No. 2 En Do Majeur
14. Mazurka Op. 56 No. 3 En Do Mineur
15. Mazurka Op. 59 No. 1 En La Mineur
16. Mazurka Op. 59 No. 2 En La Bémol Majeur
17. Mazurka Op. 59 No. 3 En Fa Dièse Mineur
18. Mazurka Op. 63 No. 1 En Si Majeur
19. Mazurka Op. 63 No. 2 En Fa Mineur
20. Mazurka Op. 63 No. 3 En Do Dièse Mineur



             



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