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Frédéric CHOPIN - Polonaises (1834)
Par EMMA le 14 Juin 2025          Consultée 399 fois

Des Polonaises, CHOPIN en écrit une vingtaine, beaucoup sont posthumes, nombres d’entre elles sont perdues et au final seulement huit sont publiées de son vivant. Elles occupent une place à part, héritées de la tradition polonaise, elles deviennent sous ses doigts bien plus qu’une danse. Elles sont un espace d’affirmation qui exprime son attachement à ses origines, la douleur de l’exil et un langage profondément personnel.

La toute première Polonaise de CHOPIN, "Polonaise En Sol Mineur", sans numéro d’opus, n’a pas été publiée officiellement de son vivant, mais son père en assure l’édition en 1817, dans un tirage limité destiné à la comtesse Wiktoria Skarbek. CHOPIN n’a alors que sept ans, et pourtant, cette page brève et modeste contient en germe ce que le genre deviendra entre ses mains. Elle est simple, respectueuse d’une forme classique mais témoigne déjà d’une aisance naturelle et l’on y sent la volonté de saisir l’essence noble de la polonaise. Un thème personnel affleure, timide, doux, éthérée et sincère. Elle n’est pas encore insurgée mais elle ouvre la voie.

C’est quelques années après son installation à Paris que CHOPIN écrit les deux Polonaises de l’Opus 26. Il en fait un véritable espace dramatique, fusionnant la tradition de la danse polonaise avec ses techniques pianistiques innovantes dans une structure mouvante au service de l’émotion. Ces deux pièces, profondément émotives agissent comme indignées incarnant à la fois fureur et tendresse. La première, en Do Dièse Mineur, déploie une tension sombre immédiate avec ses accords dissonants, ses arpèges oppressants qui donnent le sentiment d’une lutte, d’un souffle retenu. Structurée en A-B-A-Coda, cela permet une souplesse expressive, furieuse qui explore des humeurs contrastées avec une partie centrale bien évidemment plus lyrique. Cette pièce est servie par une écriture exigeante, notamment une main gauche très active et des contrastes dynamiques puissants. Dressant presque le cadre d’un poème symphonique cette œuvre est exigeante techniquement, virtuose et profondément touchante. La deuxième, en Mi Bémol Mineur, se révèle plus introvertie. Elle s’ouvre comme une plainte voilée, puis s’élève peu à peu dans un crescendo de notes qui semblent chercher leur souffle. Le thème, bien que dansant, est déformé par la douleur marquée par une lourdeur rythmique et une ornementation plaintive jusqu’à une partie plus lumineuse, apportant un bref répit avant le retour d’un thème hanté. Cette polonaise ci est tel un soliloque désespéré, une confession intérieure chargée d’ombres et d’élans brisés.

Avec l’Opus 40, publié en 1840, CHOPIN affirme la dimension patriotique de la polonaise mais dans un diptyque radicalement opposé, deux pièces écrites à peu d’intervalle, mais presque opposées dans leur énergie et leur fonction expressive. La première, en La Majeur, notée ‘allegro con brio’ est souvent surnommée "Polonaise Militaire", à juste titre. Rythmée, martiale, elle s’avance avec l’assurance d’une marche de cavalerie : sa répétitivité assumée, sa régularité, ses accords plaqués et ses octaves affirmées traduisent une volonté de grandeur. La seconde Polonaise, en Do Mineur, plonge dans un univers sombre, douloureux et tourmenté. Si l’on peut voir dans la première un hymne national, la seconde est son pendant endeuillé. Noble mais alourdi, les basses sont plus graves, plus oppressantes. Toutes deux sont unies par la puissance de leur style.

Un an plus tard est écrite la Polonaise Opus 44. CHOPIN pousse la forme dans ses retranchements et il en ressort une œuvre intensément libre et dramatique. La danse devient un drame, tendue jusqu’à la déchirure. L’introduction est grave et déterminée avant que le thème n’éclate dans une progression impérieuse, véhémente traversée de dissonances et d’accords rageurs. La main gauche est redoutable, forgeant une rythmique implacable. En son centre surgit une pièce douce, dans un contraste saisissant, presque une Mazurka, qui ne peut laisser de marbre bien que le drame ne revienne avec plus de force encore, surprenant avec ses gammes montantes qui hurlent, jusqu’à une coda frénétique. Peut-être qu’ici naît les prémices de la "Polonaise-Fantaisie" que CHOPIN porte à son sommet quelques années plus tard, en 1846. Celle-ci est l’aboutissement, presque une réinvention du genre. La Polonaise en perd ses formes, CHOPIN la rêve dans une forme des plus libre. D’un raffinement extrême dès l’ouverture flottante presque indécise, elle semble naître d’une hésitation avec ses silences expressifs. Tout se construit par effleurements puis elle émerge peu à peu, la pulsation de la Polonaise est là mais dissoute dans un tissu rhapsodique. Les épisodes se succèdent dans une narration libre, faite d’élans contrariés, de retours incertains. Rarement CHOPIN aura écrit une musique aussi subtilement blessée. La "Polonaise-Fantaisie" est son œuvre la plus poétique du genre, presque inclassable, suspendue entre la noblesse rythmique de la Polonaise et l’abandon lyrique de la Fantaisie.

En 1842, CHOPIN compose la "Polonaise Opus 53 En La Bémol Majeur" surnommée "L’Héroïque" qui résume avec force l’élan de cette œuvre. La main gauche installe d’emblée un climat de puissance et de tension, avec ses notes presque martelées sur lesquelles se déploie un thème majestueux avec une main droite large et conquérante. Le rythme de la polonaise est porté par une pulsation urgente. Cette pièce, virtuose, est d’une densité expressive. Elle enchaîne octaves, traits ascendants, accords plaquées dans une course effrénée. La partie centrale en Mi Majeur, plus chantante, élargie la tension à quelque chose de glorieux et plein de vigueur. Cet opus est une affirmation d’identité, une exaltation de la grandeur, fière et indomptable.

De cette traversée des Polonaises, l’on retient que ce que CHOPIN hérite d’une tradition, il ne se contente jamais de répéter, il l’habite, le tord, le réinvente, jusqu’à en faire un territoire de l’âme. Leur grandeur, virtuose et technique sans doute aucun, réside aussi dans un romantisme intérieur bouleversant. Toutes sont lucides, blessées, indomptables, fières, éclatantes et intensément puissantes et tragiques.

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1. Polonaise No. 1 En Do Dièse Mineur Op. 26
2. Polonaise No. 2 En Mi Bémol Mineur Op. 26
3. Polonaise No. 1 En La Majeur Op. 40
4. Polonaise No. 2 En Do Mineur Op. 40
5. Polonaise En Fa Dièse Mineur Op. 44
6. Polonaise En La Dièse Majeur Op. 53
7. Polonaise-fantaisie En La Bémol Majeur Op. 61
8. Polonaise En Sol Mineur



             



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