On va un peu se marrer les gars, ras le caisson de tous ces groupes qui se prennent au sérieux non ? Alors prenons un des champions de la déconnade avec un grand D, et donc dans le ska two tone revival, après avoir écumé les tarés de MADNESS et les loufoques SPECIALS, voici venir les BAD MANNERS... au nom prédestiné comme vous l’imaginez ! L’embryon du groupe naît dès 1976 autour du colossal Buster Bloodvessel aka Dougie Trendle, un personnage très lourd en couleur – plus de 180 kilos à son max, personnage au look immanquable qui évoquerait un François Hadji Lazaro en plus punky… ouais ça promet non ? Des camarades de high school qui montent un groupe de ska dans cette époque où le punk et la new wave dominent le monde, voilà qui semble logique en cette Angleterre du début des eighties ! Les concerts endiablés du groupe leur valent leur premier contrat chez Magnet record et nous y sommes !

Nous avons tout d’abord trois singles, on a beau être punk, le blé reste le nerf de la guerre ! Et ça débute fort avec "Nene, nana, nana, nunu" - 28eme des charts, on est clairement pas loin de MADNESS la classe en moins mais la folie est bien là, les gars ressemblent à des échappés de l’asile sur les vidéos de l’époque et Buster domine déjà les débats avec son ton truculent et son look nucléaire de skin dégénéré, c’est une reprise de Dicky DOO; on continue avec "Lip Up Fatty" -15eme et le "Ta gueule gros" d’aujourd’hui – répétitif et plein de cuivres rebondis, avec un Buster qui saute dans tous les sens – comment ce mec a-t-il pu grossir à ce point ? C’est sympa. Mais c’est avec le 3eme single "Special Brew" qu’ils vont casser la baraque en atteignant la 3eme place des charts grands bretons. Le titre est déjà plus calme et pop, presque posé.

Nous avons donc de la composition originale, voyons donc de quoi il en retourne ! "Here Comes The Major" donne le la… enfin le ton sur son beat binaire et tout le monde dodeline de la tête ! Vous sautez pas tel un petit pois sur "King Ska/Fa" vous ? On sent plus de sophistication sur "Inner London Violence", une jolie fusion musicale originale qui promet pour la carrière à venir, les rythmes skas sont terribles, et le solo d’orgue de Martin Stewart déchire bien. "Scruffy, The Huffy Chuffy Tugboat" se présente comme une chanson des années folles, surprenante. Les instrumentaux continuent d’alimenter la fête et "Holiday" ne faiblit pas loin s’en faut ! Les gars de MADNESS prenaient le bateau de nuit pour le Caire, les BAD MANNERS se contentent du bus de nuit pour Dalston sur "Night Bus To Dalston". J’ai une petite préférence pour la course pressée de "Ivor The Engine", complètement frappadingue.

Plusieurs reprises de classiques émaillent le skeud : le "Monster Mash" de Boris PICKETT trouve ici une seconde jeunesse complètement déjantée, on a l’impression d’assister à une fin de nuit dans un pub alors que la team locale a perdu - Buster est un supra aficionado de foot. Puis les gars se permettent de reprendre "Magnificent 7" de Elmer BERNSTEIN, soit la BO des 7 mercenaires… Et on est de suite de retour dans le pub, ça cause dur entre deux – ou douze - pintes de stout ou de guinness, la musique ne s’en trouve pas grandie mais l’ambiance est bonne. Et puis voyez donc : "Woolly Bully" est de la partie, ce titre était taillé pour ce cinglé de Buster qui hurle à la mort tout du long. Il faut dire que ce standard de SAM THE SHAM était fait pour le ska, ce rythme tressautant c’est irrésistible. Enfin, le vieux Hit de 45 "Caledonia" par Louis JORDAN renaît ici avec un Buster qui joue à singer les chanteurs des fourties de Be Bop avec un talent dingue. "Fatty Fatty" continue d’aligner les concepts de gros lard sur des rythmes ska et c’est réussi.

Ce premier album annonce clairement la couleur, les potes de BAD MANNERS ont lancé un projet en droit ligne sur les traces de leurs glorieux aînés de MADNESS et des SPECIALS. La reprise en mode Ska des classiques du passé devient une démarche évidente, mais les gars montrent aussi qu’ils savent écrire et qu’il faudra compter sur eux pour l’avenir ! Un opus encourageant et un trois de circonstance, pas de classique mais de l’éclate en barre !