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Franz LISZT - Rhapsodies Hongroises No.1 à 6 S.244 (1846)
Par EMMA le 25 Juin 2025          Consultée 368 fois

Le terme rhapsodie vient du grec, à l’origine, c’est une suite de poèmes épiques chantée par les rhapsodes, ces conteurs de l’oralité. En musique, elle devient un récit décousu mais expressif, une forme libre sans contraintes strictes. Franz LISZT en écrit dix-neuf. Adulées à leur apparition, vivement critiquées par la suite, elles n’en demeurent pas moins l’un des sommets virtuoses de la musique romantique à la croisée du folklore réinventé, des prouesses pianistiques et d’un lyrisme fiévreux. Elles sont des souvenirs d’enfances, elles réinterprètent des thèmes folkloriques issus de la tradition plutôt tzigane que strictement hongroise – malgré leur nom. Il les teinte de romantisme et leur donne une grandeur épique. Elles seront déclinées pour orchestre ou duo mais c’est au piano solo qu’elles révèlent toute leur force évocatrice. De cette première chronique d’une série de trois, nous nous attardons sur les six premières Rhapsodies Hongroises.

L’écriture y fait un usage récurrent de la gamme tzigane, dramatique et flamboyante, et s’articule souvent autour en deux partie, le Lassan (lent) et le Friska (rapide et fougueux), deux rythmes issus des danses traditionnelles, généralement en mesure binaire.

La première Rhapsodie s’ouvre dans une gravité presque funèbre : une ligne noble, posée, immédiatement troublée par des ornements chromatiques qui distordent la stabilité du discours. Ce Lassan initial installe un climat de tension retenue où les silences comptent autant que les notes. L’Allegretto qui suit apporte un allègement du phrasé, plus lyrique, presque chantant mais toujours contenu dans une structure harmonique raffinée. Les retards, les appogiatures, les modulations tissent une trame harmonique dense. Tout se joue sur l’espace, avec une écriture large et sophistiquée. Le rythme binaire s’y fait souple tandis que la virtuosité reste voilée. Le final bascule dans une brève exubérance sans rompre son équilibre. Cette pièce agit comme un prélude, la Hongrie rêvée de LISZT avant que ne se déchaine la furie des pièces suivantes.

La deuxième Rhapsodie, incarne à elle seule l’esthétisme lisztienne dans ce qu’elle a de plus théâtral et contrastée. Elle s’ouvre sur un Lassan lent et sinueux, suspendu, où la ligne mélodique serpente avec mélancolie, comme une plainte. Chaque inflexion semble hésiter entre nostalgie et provocation. Puis, survient le Friska, cette brusque accélération qui propulse la pièce dans une danse endiablée, faite de contrastes extrêmes, de syncopes, de ruptures. C’est un carnaval sonore, déchainé, un défi pianistique où rien n’est laissé au hasard. La virtuosité s’y fait redoutable et exigent une maîtrise absolue de la souplesse et de la précision rythmique entre trilles étirés, octaves rapides, sauts, croisements de mains, contretemps subtils et écarts extrêmes. Le piano forme presque un orchestre à lui seul, une main gauche qui martèle évoque les percussions d’un cymbalum et la main droite dans des envolées, fuse, voltige, nuance telle les attaques vives d’un violon. Tour à tour lyrique et sautillante, capricieuse et jubilatoire, cette Rhapsodie alterne les ‘forte’ et les ‘piano’, élans impérieux et les clins d’œil ludiques. C’est une pièce de tension et d’éclat qui révèle autant la folie dansante que la rigueur sous-jacente.

Plus brève, la troisième Rhapsodie s’ouvre dans les graves, sur une matière sombre, presque sourde d’une tension continue. La main gauche installe une ligne tenace, pesante sans être lourde, pendant que la main droite se déploie au milieu du clavier avec une retenue expressive. Lorsque le Friska apparaît, il se dessine d’abord dans les aigus, mystérieux, comme à tâtons, avant de retomber dans les graves avec une force martelée, presque menaçante. L’élan ne débouche que se l’emphase. Tout y est contenu, ambigu, comme suspendu entre élan et inquiétude. Il y a là une énergie, un souffle qui hésite à se libérer. C’est presque un interlude, de tension plus que d’explosion, un instant de latence dans le cycle, où l’on oublie la démonstration flamboyante. La quatrième Rhapsodie, en Mi Bémol Majeur, prend la suite dans cette même atmosphère, troublante, d’apparence plus lumineuse, mais fondamentalement instable. Les phrases longues s’étirent, les trilles interminables s’y prolongent mais sont sens cesse rappelées par une ombre persistante voilant la clarté du discours. Derrière l’éclat initial, l’inquiétude rode et se traduit par des ruptures soudaines et des contrastes dynamiques. Si un passage dansant affleure, il est toujours ramené à la gravité souterraine.

La Rhapsodie suivante, aussi appelée "Héroïde Elégiaque" est sublime. C’est l’épopée tragique du cycle, grave, solennelle et habitée d’un souffle héroïque presque désespéré. Loin d’une danse effervescente, elle est blessée et nostalgique. L’œuvre s’ouvre sur une lamentation profonde, un chant blessé, alourdi par la douleur mais porté par la fierté. La matière est dense, sombre, les accords pèsent, les phrasés sont larges, et la pulsation lente se fait pesante. La gamme tzigane prend un caractère incantatoire amplifiant encore la tragédie. Si elle ne renonce pas à la lumière, dans des passages plus lyriques, presque murmurés qui affleurent comme des souvenirs enfouis, des explosions rythmiques surgissent sans relâche de cette toile sombre lui apportant une dimension quasi symphonique.

En Ré Bémol Majeur, la sixième Rhapsodie vient clore ce premier groupe avec éclat. Véritable feu d’artifice, elle déborde de vitalité, de fougue festive, et reprend le schéma traditionnel lassan-friska avec une énergie renouvelée. L’ouverture calme mais souple installe un climat mystérieux comme un dernier souffle avant l’embrasement. Plus le Friska surgit en une danse incisive et virtuose avec ses accents vifs évoquant le folklore traditionnel. Les doubles croches filent, les octaves bondissent, les sauts s’enchaînent et l’endurance est mise à rude épreuve. Pourtant, malgré cette déferlante technique, demeure une grâce dans l’agilité, une clarté dans le déchaînement. Le piano devient instrument de fête autant que d’exploit, et dans ce déluge, se referme ce premier cycle qui s’exprime tout en tension d’un romantisme inextinguible.

Ces premières Rhapsodies Hongroises forment un arc dramatique où LISZT explore tant ses souvenirs que ses visions. On y entend des danses qui pleurent, des marches qui vacillent, des chants qui s’embrasent. Chaque pièce, toute de contrastes et d'humeurs, entre tendresse et fureur est sculptée dans l’excès. Le langage y est irrémédiablement libre mais toujours habité d’une intelligence structurelle. L’exubérance cache des blessures, et réduire ces pièces à des démonstrations de virtuosité, c’est méconnaître la chair dramatique, la poésie tzigane, la pudeur expressive qui les traverse. Chaque fragment tisse un récit, raconte et se rappelle, profondément vivant et déchirant, ne se laissent jamais dompter.

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1. Rhapsodie Hongroise No.1 En Do Dièse Mineur
2. Rhapsodie Hongroise No.2 En Do Dièse Mineur
3. Rhapsodie Hongroise No.3 En Si Bémol Majeur
4. Rhapsodie Hongroise No.4 En Mi Bémol Majeur
5. Rhapsodie Hongroise No.5 En Mi Mineur Héroïde Elég
6. Rhapsodie Hongroise No.6 En Ré Bémol Majeur



             



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