Aie aie aie, on arrive déjà au duo d'albums maudits de Paul McCARTNEY ! Ayant célébré en grande pompe son passage à la quarantaine avec un Tug of War (1982) plus ou moins bien équilibré, c'est la chute libre en une seule année, d'abord avec Pipes of Peace (1983). Naturellement, c'est toute proportion gardée, le nom de Macca est toujours plus prestigieux et (euphémisme) accueilli mieux que celui de son ancien comparse Ringo STARR, qui avait participé à l'album précédent. On le retrouve d'ailleurs ici ainsi que d'autres comme Denny Laine (c'est la dernière fois), Steve Gadd ou Stanley Clarke pour venir prêter main forte, le tout de nouveau sous la houlette de l'éminent George Martin, sans atteindre grand-chose au final !

La raison est simple. Après la mort de John LENNON, notre cher Paul a accumulé un nombre considérable de compositions, et concernant Tug of War, il en a gardé une bonne partie du meilleur, avec peu d'éléments regrettables. Pour Pipes of Peace, qui puise dans le même vivier, c'est l'inverse. Peu de choses à retenir, une fois les deux premiers titres passés. Macca nous fait le coup de la réponse au morceau "Tug of War" et en première position de surcroît avec la chanson éponyme, déjà moins efficace en termes pop mais dotée d'une progression intéressante. Dans les affres et la confusion qui peuvent se créer même sans conflit armé, on retrouve pas mal du Paul hippie de la fin des années 60, mêlant world-music (tablas hindous, flûtes de pan) et légèreté à la "Hello Goodbye".

Grand changement aussitôt après, puisque survient "Say Say Say", single phare qui précède de quinze jours la sortie de l'album et offre à Macca la consécration qu'il n'aura plus dans ce sens avant quelques années. Avec sa pop synthétique au son triggé/cuivré mais pas non plus de façon outrancière (merci au piano Fender Rhodes d'adoucir les moeurs !), "Say Say Say" marque d'une assez bonne manière les retrouvailles en compagnie de Michael JACKSON. Après que celui-ci ait eu repris "Girlfriend" des WINGS sur son album Off the Wall (1979), depuis Tug of War, il eu le loisir de faire venir McCARTNEY pour le duo r'n'b "The Girl is Mine" sur Thriller (1982), devenu l'album le plus vendu de l'histoire.

Alors échange de bons procédés, et cela fonctionne sans trop rougir (contrairement à Stevie WONDER), et les voix de nos deux rois de la pop se marient bien. Un vrai tube, numéro 1 ou au moins top 10 dans plusieurs pays, grâce aussi à son clip 'western'. L'honneur est sauf, il y a de quoi alimenter les futurs best-of avec "Pipes of Peace" ! Mais ensuite, quoi ? "The Other Me" reprend l'inspiration world injectée dans une soul blanche et groovy, basse du maître en avant mais aussi des sons synthétiques, des choeurs gamins altérés très médiocres, surtout pendant un solo de guitare sucré. À ce stade, on lui préfère largement "So Bad", nettement plus sympa malgré son nom, façon cocktail-plage, un synthé de type Prophet 5 ou Roland Jupiter 8 plus léger. Un des meilleurs titres de l'album, quoique 'pas fou'. Si Laurent VOULZY n'a jamais caché son admiration pour Macca et ses anciens amis, loin s'en faut, ce titre ressemble à un "Coeur Grenadine" version Paulie !

"Sweetest Little Show" reprend un peu l'esprit WINGS lui par contre, avec ses quelques éléments 'vivants' quand on s'y attend le moins, au milieu d'une chanson pop bubblegum d'essence acoustique. On comprend mal en revanche son enchaînement avec "Average Person", dont le rythme massif et les accents beachboysiens soulèvent l'intérêt au départ, mais qui se révèle trop chargé, en cuivres, en bruitages, en tout, sans qu'on ne trouve de quoi vraiment s'y raccrocher. Quant au "Tug of Peace" censé créer l'événement avec son approche tribale-électronique, il se rapproche certes du McCartney II en termes créatifs, mais ce n'est point un gage de qualité.

"Hey Hey" offre une pseudo pop-reggae mêlant sons synthétiques contestables et guitares affûtées, sans grand relief et tout comme son instrumental dispensable. Dire qu'on ne peut même pas accuser une perte d'aisance de la part de l'ex-BEATLES, d'abord en termes mélodiques ! Car avec "Through Our Love", Macca fait du Macca, Martin rajoute du Martin, et la sauce prend, mais sans de quoi réveiller les morts, ce que l'album précédent avait déjà un peu plus.

Enfin, avec "Keep Under Cover" et surtout "The Man" (de nouveau avec mister Michael JACKSON), on a le cas d'exemple typique de chansons parties de bonnes idées mais dont le traitement laisse à désirer ; même le sucre plus que généreux de la seconde n'en constitue nullement le point négatif, de facto. Il va de soi que, se reposant un tantinet sur les lauriers de son album précédent qui l'a consacré en star de la nouvelle décennie, et en travaillant de façon simultanée sur un documentaire biographique, mister McCARTNEY est clairement ailleurs. Les vaches maigres resteront un peu et vont même perdre du poids encore.