Onze longues années se sont écoulées depuis le dernier opus en date des REO SPEEDWAGON, Building The Bridges. Malgré sa claire couleur électorale démocrate, les espoirs du groupe de truster les sommets du billboard se sont quelque peu réduits à zéro. Donc profil bas, les revenus issus des passages en radio sont suffisamment élevés pour se prélasser les cotes en long devant leur piscine. L’heure n’est plus vraiment à ce genre d’espoir de toutes manières et Kevin a juste envie de sortir les mélodies qui lui trottent dans la tête, et si on rafle quelques biftons au passage alors, c’est le graal ! Il s’agit du 15eme opus de nos artistes qui ont donc bien mérité de la musique populaire !

"Smilin In The End" est le titre le plus rentre dedans du lot, on est dans un hard rock racé fort plaisant après toutes ces années de balades ! Kevin semble s’amuser avec la talkbox maniée par Dave D’Amato, le résultat est franchement fendard ! Et boum, une intro à la RUSH sur "Another Lifetime", on remarque des similitudes entre les deux groupes par moment, notamment dans les tentatives plus progy du groupe de l’Illinois. La comparaison avec le voisin canadien reste de bon aloi. "Let My Love Find You" est une mid ballade qui sombre un brin plus vers la chialante et dont on ne sait trop que faire, mais ça reste écoutable.

Les intonations sont très pop AOR sur "Find Your Own Way Home", avec un rythme posé et des harmonies toujours aussi bien troussées, mais drivées par les claviers plus que les grattes. Le chant de Kevin est efficace, on sent que le chanteur a de l’expérience et qu’il sait comment créer des ritournelles qui marchent. "Everything You Feel" est taillée pour les passages en radio… en 1984. Il n’y a pas de doutes tout ceci est bien foutu, on a même envie de chanter le refrain ! "I Needed To Fall" a charté dans l’adult billboard à la 26eme place, REO parvient toujours à survivre malgré les années et les modes qui passent. Certes on est loin des chiffres de vente faramineux du début des eighties malgré le savoir faire qui est là.

C’est de l’AOR au plus haut niveau de maitrise, voyez plutôt "Dangerous Combination" et son rythme addictif. Pas question de faire de la création innovante bien sûr, le groupe œuvre comme ses collègues LOVERBOY ou STYX dans une veine qui lui appartient et qu’il a contribué à populariser, on ne change pas une formule qui fonctionne... D’ailleurs voyez donc il y a Jim Peterik dans les crédits, le créateur de "Eye Of The Tiger" l’hymne du genre. Et parfois cela tombe un peu à plat avec des mélodies déjà entendues 1000 fois dans l’americana de MELLENCAMP ou PETTY ou carrément l’AOR de SURVIVOR – puisqu’on parle de Peterik et de SAGA, c’est le cas sur "Run Away Baby" !

C’est une surprise, il y a sur cette livraison deux titres assez remarquables : on apprécie la belle rythmique de gratte folky sur "Lost On The Road Of Love", qui rappelle certaines ambiances propres aux gars d’AEROSMITH, même si Kevin et Steven Tyler ne sauraient être comparés. Le titre est une vraie petite merveille qui se retient dès la première écoute. Un blues rock avec des accents crépusculaires qui a une superbe allure. Un piano smooth à la Billy JOEL, des intonations à la Huey LEWIS, un super titre que ce "Born To Love You" composé et chanté par le bassiste Bruce Hall, une vraie petite perle de plaisir ! Sitôt fini, on a envie de la remettre ce qui est un super bon signe non ?

Nous sommes vraiment à la lisière du 3,5 et du 4 sur ce dernier opus en date des mecs de REO SPEEDWAGON. Je me résouds à poser le 3 car créer une musique pareille dans les années 2000 est une sacrée gageure, pour un style qui dominait les charts plus de 20 ans auparavant. Pour l’instant la dernière contribution du groupe à la cause, mais on imagine que Kevin Cronin aura peut-être encore des choses à dire… une dernière fois… Gary Richrath nous a quittés voilà quelques années, une page s’est tournée.