Lorsque BROWNOUT, formation latin funk originaire d'Austin (Texas), se met en tête de reprendre des titres classiques de BLACK SABBATH en version funk 70's, ça donne... BROWN SABBATH. Eh oui, il fallait y penser. Le Sabbath Noir de Birmingham qui s'accouple avec James Brown ? C'est plus ou moins ce dont il est question ici.

La force du concept de BROWNOUT avec l'album Brown Sabbath est de revisiter ces standards (issus des trois premiers albums du groupe britannique) avec une palette funk cuivrée. Une très bonne idée quand on sait que le funk et le heavy metal sont des styles apparus à la même époque, et qui se sont influencés mutuellement durant toutes les années 1970. Il suffit de se réécouter les trois albums de DEEP PURPLE enregistrés avec David Coverdale pour s'en souvenir. Même BLACK SABBATH, très enclin aux expérimentations vers la fin des années 1970, a osé incorporé quelques touches de funk sur Technical Ecstasy, en 1976.
La musique de Brown Sabbath demeure cependant très doom, très heavy et assez peu festive, et au final c'est un funk furieusement noir et violent qui se fait jour ici. Si l'entreprise originelle était de créer une version "black music" du répertoire des affreux de Birmingham, force est d'admettre qu'on tend ici plus vers le marron foncé amer que le café au lait sucré.

La reprise du tube "Iron Man" est ainsi assurément déroutante, puisqu'on peine dans un premier temps à reconnaître l'originale. La version de "N.I.B." est en revanche un poil moins réussie. La sauce prend pourtant merveilleusement sur "Into The Void", où les cuivres remplacent fort bien la voix d'Ozzy et où un solo de percussions cubaines s’immisce avec brio sur un passage de guitare culte de Tony Iommi. "Planet Caravan", avec ses arrangements latin rock façon SANTANA, est également l'un des meilleurs moments de l'opus.
"Black Sabbath" ne diffère pour sa part que peu de l'originale, et hormis la section cuivres qui apporte un vernis funk/big band à l'ensemble, les guitares restent très doom et l'ensemble demeure très metal.
À quelques exceptions près, Brown Sabbath foire donc un peu son entreprise : car les reprises restent très fidèles aux versions originales, la seule originalité demeurant la présence de cuivres. Mais même ces derniers se contentent souvent de servir de vernis, excepté sur "Into The Void" où ils sont très bien utilisés.
Le chant n'est par ailleurs présent que sur trois titres ("The Wizard", "Hand Of Doom", "Planet Caravan"), et demeure le fait d'intervenants extérieurs à BROWNOUT. Citons notamment Alex Maas, chanteur des BLACK ANGELS, qui chante sur "Hand Of Doom". C'est assez réussi la plupart du temps, mais on aurait aimé en entendre d'avantage.

Toutefois, parmi la pléthore d'hommages à BLACK SABBATH qui fleurissent chaque année dans le petit monde de la communauté stoner/doom, aucun n'a l'originalité de ce Brown Sabbath totalement inattendu (*).
Brown Sabbath est donc ce curieux album signé par le groupe funk BROWNOUT, et qu'on ne sait pas véritablement où ranger. Dans la discographie de BROWNOUT, groupe relativement méconnu au demeurant pour le reste de ses oeuvres originales ? Dans la discographie de BLACK SABBATH, aux côtés des milliards d'autres tribute albums existants (dont certains sont très réussis par ailleurs) ? Ou bien faut-il y voir au contraire les débuts d'une toute nouvelle formation exclusivement dédiée à ces reprises et dénommée BROWN SABBATH ?
Il ne serait effectivement guère surprenant que les Texans donnent une suite à l'expérience, tant le répertoire des Britanniques est riche. Signalons par ailleurs que la version vinyle de cet album a été "sold out" en quelques semaines, car bien sûr, le buzz a marché sur Internet, et Ozzy Osbourne lui-même dit avoir apprécié l'album. De quoi augurer du meilleur pour la suite.

Note objective : 3,5/5.

Meilleurs moments : "Into The Void", "Planet Caravan"...

(*) : citons néanmoins l'album Bhangra Bloody Bhangra, sorti par Martin Atkins en 2002, et qui reprend le répertoire de BLACK SABBATH façon musique indienne.