Hier soir, je regardais "Quotidien", l'invitée était Ophélie Winter qui racontait que, quand elle était môme, sa mère l'avait poussée à chanter en duo avec un autre gamin, et avec le recul, elle considérait ça comme du "tapinage artistique".
Quand Carrère fait enregistrer "Les Gondoles" à ses 2 volailles aux oeufs d'or fraîchement unies devant Monsieur le Curé, je n'irai pas jusqu'à appliquer la cynique formule d'Ophélie pour ce "coup" juteux. Après tout, en 73, Sheila était de très loin la chanteuse la plus populaire de France, son jeune époux débutant venait lui même d'aligner 3 énormes tubes l'année précédente (dont 2 qu'on retrouve sur ce pseudo album), rien d'étonnant à ce que leur producteur ait eu envie de les réunir en studio (et sur les plateaux télé) pour marcher sur les plates bandes de 2 autres tourtereaux mariés à l'état civil, Stone & Charden, qui cartonnaient depuis 71 avec des ritournelles romantiques. De même, suite au triomphe de Sheila & Ringo, Johnny & Sylvie, conscients des retombées médiatico-économiques du duo conjugal couché sur vinyle, enregistrent à leur tour un single estival dont l'énorme succès permet entre autres de relancer peu à peu les ventes de Vartan, en berne depuis 4 ans. Donc, même si je considère "Les Gondoles à Venise" comme l'un des pires morceaux du répertoire de Sheila, et qui est hélas bien plus resté dans les mémoires qu'un bon nombre de chansons de la dame que je trouve tellement plus réussies, même dans cette période "pop acidulée", je concède à ce standard de la variétoche son très relatif intérêt historique.
En revanche, là où Carrère tapine ou plutôt escroque vraiment l'acheteur en 73, c'est en osant le compromis entre la compil de tubes et la compil multi artistes, mais en limitant la liste à seulement 2 artistes, les 2 valeurs sûres de son écurie. "Vous aimez Sheila, jeunes gens ? Eh bien je vous ferai aimer Ringo sur l'autre face et vice versa. Et pas seulement au prix de la face qui vous intéresse mais au prix habituel du 33 tours et cela, même si vous détestez définitivement un(e) de mes 2 artistes !" Un "2 en 1" conçu au détriment de toute démarche artistique, toute volonté de singulariser son chanteur ou sa chanteuse, devenus seulement 2 fichiers siamois dans un dossier. Après tout "Adam et Ève" par Sheila, c'est kif kif avec "Une bague, un collier" par Ringo, pourquoi investir sur 2 albums distincts en faisant enregistrer à chacun(e) une demi-douzaine de chansons supplémentaires ou carrément un véritable album "Sheila & Ringo" avec une dizaine de duos inédits ? Pour tout ça, ce 33 tours médiocre ne mériterait pas de figurer ici et ne peut obtenir que la note minimale, note qui devrait être encore diminuée si on est gêné par la photo de cover inversée (il faut la regarder dans un miroir).
À sauver tout de même les premiers tubes de Ringo, chanteur qu'on n'entend plus nulle part, qui restent plutôt sympas, tout comme la "Poupée de Porcelaine" (du 33t précédent...) et le "Coeur blessé " de Sheila. Mais si je ne devais garder qu'un titre dans le lot, ce serait de très loin l'excellent "Mélancolie" qui, malgré des paroles de Pancol assez pauvres, est particulièrement réussi sur tous les autres plans : vocal, orchestral, mélodique, rythmique, sensuel... "Ooooooooh que je l'aime, cette chanson, je n'en veux pas d'autres qu'elle sur ce disque..." ;)
