Pris au piège à la fois par ce bon vieux Nosferatu et mon propre manque de rigueur pendant ma recherche du trio américain sur les pages de notre site en omettant de saisir les caractères accentués, me voilà avec une chronique inutile concernant Land Speed Record sous le bras. Qu’à cela ne tienne, mettons en pratique le fameux adage attribué au chimiste Lavoisier – à savoir Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme – et faisons un peu de recyclage pour ne pas rendre caduc à la fois temps et labeur, précieux sésames.

Intéressons-nous ainsi à ces fameux singles brûlants mentionnés par mon illustre collègue et s’étant produits temporellement avant Land Speed Record, enregistrements aux valeurs historiques et musicales indéniables. Avant la déflagration. De premières flammèches produisant d’initiales fumerolles, entrant en parfaite résonance avec les évènements du moment.

En effet, en 1978, le post-ado qu’est Bob MOULD, après avoir pris la révélation RAMONES violemment en plein visage, commence à fréquenter l’université Macalester College située à St Paul dans le Minnesota, et devient un rouage du réseau punk naissant. C’est lors de cette première année de fac qu’il rencontre Grant HART, employé chez un disquaire ayant hérité d’une batterie via son frère aîné et appréciant pop 50/60’s et bandes-originales de films. Les deux hommes fraternisent logiquement via la musique, consacrant des heures entières à l’écoute de disques.

Un premier embryon de groupe est formé à l’initiative du jeune claviériste Charlie PINE, ayant prétendu appartenir à un collectif au propriétaire de la taverne Ron’s Randolph Inn. Il propose ainsi ce plan à HART, MOULD et une autre connaissance Greg NORTON, ce dernier prenant la basse laissée vacante. Ils commencent à répéter intensivement, leur répertoire naissant comprenant des reprises d’Eddie COCHRAN, BUZZCOCKS ou RAMONES. "Psycho Killer", mémorable chanson écrite par les TALKING HEADS figure également dans leurs bœufs, celle-ci jouant un rôle clef dans la sélection de leur patronyme. En effet, voulant parodier le refrain chanté en français, ils baragouinèrent toutes les phrases en langue étrangère qu’ils connaissaient, y compris le nom d’un jeu de société des années 60 : HÜSKER DÜ, signifiant te souviens-tu en norvégien. Un nom plutôt énigmatique leur permettant de ne pas être catalogués directement dans le hardcore.

Leur premier concert se déroule le 30 mars 1979. Au second, la mouture définitive d’HÜSKER DÜ prend forme, PINE étant débranché par un ami de HART alors que le quatuor commençait à jouer ses premières compositions originales pendant le rappel. En 1980, après une performance à Chicago impressionnant BLACK FLAG, le trio prépare sa première sortie studio.

Le single Statues/Amusement débarque en novembre, un enregistrement austère où transparaît clairement une certaine démoralisation, comme le confirme MOULD en déclarant qu’à ce moment précis, ils étaient en pleine confusion. L’attitude adoptée par Twin/Tone, nouveau label indé basé à Minneapolis, n’a pas aidé, ces derniers se rétractant après avoir entendu le single, trop proche de PUBLIC IMAGE LTD. à leur goût. En réaction, les HÜSKERS fondent Reflex Records, pressant 2000 exemplaires du single en janvier 1981, puis partent en tournée au Canada où ils rencontrent les locaux D.O.A et les SUBHUMANS.

Il est certain que cette première plaque renferme une musique différant significativement par rapport à ce que produira ensuite le trio, un contenu plus post-punk que réellement hardcore voire post-hardcore. Mais "Statues" – un de mes premiers contacts avec le groupe – est un excellent titre, monolithique, hypnotique voire lancinant, alimenté par des fragments de riffs écorchés, une ligne de basse métronomique et un chant passionné et partagé faisant la part belle aux questions/réponses. Bien sûr, on songe à "Theme" voire à "Albatross" complétés par PiL mais la bonne foi nous oblige aussi à reconnaître malgré tout que les HÜSKERS manifestent d’ores-et-déjà une identité propre. Le second titre "Amusement" est nettement moins intéressant avec une production plus approximative. Mais ce premier brouillon est prometteur et ne demandait que confirmation.

Ces deux chansons sont aujourd’hui disponibles sur les rééditions de Everything Falls Apart, "Statues" s’octroyant même quatre minutes supplémentaires, avec également la chute de studio "Let’s Go Die".