Les albums posthumes sont à double tranchant. Rares sont les chefs-d’œuvre post mortem. Soit des producteurs opportunistes ont honteusement raclé des fonds de tiroirs à la seule fin de célébrer le Dieu Argent -une certaine icône de la pop en a fait les frais récemment-, soit les morceaux ont suffisamment d'intérêt pour être exhumés des cartons dans lesquels ils sommeillaient depuis quelques décennies. Rare Genius : The Undiscovered Masters appartient à cette seconde catégorie. Les enregistrements s'étalent des années soixante-dix aux années quatre-vingt dix.

Bien sûr, John Burk, le producteur, ne s’est pas contenté de compiler les démos telles qu’il les a trouvées à l’origine. Des musiciens comme le guitariste Keb Mo ou l’organiste Bobby Sparks sont venus étoffer des morceaux trop dépouillés. Mais, je vous rassure, c’est bien Ray Charles qui chante sur toutes les chansons ! Même si les morceaux ont été un peu bricolés, le résultat est finalement très soigné et chaleureux.

Cet album dresse un portrait musical très juste de Ray. En effet, ce dernier incarne à lui seul la musique populaire américaine sous toutes ses formes. Ray se métamorphose tour à tour en crooner sur « Wheel of Fortune », en chanteur de gospel sur l’excellent « I'm Gonna Keep On Singin' » et en soulman sur « Love's Gonna Bite You Back ». Il interprète également quelques pépites gorgées de blues comme « There’ll Be Some Change ».

Si tous les titres se valent dans l’ensemble, un tout de même sort de lot : « Why Me, Lord? », composé par Kris Kristofferson. Ce duo avec Johnny Cash dans la même veine qu’« A Little Bitty Tear » fera frissonner plus d’un fan des deux hommes. Soutenu par Ray en choriste, Cash mène la danse et ajoute une touche country très appréciable à la soul du Genius. On ne pouvait rêver mieux comme conclusion.

Cet album posthume est donc de bonne facture. Alors même que ce disque présente une grande diversité de styles et que les morceaux ont été enregistrés à des époques différentes, Rare Genius est d'une cohérence qui tient du miracle. On ne boude pas son plaisir er on en redemande !