Le printemps est là, et avec lui son cortège de joie et de bonne humeur. Les arbres chantent, les oiseaux bourgeonnent, la nature renaît. Néanmoins, quelque part en Bretagne, un petit groupe de rock progressif résiste encore et toujours au changement des saisons. Point d'heure d'été chez CHILDREN IN PARADISE, dont le premier album, empreint d'une touche celtique prononcée, resplendit d'une lumière hivernale (à l'image de sa magnifique pochette) invitant plus à une écoute en solitaire au coin du feu que sur une plage bondée. A la manière de Mostly Autumn ou Iona, le groupe de Kathy Millot, dite 'Dam Kat', se fait le porte-voix d'une musique parfois mordante, souvent éthérée et contemplative, riche de l'apport d'instruments traditionnels qui participent à son intérêt.

Bien aidée par le pianiste Philippe Turbin et le guitariste Gwalch'mei, dont les instruments respectifs constituent l'ossature de d'album, Dam Kat s'est adjoint les services d'invités de luxe : le guitariste Pat O May, déjà connu des amateurs de la saga prog celtique Excalibur, ainsi que la jeune harpiste qui monte Clotilde Trouillaud, dont l'honorable Marco Stivell vous a déjà parlé en ces pages. Une équipe affûtée donc, qui brille à l'unisson ou à tour de rôle sur une dizaine de compositions globalement complexes et mélancoliques. Loin de proposer une musique constituée majoritairement d'interprétations de thèmes celtiques, CHILDREN IN PARADISE tisse une toile progressive et atmosphérique, faite de rythmiques lentes et de mélodies mélancoliques. Les instruments traditionnels (flûte, cornemuse irlandaise), s'ils participent à la richesse de la musique ici proposée, n'en constituent aucunement l'intérêt principal.

L'objectif n'est pas de faire du folklore. Dam Kat, dont la voix est étonnamment proche de celle de la chanteuse allemande Doro, tient semble-t-il à inviter à la méditation, à travers chacune de ces pièces évoquant la guerre, la mort, la séparation. Les textes, touchants (particulièrement celui de "My son"), se font vecteurs d'une noirceur exacerbée par l'ajout, ci et là, de riffs agressifs ("The Battle").

Véritable force de conviction, CHILDREN IN PARADISE nous emmène dans un univers délicat et chatoyant, éminemment personnel et inspiré. Néanmoins, les compositions ici présentées, engoncées dans une rythmique mid-tempo parfois pataude, sont parfois sauvées de justesse par l'ajout fort à propos de la cornemuse ("I'm not Scared") ou de la flûte. C'est ici le principal point faible de cet album qui, bien que pêchant par un manque de variété des ambiances et des tempi, se dévoile peu à peu au fil des écoutes, et récompense la persévérance. Les guitares de "I'm Alive", le piano de "Esyllt", la harpe de "Silent Agony" et le chant, délicieux, sont autant d'atouts qui invitent l'auditeur à donner sa chance à ce groupe raisonnablement celtique, parfois rock, indubitablement progressif.

Moins varié que la série des Excalibur d'Alan Simon, Esyllt et ses géniteurs mettent le pied dans un style ambitieux et peu répandu de ce côté-ci de la Manche, pour lequel beaucoup de choses restent à faire. Avec le talent combiné des membres qui le composent, CHILDREN IN PARADISE devrait réussir à laisser son empreinte, s'il ose s'aventurer dans des mélodies et des thèmes plus variés. Un groupe à surveiller !