Gilad Hekselman est un musicien qui ravira les passionnés de guitare, et plus largement de jazz. La finesse de son doigté, la puissance de son groupe et la chaleur des compositions se dégustent sans modération. En plus d’être exigeant musicalement, This Just In frappe par sa richesse mélodique et rythmique. Plus qu’un talent prometteur, Gilad Hekselman est un guitariste accompli à découvrir sans plus tarder.

En 2004, il fait le voyage d’Israël jusqu’à New-York et s’installe progressivement sur la scène jazz de la côte est. This Just In est déjà son quatrième album, après le particulièrement remarqué Hearts Wide Open. Depuis le début de sa carrière, il peut compter sur une section rythmique de tout premier plan, avec Joe Martin à la basse et Marcus Gilmore à la batterie (Gilmore fait aussi partie du band actuel de Chick Corea). Le sax ténor Mark Turner se joint au trio à trois reprises sur « This Just In », « Nothing Personal » et « This Just Out ».

L’album est articulé autour d’un concept assez peu convaincant. En effet, le disque est censé fonctionner comme un journal télévisé ou radiophonique avec ses dépêches, ses flashs et ses nouvelles plus développées. A l’écoute de l’album, ce concept ne pèse pas bien lourd. Rien ne suggère la frénésie, pour ne pas dire l’hystérie, de l’actualité. Les musiciens prennent leur temps dans des improvisations qui empruntent plus d’un chemin de traverse. Certes, il y parfois une certaine urgence rythmique, mais celle-ci se révèle typique du jazz. L’album est également ponctué de cinq « Newsflash », qui sont de courts intermèdes improvisés n’excédant pas plus de 50 secondes. Ces « flash » fonctionnent comme des respirations au sein de l’album ; ils permettent alors de souffler entre les morceaux de longue haleine.

Si ce concept journalistique laisse plutôt sceptique, il n’en demeure pas moins que ce nouvel effort de Gilad Hekselman reste passionnant de bout en bout. Virtuose, varié et prenant, This Just In est un album riche et dense qui ne s’épuise pas au fil des écoutes répétées. Le disque doit sa réussite non seulement au jeu aiguisé du leader et à la précision des accompagnateurs, mais également à des compositions de haute volée. D’emblée, le ton mystérieux de « Above » nous embarque dans un voyage incertain, mélancolique et imprévisible. Les morceaux sont traversés de variations rythmiques qui leur donnent une véritable consistance. Ces ruptures sont permises grâce au travail remarquable de Marcus Gilmore qui, avec ses baguettes, donne une impulsion admirable au groupe. Mark Turner ajoute également une dimension supplémentaire au fiévreux et magistral « This Just In ». La finesse d’Hekselman brille de mille feux sur les sensibles et envoûtants « The Ghost of the North » et « March of The Sad Ones ».

Les reprises se comptent au nombre de deux. « Nothing Personal » de Don Grolnick et « Eye In The Sky » du Alan Parsons Project reflètent bien l’esprit du disque. Mais il faut bien reconnaître que ce sont les compositions personnelles de Hekselman qui marquent le plus les esprits sur cet album. L’émouvant « Dreamers » et la conclusion « This Just Out » finissent en beauté un album maîtrisé, inspiré et diablement accrocheur. This Just In fait assurément partie des grandes réussites de l’année.