AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

On ne va pas tergiverser inutilement : j'ai beau adorer son auteur principal, "Killing Dad" est un mauvais disque. Peu écoutable, cheap et kitsch à souhait, ennuyeux, à la limite de l'inutile. Ca remet les pendules à l'heure, ça évite les hésitations : non, Killing Dad n'est pas digne de l'auteur de "Ai No Corrida" et de "Walking Dead". Il n'est même pas digne de "Manon Manon". Mais n'y a-t-il vraiment rien à sauver ?

D'abord, parlons de la prod, car elle est intrinsèquement liée au naufrage de cet album. Killing Dad est un petit film comique et satirique qui, bien que réalisé pendant l'âge d'or du genre, n'a franchement pas laissé de trace. Sa musique est à l'avenant. Déjà, gageons (car les infos sur ce disque sont totalement inexistantes) que le budget était mince. Très mince. Il suffit d'écouter le son de piano qui ouvre l'album : on dirait du SAVATAGE. Et ce n'est pas un compliment. Oh non. La très grande majorité du disque va ainsi souffrir d'une prod robotique, très pauvre, faisandée même, qui fait bien plus muzak que grande compo de maître. Est-ce la faute de Chaz, ou de son compagnon d'un jour David STORRS, claviériste plus connu pour ses travaux new age et, justement, musique au mètre, on ne saura pas. Logiquement STORRS est coupable, sauf qu'à 3 min 15 sur "Seafront Chase", on entend distinctement un son provenant de... Mort à l'Arrivée. On appelle ça être complice.

La musique ? Oh, c'est un mélange de rockabilly à bon compte, de jazz lounge très facile (mais pas désagréable pour autant !), de quelques petits segues "dark" et "suspens" qui tombent à plat, et surtout, ce qui fait de cet album un ratage pas totalement inintéressant, il règne sur tous les titres une ambiance de... Noël. On a l'impression de regarder un polar noir qui se passe à Noël pendant les marchés sauvages (NdAnne Hidalgo : Brrr arrêtez, vous me foutez les miquettes). En cela, si l'on doit sauver un aspect du disque, c'est bien la guitare de Chaz. Lui qu'on connait tantôt funky comme Nile RODGERS, tantôt rock mélodique à la LUKATHER, le voilà qui donne dans le rockab à la Brian SETZER, et avec aplomb s'il vous plaît ! Donc régulièrement, tant le côté Noël que le côté suspens sont caviardés par une guitare totalement 50s, tout twang dehors.

Ca va jusqu'à des chansons, où Chaz chante du bout des lèvres (dommage pour le titre final, qui sera son ultime titre avant longtemps), et jusqu'au meilleur morceau... qui n'est pas d'eux : "Luisa's Danc"e est une reprise, mais fort bien faite où JANKEL se la pète sur une guitare flamenco à laquelle il met le feu. Pour le reste, il faut être franc : c'est vraiment de la musique anecdotique, avec un thème principal si mince qu'on a du mal à le repérer de prime abord, des passages entiers où j'ai l'impression d'écouter ce que JE faisais en 92 dans le même style ("Dead Cat"), du DALIDA-style ("Train Journey") et le pire, "Body in Carpet", suprême de tango sur son coulis de Bontempi.

Donc si vous vouliez acheter ce disque pour le plaisir d'écoute, je vous le dis clairement, c'est inutile. Killing Dad est un pur produit de consommation, sorti bicose le film, re-rentré bicose pas bon. Et savoir que ça est sorti en CD, mais pas les premiers albums de Chaz (pas avant de nombreuses années en tous cas), c'est un peu triste. En revanche, un titre, "Late Night in Southend", laisse planer un doute : bien que trop cheap, ce titre est du pur jazz, pas si désagréable. Serait-ce une transition, une métamorphose JANKELesque ? Il faudra laisser passer toute la décennie 90 avant d'avoir une réponse. Disque intéressant et inutile à la fois, Killing Dad est réservé aux complétistes absolus. Et aux fans de rockab qui n'ont pas peur des synthétiseurs très bas de gamme. Autrement dit, à pas grand-monde.