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POST-ROCK  |  STUDIO

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2004 Flux

ENCRE - Flux (2004)
Par UDUFRU le 17 Juin 2005          Consultée 4853 fois

Ce matin-là, je trouvai une missive étrange dans ma boîte à lettres. Enfin, « étrange » n’est pas le terme approprié, je devrais plutôt dire « loufoque », car ce courrier était adressé… à mon violoncelle. Curieuse et quelque peu jalouse, j’ouvris l’enveloppe sans sa permission, et quelle ne fut pas ma surprise d’y découvrir un flyer sur lequel figurait l’énigmatique photographie d’un fragment d’épiderme matte, irrésistiblement attirant, devant lequel je restai interrogative de longues minutes durant. En effet, je ne parvenais à déterminer avec assurance de quelle partie de l’anatomie humaine il s’agissait. Délaissant par dépit cette épineuse question, je m’attardai sur les quelques lignes qui figuraient au dos du cliché incriminé. J’y lu, tout en étouffant un cri d’effroi, que mon tendre instrument, l’ami de toujours, l’objet de mes attentions les plus pures, était invité… à une orgie ! Ainsi donc il m’avait caché son penchant pour la perversion, et moi, si naïve, je n’avais pas compris le vrai sens de ses notes lorsque, tous les samedis soirs, il m’annonçait qu’il allait faire de la musique de chambre avec quelques amis ! Après avoir pleuré l’innocence perdue de mon compagnon à cordes, je tentai de me rasséréner, d’accuser la contrebasse d’un voisin jazzman de mauvaise influence, et au terme d’une longue réflexion, je décidai de suivre mon violoncelle en catimini lors de cette soirée « Flux » afin d’en avoir le cœur net…

Il n’arriva pas le premier au point de rendez-vous, un studio d’enregistrement ; un violon et une guitare étaient déjà installés sur un sofa en cuir, qui discutaient avec un piano nu et brillant. L’une après l’autre, une basse, une batterie, une contrebasse (qui n’était pas celle du voisin mais partageait manifestement son amour de la liberté), et sans doute d’autres hontes de la musique que je ne pus apercevoir par le trou de la serrure, arrivèrent à notes feutrées et s’assirent langoureusement sur des coussins moelleux jonchant le sol de la pièce.Soudain, un homme, qui se tenait debout derrière une console de mixage, déclara ouvertes les « hostilités ». Et bientôt, les instruments échaudés commencèrent à se caresser mutuellement, laissant s’échapper de leurs ouïes des gémissements répétés dont je fus obligée de reconnaître, à mon corps défendant, l’incroyable sensualité. Leurs râles, hachés par la violence des assauts qui entremêlaient différents partenaires dans une même mélodie évocatrice, se répétaient sous forme de boucle évoluant en puissance à chaque itération, et bientôt, il me sembla que cette débauche donnait naissance à un post-rock résolument moderne et pour le moins charnel ("Flux").

C’est à cet instant qu’une voix désincarnée vint se mêler aux jouissances répétées des êtres de bois et de cordes ("Marbres"). Le maître de cérémonie (je sus plus tard qu’il s’appelait Yann Tambour, aka ENCRE) pénétra la mélopée de toute la force de son chant parlé, monocorde, susurrant des textes tantôt poétiques ("Us"), tantôt pornographiques ("Galant(es)"), et les instruments s’en trouvèrent davantage excités. Les archets se frottèrent avec d’autant plus d’ardeur aux cordes extatiques…
C’est lorsque vint le moment de l’orgasme général que je pris conscience des samples de bruits quotidiens qui parsemaient l’ambiance, ici le tintinnabulement d’une sonnette, là une toux sèche, là encore l’écoulement d’une rivière, rappelant succinctement la démarche de la musique concrète ("Sèves", "Missive bis"). Bientôt, les instruments, comme fous, vagirent brusquement de concert, et s’en suivit un long moment de déréliction totale où chacun reprit honteusement son souffle en pizzicato ("Plexus"). Des cordes cassées et de la poudre de colophane jonchaient le sol, témoignages du moment d’égarement total qu’avaient vécu les instruments. Chacun eut tôt fait de revêtir sa housse et de partir en silence, sous le regard lourd de sens de l’homme qui les avait enregistrés en plein délire. Je restais seule, cachée, encore retournée par tant de phéromones musicales, au comble du désir et de l’envoûtement…

Je me réveillai en sursaut, nue, transpirante, et un rapide coup d’œil au calendrier posé sur ma table de nuit m’indiqua qu’il était dimanche. Dans la chaude lumière d’une matinée estivale, je repris peu à peu mes esprits. Ainsi tout cela n’avait été qu’un rêve érotique des plus troublants… Contre toute attente, une terrible déception s’empara de moi : bien sûr, mon violoncelle recouvrait sa virginité originel, mais d’un autre côté, il perdait aussi nettement du charme sensuel qu’il avait acquis au cour de ses ébats mélodiques.
C’est seulement le lendemain que je trouvai, dans ma boîte à lettres, un album, Flux, au dos duquel quelques griffonnages remerciaient mon instrument de sa « délicieuse collaboration ». Dès lors, je laissai à celui-ci toute latitude de sortir le soir (sauf avec la contrebasse du voisin), mais ce à une seule condition : que l’invitation vienne de ENCRE.

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   UDUFRU

 
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- Yann Tambour (chant, samples)
- Naok Katoï (chant, violoncelle)


1. Flux
2. Marbres
3. Hassan
4. Us
5. Galant(es?)
6. Sèves
7. Missive Bis
8. Plexus



             



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