Si l'on se place du point de vue strict de la mise en scène, Suspiria est bien le chef-d'oeuvre de Dario Argento, baroque, excessif, obsessionnel, la musique des Goblin faisant à mon sens les 2/3 du travail.
Mais du point de vue cinéphilique, Suspiria, comme tous les films de Dario Argento, souffre d'une distribution internationale que le metteur en scène italien ne parvient pas à homogénéiser. D'ailleurs, Argento n'a jamais été un bon directeur d'acteur/actrice.
De plus, défaut commun à l'ensemble de sa filmographie, le scénario laisse vraiment à désirer. Argento écrivait souvent ses premiers films, et Suspiria demeure sur ce plan encore des plus approximatifs. Ce que le cinéaste-scénariste n'a jamais su gérer, c'est la résolution des énigmes policières ou fantastiques intervenant à la fin de ses films, toujours bâclée, comme si elle ne l'intéressait pas et qu'il sacrifiait ainsi à la convenance de la lisibilité de ses films.
Argento se place du côté des cinéastes instinctifs, comme David Lynch (qui, lui, est un grand cinéaste en revanche), qui se servent du média cinéma pour exorciser leurs névroses et/ou fantasmes. Je me plais à penser (ça n'engage que moi, bien sûr !) que Dario Argento aurait pu devenir un assassin ou un agresseur s'il n'avait pas trouvé la voie du septième art). Le cinéma semble avoir été pour lui un exhutoire à ses tourments et peurs viscéraux. "avoir été" car il est clair qu'en tant que cinéaste, c'est aujourd'hui un artiste "fini", "lessivé", en panne d'inspiration, ayant perdu tout ce qui faisait le suc de son petit (mais réel) talent.
Il demeure une interrogation : Argento a toujours fustigé Brian de Palma qu'il accuse souvent de plagiat. Du point de vue des faits, il semble qu'il ait raison, le cinéaste américain lui ayant repris des idées développées dès son premier thriller L'oiseau au plumage de cristal, la scène du meurtre dans l'ascenseur notamment, reprise presque telle quelle dans Dressed to Kill (Pulsion). A mon sens, Brian de Palma est un bien meilleur cinéaste, plus cohérent dans sa mise en scène, dans ses scénarii ainsi que dans la direction d'acteur (revoir Blow Out pour s'en convaincre, de loin le meilleur rôle de John Travolta, à une époque -1981- où on le croyait cantonné au rôle de latin lover et au danseur de service). Tarantino l'avait parfaitement compris.