Tout d'abord, merci pour ces excellentes chroniques.
À quoi reconnaît-on un film érotico/porno des années 70 ?
Au fait qu'il bénéficie souvent d'une musique soignée et groovy. Autres temps, autres mœurs.
Lorsqu'on évoque Pierre Bachelet, on pense spontanément aux « Corons » ou à « En l'An 2001 » et ses choeurs d'enfants, tout cela n'étant pas spécialement ma tasse de thé.
La plupart des gens ne connaissent pas la BO d' « Histoire d'O ». Pourtant, celle-ci et le long métrage qu'elle illustre connurent un réel succès en leur temps. Enfant, je me rappelle avoir contemplé, fasciné, l'affiche et les photos d'exploitation du film. J'ignorais naturellement le sujet exact du film, mais tout cela avait un parfum de fruit défendu. Lorsque je passe cette musique en fond sonore, les gens me demandent toujours de quoi il s'agit, trouvant cela très beau. La tête qu'ils font quand je prononce les mots « Pierre » et « Bachelet ». C'est toujours un grand moment.
Cette B.O, un pur produit de son temps, s'inscrit dans la lignée des musiques de Nico Fidenco (la série des Emanuelle Nera), Francis Lai (Bilitis), Gainsbourg (qui composera deux ans plus tard la B.O de Madame Claude du même Just Jaeckin). On pense aussi, entre autres, à Stelvio Cipriani (Femina Ridens) et Piero Piccioni (Camille 2000).
Des compositions moëlleuses relevant de l'easy listening, langoureuses et éthérées, une atmosphère onirique et feutrée, le tout parfois relevé par un morceau plus rock, aux choeurs emphatiques et grandiloquents, sorti tout droit d'un opéra rock (« She's A Lady ») ou de « Phantom Of The Paradise ».
On sent aussi l'influence du Floyd des années 70, mais il y a certainement pire comme influence.
Dès le morceau-titre, on est plongé dans une ambiance automnale, hors du temps, avec cette voix féminine (à la Nora Orlandi) sur fond de claviers et guitares feutrés. Suivent des instrumentaux incitant à la rêverie et à la volupté, ce qui dénote quelque peu avec la thématique SM du film, produit érotico-chic témoin de son époque, visuellement très soigné, voire « classieux » comme disait Gainsbourg, avec ses images vaporeuses très « hamiltoniennes ». Le trop lisse Udo Kier s'avère cependant assez peu crédible en bourreau des cœurs. Anthony Steel est plus convaincant dans le rôle de Sir Stephen.
Piano romantique (« O' Avec Pierre »), guitares, claviers, voix masculine sur « O' Et Sir Stephen », valse (« O' Et La Valse Du Gramophone », guitare électrique (« O' Et l'Amour d'Yvan »), l'ensemble est riche et varié. La reprise finale du thème introductif dans une version différente, plus enlevée, conclut ce bien bel album.
Mon édition numérique de 14 titres ne contient pas la chanson scandée par la délicieuse Corinne Cléry (à voir aussi dans l'excellent thriller italien « Autostop rosso sangue », aux côtés de Franco Nero et David Hess). Je l'ai découverte sur Youtube et elle me fait penser à la reprise (1977) du « Je t'Aime Moi Non Plus » de Gainsbourg par le groupe disco Saint Tropez.
Ce que je ne comprends pas, c'est la faiblesse relative de la note qui contraste avec un avis pourtant élogieux. Pour ma part, ce sera 4/5, sans problème.