Recherche avancée       Liste groupes



Moyenne indisponible  [?]

Sheila
Long Sera L'hiver
Page  1 |

le 22 Décembre 2021 par MARTIN LA BOTTE


Encouragé par notre Marco, je poursuis... ;)

Une fois de plus qu'on a déploré l'absence d'inédits inhérente à l'agaçante politique à l'économie du producteur, on a là 12 titres extrêmement variés tant dans leur thématique que dans leur ton ou leur genre : tango, slow, jerk, valse. Il s'agit d'un des rares albums de Sheila qui ne compte, à mes oreilles, aucun morceau déméritant. Bon, il y en a 1 ou 2 comme "Au milieu des nuages" ou "En maillot de bain" auxquels je n'accorde que la toute petite moyenne de par la ténuité de leur sujet, même si ça reste agréable et très évocateur musicalement des sixties finissantes.
Ce qui frappe en cet hiver 68, c'est l'assez nette supériorité des paroles à celles de la cuvée 67. À commencer par cette "Petite fille de Français Moyen", plus gros tube de l'année pour Sheila et sans aucun doute sa chanson la plus "à texte" depuis ses débuts et peut-être encore jusqu'en 2021. On ne lui avait jamais fait chanter des paroles aussi satiriques - "grave est le problème avant qu'elles se maquillent, en moins de 3h, faut prendre un bain et s'faire les mains"- ou encore - "mais ne leur parlez surtout pas littérature car elles savent tout du dernier livre qu'elles n'ont pas lu" -. On a beaucoup tapé sur cette Sheila "réac" qui, en s'autoproclamant "petite fille de Français moyen" avec cette gouaille enjouée et volontairement criarde, affichait avec fierté ses origines popu, sa confiance en la valeur du travail, son amour authentique pour un garçon "sans prétention" et son ignorance d'une culture élitiste prisée par une certaine jeunesse bourgeoise. Et pourtant, quelle réponse cinglante et saine à tous ceux, et encore plus celles, qui la méprisaient ostensiblement depuis "L'École est finie" ! Finalement, 38 ans plus tard, "Les Bobos" de Renaud n'est qu'une variation contemporaine du tube de Sheila mais cette fois-ci avec l'aval masochiste des cibles désignées, on a la carte ou pas.

Changement de ton avec "La Vamp" où Sheila, 23 ans, déclare d'entrée que si on la croit "pudibonde", ce n'est qu'apparence car, comme elle va le démontrer dans la chanson, elle semble désormais maîtriser les codes féminins de séduction pour rendre son homme fou d'elle. Il faut dire qu'après 6 années médiatiques de sagesse forcée comme une Miss France interdite de petit ami, on entre dans les années où Sheila va enfin s'afficher au bras viril d'un heureux élu, puis d'un autre. C'est délicieux, kitsch à souhait, et soutenu par une chorégraphie télévisuelle du meilleur effet avec costume de scène approprié (illustrant la pochette).
Dans le très nerveux "Oui c'est l'amour" aux arrangements les plus "pop" du répertoire 60' de la chanteuse, elle vante clairement l'addiction au plaisir charnel - "c'est ce que j'attends impatiemment tous les jours... avec toi j'irai jusqu'au point de non-retour..." - Reste à déterminer si elle s'adresse toujours au même monsieur puisque dans le refrain, elle clame - "une rencontre AU HASARD, un mot gentil, un regard, on vole, on plane, c'est l'amouuuuuuuuuuuur..." -
En début d'année, elle se faisait pourtant narratrice de conte biblique pour enfants sur l'enjoué et très mignon "L'Âne, le boeuf et le petit mouton" à la morale convenue mais optimiste "tout ce qui vit sur terre a une tâche à remplir, nous avons tous un rôle à tenir" si l'on occulte la base clairement religieuse de l'historiette. Sur le même 45-tours, "Le Grand défilé" (cover) la projette au petit matin après répétition de show avec toute son équipe prête à la détente avant le repos. Une ritournelle très sympa à fredonner quand on connaît bien les paroles avec notamment l'énumération finale des rôles essentiels de tous les membres du staff technico-artistique.
Mais ce sont 2 chansons sentimentales qui avaient surtout été mises en avant sur le premier EP' 68 : "Dalila", adaptation de "Delilah" créée par Tom JONES (qui, chose rare, connaîtra encore plus de succès, chez nous, avec sa V.O que la V.F de Sheila); mélodie de valse classieuse (avec pont musical de toute beauté) sur laquelle Sheila se fait confidente rassurante d'une amie ayant perdu l'espoir que son amoureux lui revienne.
Alors que sur "Quand une fille aime un garçon", c'est Sheila elle-même qui se retrouve dans la position de la délaissée amoureuse et pleine de regrets. Très joli pont encore mais cette fois-ci chanté - "Oui, j'aurais dû mon amour, courir après toi..." -. 2 réussites dans le genre.
Pour "Isabelle", extrait du 45-tours estival, on semble carrément entrer dans l'univers de Jacques Demy pour cette autre valse cette fois extrêmement guillerette sur laquelle Sheila nous décrit la journée d'une jeune femme, de son réveil jusqu'aux retrouvailles avec son petit ami à la sortie du taf. C'est vif, élégant, articulé parfaitement malgré la cadence effrénée du texte et de la mélodie, j'adore !

Mais mes 2 titres préférés sont plus graves. "Long sera l'hiver", qui donne son nom à l'album, à l'orchestration superbe (même si grandement inspirée du "My year is a day" des Irrésistibles qui venait de cartonner à l'été 68) nous plonge dans une atmosphère glaciale et austère, difficile à situer - "un ciel vide sans aucun chant d'oiseau". "ici où tout est sombre et désert" - à moins que l'on ne soit tout simplement dans le coeur et l'esprit "sibériques" d'une Sheila en manque absolu de la chaleur de son bien-aimé, probablement étranger ("my love") qu'elle fera tout pour rejoindre - "là-bas où tout danse dans la lumière" - dès le "premier soleil". Dommage qu'on ne réalisait encore que des scopitones médiocres à l'époque, cette chanson aurait pu faire l'objet d'un clip très cinématographique.
Mon autre favorite, "La Petite église", morceau encore plus mélodramatique, nous entraîne dans une chapelle, spectateurs indiscrets d'une attendrissante scène de mariage, invités par Sheila qui n'en est elle-même que la témoin a priori fortuite. C'est tout simple et tellement beau ! La voix fragile et empreinte d'émotion (ou de tristesse ?) de Sheila nous décrit le déroulement de la cérémonie jusqu'au baiser des mariés. Il est manifeste alors que l'interprète envie tellement la jeune épouse et n'espère qu'une chose, en s'adressant soudain à son amoureux absent, être prochainement à sa place, à moins qu'elle ait surtout besoin de s'en convaincre et que ce n'est pas si sûr que ça.

4/5 et pas la note optimale parce qu'il me semble que la production, elle, ne l'est pas toujours.













1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod