C’est étrange, je pense à peu près tout le contraire de ce qui figure dans cette chronique. Elle est parfaitement documentée, renseignée, frappée au coin du bon sens, mais preuve supplémentaire de la subjectivité qui caractérise la rencontre avec un disque, car mes conclusions partent pratiquement toutes dans la direction opposée de celles de Chipstouille. Ummagumma est le dernier disque de PF que j’écoute avec plaisir, sans doute parce que j’ai la fâcheuse manie de rechercher davantage des intentions musicales (certains parleront de « geste ») plutôt qu’un produit fini. En cette année extra-terrestre qu’est l’année 69, PF, comme pratiquement tous les autres, tente d’enregistrer l’album ultime qui propulserait le rock 10 ans en avant…pas vraiment réussi, mais pas tout à fait raté non plus quand on sait que Ummagumma entraînera dans son sillon l’essentiel des formations de Krautrock.
Le groupe prend tous les risques (ce mot disparaîtra vite de leur vocabulaire), en fait des tonnes pour montrer qu’il est à la pointe (format « double » très en vogue à l’époque, étalage du matériel au dos de la pochette du 33 tr), essaie de « faire comme les grands » (comprendre la musique contemporaine du moment, notamment de Pierre Henry : cf le titre de Waters, tout bonnement pompé sur la « Symphonie pour un homme seul » de 1949) sans y parvenir, faute de moyens studio, de temps sans doute, de rigueur artistique aussi. La « partie Gilmour » est celle que j’aime le moins, justement parce qu’elle m’évoque déjà la suite.
La partie live (premier disque à l’origine) montre un Floyd encore énergique et violent, qui n’hésite pas à défigurer ses compositions pour les rendre encore plus cosmiques, au risque d’exhiber sans honte leurs limites scéniques. Ajoutez à cela la production la plus calamiteuse de toute la carrière du groupe, et vous obtenez l’album le plus long, le plus imparfait et le plus « bidouille » de leur discographie…malgré cela, je ne peux m’empêcher de préférer mille fois Ummagumma aux albums qui vont suivre (et ce jusqu’à la fin), dénués eux, non seulement de fulgurance, mais aussi d’inventivité, de folie, de surprise, d’humour et surtout d’humilité.
Je me permets donc de plébisciter ce disque, tout simplement parce que pour la première et la dernière fois, Pink Floyd n’est pas une marque musicale de « prêt à écouter », avec ses repères, ses balises et ses codes.
Pour ce qui est du décès de Barrett, j’y vois personnellement la capacité d’un chroniqueur à faire disparaître un artiste sitôt qu’il en parle. Je supplie donc Chipstouille de nous gratifier au plus vite d’une prose sur Céline Dion et Lara Fabian.