La pochette attire inévitablement l’œil. La photo provient d’une série effectuée en 1996 par le photographe texan Wyatt McSpadden, qui avait passé quelques jours avec les frères Dickinson (Cody et Luther), pour capturer leur vie quotidienne et celle de leurs voisins musiciens du nord du Mississippi. Ces photos en noir et blanc ont été en grande partie oubliées pendant plus de deux décennies jusqu'à leur apparition inattendue en 2017.
Elles figurent dans le superbe et luxueux livret qui accompagne le CD et qui reprend également l’histoire du groupe qui a maintenant vingt-cinq années d’existence.

Les deux frangins, habitués de participer à de nombreux albums, ont cette fois invité quelques amis dans le célèbre Zebra Ranch Studios d’Independence, MS fondé par leur père. Cedric Burnside, bien sûr, qui est présent sur « Out on the Road » et « Take My Hand, Precious Lord » mais aussi Mavis Staples sur « What You Gonna Do? » une reprise des Staple Singers.
Et puis, Jason Isbell et Duane Betts qui jouent sur une version superbe de « Mean Old World » écrite par Little Walter et reprise par Derek and the Dominos pendant les sessions de Layla avec Jim Dickinson (le papa) à la production et Dickey Betts (l’autre papa) qui devait fatalement être dans le coin. Duane qui prend le deuxième solo s’est très inspiré de l’Allman Brothers Band et son père peut être très fier de sa prestation.
Et toujours chez les invités Tierinii et Tikyra Jackson (Southern Avenue) chantent sur “What You Gonna Do?", “Living Free” et“Drunk Outdoors”, Otha Turner brièvement sur “Otha’s Bye Bye Baby”, la steel de Roosevelt Collier -illumine “Bump that Mother” et le Rev Charles Hodges est bien présent avec son B3 sur “What You Gonna Do?” et“Living Free”.

Pourtant, dès l’intro de « Call That Gone », on retrouve la patte de Hill Country Blues, cette rythmique particulière de Cody, ce jeu de guitare de Luther, aucun doute c’est bien un album des Dickinson Brothers.
La basse est tenue par Carl Dufrene (qui officiait chez Anders Osborne) on sait que ce poste n’est pas très stable depuis le départ de Chris Chew, les bassistes (Danielle Nicole, Lightnin Malcolm…) étant souvent là pour dépanner. On peut penser que Carl restera dans la formation qui s’est étoffée avec Sharde Thomas qui joue du fifre mais surtout chante et donne une couleur différente à la musique, d’autant que les voix n’ont jamais été le point fort des deux frangins.
L’album parvient à être une fenêtre sur le passé et une porte ouverte vers l’avenir. « Lonesome in My Home » typique du Kimbrough’s sound et une version salace de « Peaches » de R.L.Burnside sont de beaux hommages, alors que les morceaux nouveaux sont plus avant-gardistes, presque psychédéliques par instants.
On attend avec impatience la tournée européenne de cet automne pour entendre ce bel album en live.