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1993 Bent Out Of Shape

Bobby PARKER - Bent Out Of Shape (1993)
Par LE KINGBEE le 19 Avril 2020          Consultée 1127 fois

Le titre de ce CD traduisible en gros par "Désolé d’être énervé" en dit long sur la carrière de ce guitariste. Comment se fait-il que Robert Lee PARKER n’ait enregistré son premier album qu’en 1993 à 56 ans, un âge ou de nombreux bluesmen sont déjà malheureusement six pieds sous terre ?

Natif de Lafayette (Louisiane) où il voit le jour en 1937, Robert Lee PARKER passe son enfance à l’Est de Los Angeles sa famille ayant quitté les bayous alors qu’il n’avait que six ans. Un oncle le prend sous son aile, le gamin adore écouté les 78 tours qui passe en boucle dans la baraque du tonton. A neuf ans, l’oncle lui achète sa première guitare, une Harmony à 80 $, instrument que Robert maîtrise totalement très rapidement. Hyper doué, il gagne un concours organisé au Johnny Otis Barrelhouse. Il fonde un petit groupe comprenant Don Bowman (futur Don "Sugarcane" HARRIS) et Dewey Terry, deux gars qui se feront bientôt connaitre sous le non de DON & DEWEY.
EN 1954, il n’a que 17 ans quand il est engagé par Otis WILLIAMS & The CHARMS ; il enchaîne aux cotés de Bo DIDDLEY et s’illustre notamment à la télé dans une émission du "Ed Sullivan Show". Bobby a la bougeotte, ce n’est pas pour rien qu’il s’est plus ou moins enfuit de chez lui à 14 ans. En 1956, il épate la galerie en jouant à l’Apollo Theatre où il devient guitariste maison jouant derrière Ruth BROWN, Sam COOKE et Jackie WILSON. Il est remarqué par le saxophoniste Paul "Hucklebuck" WILLIAMS (ex King PORTER) et intègre son orchestre où il remplace bientôt Little Willie JOHN qui vient de se faire virer par son leader et patron. La même année, Robert fait ses premier pas en studio enregistrant deux titres pour "Hucklebuck" WILLIAMS. Il est accrédité sous le nom de Bobby PARKS et le single est publié par Josie, une filiale de Julibee.

L’année suivante, toujours au sein de l’orchestre de Paul WILLIAMS, il grave deux titres pour son leader et deux autres pour le sax honker Noble "Thin Man" WATTS, les deux 45 tours étant publiés par le label de Chicago Vee Jay Records. En fin d’année, Vivian Carter, patronne du label VEE JAY, décide d’envoyer le guitariste en studio afin d’enregistrer sous son nom. Bobby apporte deux chansons qu’il vient de composées : "You Got What It Takes" couplé à "Blues Get Off My Shoulder". C’est la face B qui retient l’attention des programmateurs radio et Bobby décroche pour l’occasion son premier hit, mineur il est vrai. La chanson sera reprise au fil des années par The CHAMBERS BROTHERS, Little MILTON, Curtis SALGADO et dernièrement par Robert CRAY (pour ne citer que les principaux. Peter GREEN aimait reprendre ce morceau qui lui servait d’interlude acoustique lors de ses concerts, mais c’est le louisianais Reuben BELL qui en délivrera, selon nous, la meilleure reprise. La face A qui aurait normalement du recevoir les lauriers fera l’objet d’une publication United Artists chantée par Marv JOHNSON et accréditée à Berry GORDY, un vol honteux dont Bobby sera victime, le guitariste n’ayant ni l’envie ni les moyens de porter l’affaire en justice.

En 1959 PARKER enregistre un nouveau 45 tour édité par le label new yorkais Amanda, mais le microsillon passe totalement inaperçu. C’est deux ans plus tard que Bobby lance un gros pavé dans la marre avec "Watch Your Step" couplé à "Steal Your Heart Away". Lors d’une interview, il déclarait s’être inspiré d’un titre de Dizzy GILLESPIE pour construire son fameux riff de gratte et du hit de Ray CHARLES "What’d I Say". Blues ultra dynamique, le titre reste plusieurs semaines dans le HOT 100 mais ne grimpe qu’à la 51ème marche des charts en juillet 61, la faute probablement incombe au label de Philadelphie V - Tone Records de Buddy Cadwell qui n’avait pas les reins assez solides pour promouvoir le disque auprès des radios et qui tombait en faillite presque aussitôt après la sortie du disque.
Si le titre sera repris tour à tour par MANFRED MANN, The SPENCER DAVIS GROUP, COLD BLOOD, DR FEELGOOD, SANTANA et Peter GREEN SPLINTER GROUP, Bobby PARKER vient de louper la marche (excusez le jeu de mot facile). Installé à Washington où il se produit tous les soirs, le guitariste va littéralement s’engluer dans une ville où le Blues passe au second plan. Si la ville abrite la Maison Blanche, la Bibliothèque du Congrès, une flopée de mémoriaux et d’ambassades, le Capitole et une cathédrale, le Blues n’est guère représenté dans la capitale fédérale à contrario du Washington National Symphony Orchestra. Durant la seconde partie des sixties, PARKER enregistrera une poignée de singles pour d’obscurs labels généralement mal distribués et retombera dans un anonymat incompréhensible, malgré une tournée en Angleterre en 69. La vague Disco qui allait noyer la planète lui sera fatale comme de nombreux artistes évoluant entre Blues, Soul et R&B.

En 1993, tel un diable surgissant de sa boite, Bobby PARKER surprenait son monde en enregistrant son premier disque. Alors qu’il ne se produisait que dans les clubs de la région de Washington D.C. et sporadiquement dans les grands festivals, le guitariste répondait favorablement à l’appel des frères Scott, patrons de Black Top, un label indépendant implanté à la Nouvelle Orleans : Hammond. Si Nauman Scott, l'aîné, a joué un peu de guitare avant de bosser pour une firme pétrolière, Hammond a été manager de Clarence "Gatemouth" BROWN pendant quatre ans, programmateur radio pour la WWOZ avant de se lancer dans l’aventure en créant leur label en 1981. En peu de temps, Black Top allait s’imposer comme un acteur majeur de la scène Blues de la Nouvelle Orléans. Les deux frangins permirent aux amateurs de découvrir de nouveaux talents à l’image d’Anson FUNDERBURGH mais aussi de ressortir des placards où ils prenaient la poussière de glorieux vétérans parmi lesquels Carole FRAN et son mari Clarence HOLLIMON, ancien guitariste de Bobby BLAND, Phillip WALKER, Joe "Guitar" HUGHES ou le blues shouters Nappy BROWN. Black Top allait aussi contribuer à sortir de l’ornière des artistes issus du terroir : Buckwheat ZYDECO, Snooks EAGLIN, Earl KING ou Lynn AUGUST.

Enregistré à l’Ultrasonic Studios de la Nouvelle Orleans en septembre 1992, là où James BOOKER, The NEVILLE BROTHERS, Johnny ADAMS, DR JOHN traînèrent leurs guêtres, là ou Bill DERAIME enregistra "La Louisiane" et Eddy MITCHELL ses Nouvelles Aventures. Black Top n’a pas lésiné sur l’équipe d’accompagnateurs. On retrouve l’organiste Sammy "The Bishop" BERFECT, frère de Marva WRIGHT, membre des DIMENSIONS Of FAITH et déjà entendu avec Tori AMOS, Willy DEVILLE, Harry CONNICK, le bassiste Lee Allen ZENO (ex Buckwheat ZYDECO et Charlie RICH), le batteur Raymond Weber (ex DIRTY DOZEN BRASS BAND, Solomon BURKE), les trompettistes Jamil SHARIF spécialisé dans la bande son hollywoodienne, Willie SINGLETON (ex FOUR TOPS, Nancy WILSON, Lou RAWLS ou Rita COOLIDGE) et le tromboniste Rich TROLSEN (ex DR. JOHN, Boz SCAGGS, Gino VANNELLI). Cette solide section cuivre dirigée par le saxophoniste Mark KAZANOFF plus ancrée dans le domaine de la Soul, du Jazz et du R&B doit permettre d’apporter un peu plus de moelleux au répertoire du guitariste. Bobby est venu avec 11 de ses compositions, dont certains anciens titres qui auraient du passer à la postérité.

En ouverture, "Fast Train" démarre sur les chapeaux de roue. Les touches de guitare sont précises, la basse bien ronde tandis que les claviers apportent une touche Soulfull bienvenue. C’est simple on croirait entendre avec dix d’avance W.C. CLARK, le grâteux d’Austin. Une avalanche de notes vient envelopper l’entame de "It’s Hard But It’s Fair", titre enregistré par Bobby en 69 pour le label anglais Blue Horizon. Les cuivres apportent ici un cachet dont on ne reste pas insensible, la voix rappelle parfois les intonations d’un certain James BROWN. Buddy GUY a repris plusieurs fois le morceau sans réussir à le remplir d’autant de feeling, c’est du moins notre avis. Les différents lieux de passages du guitariste (Louisiane, Californie, New York, Washington) se retranscrivent dans son jeu de guitare, "Bent Out Of Shape"* doit autant à Pee Wee CRAYTON qu’à Phillip WALKER. Impression identique avec "I Call Her Baby".

"So Glad I Found You" vient à point nommé pour tempérer l’atmosphère avec un blues lent aussi simple que bien ciselé, la guitare touchant sa cible à chaque note. L’entraînant "Break It Up" ≠ nous renverrait presque vers Johnny "Guitar" WATSON, avec une guitare pleine de fantaisie, un chant plus goguenard. Le sérieux reprend vite les commandes avec "Let That Be The Reason", titre titubant habilement entre mid tempo et slow blues dans lequel la guitare offre une vraie démonstration, alors que certains guitaristes afin de nous impressionner ont besoin d’une cascade de notes qui finissent bien souvent par devenir assommantes, Parker ne dégaine que trois ou quatre touches. Celles qu’il faut. Morceau dépassant les six minutes, "I’ve Got A Way With Women" se boit comme du petit lait. Le genre de titre sur lequel on peut affirmer que Parker n’est pas seulement un excellent guitariste, le gars est également un très bon chanteur. Si les cuivres essaient d’influer une ambiance de Brass Band sur "Bobby – A-Go-Go", le guitariste nous expédie derechef vers du Go-Go, le Blues de New York City. Le disque s’achève sur une remarquable relecture de "Blues Get Off My Shoulder" rallongée de trois minutes par rapport au single Vee-Jay et c’est là qu’on dit : "Mais pourquoi Bobby n’a-t-il pas intéressé un label d’envergure ?"

Terminons cette chronique, comme il se doit, avec « Watch Your Step », titre qui aurait du amener le louisianais sous les sunlights de l’industrie du disque et des hit parades. Si le morceau est légèrement modernisé avec l’apport des cuivres, le riff imparable est automatiquement reconnaissable. Si vous connaissez et écoutez « Rat Bat Blue » de DEEP PURPLE, « Moby Dick » figurant sur « Led Zeppelin II », « One Way Out » par les ALLMAN BROTHERS, le « I’m Not Talking » des YARDBIRDS, le « I Feel Fine » des BEATLES vous avez avec « Watch Your Step » la source d’inspiration qui a inspiré ces différents standards (il doit y en avoir d’autres).

En 1993, contre toute attente, Bobby PARKER surgissant des abysses nous délivrait probablement le meilleur disque Blues de l’année. Si on voulait faire la fine bouche, on pourrait juste reprocher une production trop soignée, trop propre, mais avouez qu’après avoir attendu si longtemps, cette œuvre nous en offre pour notre argent.

Bobby Parker est décédé d’une crise cardiaque en 2013.


Il s’agit d’un titre homonyme à ceux de RAINBOW et du SQUIRREL NUT ZIPPERS, le groupe de Jimbo Mathus.
≠ Titre homonyme à ceux de FOREIGNER, Patti SMITH et CYPRESS HILL.

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   LE KINGBEE

 
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- Bobby Parker (chant, guitare, basse 3)
- Lee Allen Zeno (basse)
- Raymond Weber (batterie, percussions)
- Sammy 'the Bishop' Berfect (orgue, piano)
- Mark Kazanoff (saxophone)
- Willie Singleton (trompette)
- Jamil Sharif (trompette)
- Rick Trolsen (trombone)


1. Fast Train
2. It's Hard But It's Fair
3. Bent Out Of Shape
4. So Glad I Found You
5. I Call Her Baby
6. Watch Your Step
7. Break It Up
8. Let That Be The Reason
9. I've Got A Way With Women
10. Bobby - A- Go-go
11. Blues Get Off My Shoulder



             



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