En Breton, le mot "strollad" désigne un groupe, un rassemblement. C’est heureux, car le partage et la fête entre amis sont le leitmotiv de ce groupe, natif de Vendée, qui propose depuis 1998 une musique résolument rock, mais dont l’originalité réside dans l’infusion d’influences celtiques et ska l’ensemble donnant naissance à un mélange surprenant et diablement efficace. On pense aux premiers MERZHIN, à DAVIKEN, à TRANSPHER et surtout à KALFFA pour le côté festif d’un groupe qui n’en est pas à son coup d’essai. Fait Maison est en effet le quatrième album de cette bande de joyeux lurons qui mêlent le biniou et l’humour avec talent et conviction.

Navigant entre amateurisme et professionnalisme, STROLLAD est donc, avant tout, le manifeste d’une bande de potes qui aiment jouer ensemble sans se prendre au sérieux. Cela n’empêche pas de faire les choses bien, et l’envie de bien faire se retrouve d’entrée sur la mise en son de l’album, dont le mixage met en valeur les instruments appartenant à la section rock (basse, guitare, batterie) ainsi que ceux d’obédience celtisante (flûte, bombarde) ou plus traditionnelle (accordéon, clarinette). Le côté plus bricolé, disons amateur sans aucune dévalorisation, se retrouve sur le chant certes convaincu mais parfois hasardeux du vocaliste Gato, qui semble capable de belles envolées, notamment dans un registre rock / punk celtique mordant (l’excellent "Ne pas t’oublier"), mais qui se fourvoie aussi sur quelques titres anodins qui ne le mettent pas en valeur (le lourdaud "Cervez ça", catalogue de variétés de bières…).

L’album, varié, offre son lot de bons moments, à commencer par l’introductif "L’arnaque" qui voit le groupe se moquer avec bienveillance des stigmates que le temps laisse sur nos corps de quadras bedonnants, sur fond de rock énergique et riffu. Un moment très savoureux, auquel succède malheureusement le moins réussi "La solution", porté par des influences ska assez peu savoureuses, même si la bombarde et un changement de rythme bienvenu en fin de morceau suffisent à le rendre appréciable. Alors que l’influence de MERZHIN se retrouve essentiellement sur un titre tel que "La gloire du néant", c’est à LA RUE KETANOU ou aux OGRES DE BARBACK que l’on pense à l’écoute du collectif "Les Pirates", qui fait appel à la collaboration de membres des JOYEUX BORDEL, LES CAMELEONS, ou encore EPSYLON. Un titre-chorale qui peine néanmoins à tenir la comparaison face à d’autres morceaux d’apparence plus simple mais résolument plus convaincants dans le propos. On lui préfère ainsi, et de loin, le punk furieux de "650 à l’heure", le mid-tempo "Est-il l’un d’entre vous", hommage à Ilan Halimi, qui bénéficie de la présence du Bagad de Vendée, ou "L’oiseau" qui mêle avec réussite, bombarde, accordéon et clarinette, proposant des influences résolument celtiques mais également modernes.

Il y a du monde et pléthore d’instruments qui participent ainsi à cet album bariolé et foisonnant d’idées, qui aurait sans doute mérité d’être amputé de quelques titres potaches sans grand intérêt, à l’image de "Saint Petersbourg". Reste que, toutes guitares dehors, STROLLAD signe quelques mélodies et riffs mémorables, en atteste "La sœur de mon père", dont l’accordéon et la flûte se font sautillants. Tant et si bien qu’au final Fait Maison se révèle comme un bon plat : on aime picorer, reécouter certains de ses passages les plus remarquables, et on apprécie le talent combiné de cette bande de potes qui savent, décidément, une musique percutante, qu’elle soit rock, punk, ska ou celtique. Un mélange inédit pour un album savoureux et abouti.