Originaire du sud de la Forêt Noire, BLUE DEAL bouscule les clichés. C'est aux confins de l'Allemagne, entre France, Suisse et Lichtenstein, que la musique blues, telle que pratiquée par ce quarter surprenant prend sa source. Là où les musiques saturées sont plutôt d'inspiration classique, BLUE DEAL a fait du blues-rock son étendard. Formation multigénérationnelle, une différence d'âge de 30 ans séparant le membre du groupe le plus jeune et le plus âgé, le groupe adoubé par Paul Rodgers (FREE) propose une musique aux allures de compromis entre les influences de ses différents membres. Pour un résultat surprenant autant que rafraîchissant.

Porté par une mise en son claire et puissante, un mixage donnant à chaque instrument une identité forte mise au service du collectif, Holy Ground est un premier album qui s'inscrit dans dans une tradition blues, agrémentée de sonorités rock ou sudistes. Stevie RAY VAUGHAN et LYNYRD SKYNYRD ne sont jamais très loin sur ces onze compositions originales qui, restons dans le ton, font une accolade à BAD COMPANY ("Memory Street"). Il y a de la Stratocaster et de la cigar-box dans l'air, comme un mariage réussi entre le blues du delta et ce qu'en ont fait les héritiers contemporains. BLUE DEAL ne réinvente pas le style, mais balance une grosse poignée de créations personnelles résolument ancrées dans leur époque. Le blues ici proposé à beau être "folklorique", il n'en est pas pour autant anecdotique ou anodin. Au contraire, loin du lisse et du "gimmick" vide de sens, Holy Ground est un album profond et marqué par une volonté d'agrémenter les mélodies accessibles par des textes évoquant les problèmes économiques et sociaux de notre civilisation post-moderne.

"Love What You Have", porté par un riff d'apparence simplissime mais particulièrement efficace, est une injonction à réfléchir sur ses désirs et ses frustrations, et il est vrai que le blues énergique de BLUE DEAL invité à un certain hédonisme. C'est ce même blues, plus épuré encore, qui fonctionne à merveille sur "Standing on the Corner" et ses claviers aux allures d'orgue. Les slow-blues "The Witch", interprété en compagnie d'une chanteuse à la voix enfumée très convaincante et slow-blues, agrémenté d'un sympathique harmonica, sont autant de socles solides permettant à la guitare électrique, audacieuse et virtuose de s'exprimer pleinement, transcendée par une mise en son délectable.

"Sewing Machine", résolument sudiste dans l'esprit, évoque les conditions de travail honteuses en place dans les industries textiles des pays d'Asie, pour répondre à notre fièvre consommatrice. "Go", qui constitue ce qui se rapproche le plus d'une ballade, est une personnification de la Terre, s'adressant à la race humaine. Les thématiques sont aussi variées que les ambiances sur ce qui constitue un album bouillonnant d'idées et parfait dans l'exécution.

Un blues-rock, tantôt traditionnel, tantôt moderne, et voici que BLUE DEAL propose un premier album particulièrement réussi, qui coupe court à cette idée que la rigueur allemande ne serait pas capable de donner naissance à un blues de qualité. Gut gespielt.