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1971 Things I Used To Do

Pee Wee CRAYTON - Things I Used To Do (1971)
Par LE KINGBEE le 29 Juillet 2023          Consultée 528 fois

Pee Wee CRAYTON, de son vrai nom Connie Curtis CRAYTON, voit le jour en 1914 à Liberty Hill, bourgade située à 50 bornes d’Austin (Texas). Gamin, il se passionne déjà pour la musique, se fabriquant un ukulélé à partir d’une boite à cigare. Il étudie la trompette, le banjo et l’ukulélé en intégrant l’orchestre de son collège. A vingt ans, il quitte son Texas natal pour rejoindre la Californie, s’établissant à Los Angeles puis Oakland. Surnommé Pee Wee, en hommage à un pianiste dont son père était admirateur, il se produit le soir en imitant grossièrement T. Bone Walker, tout en travaillant dans les chantiers navals le jour puis dans une concession automobile.

Pee Wee CRAYTON progresse rapidement prenant des cours avec son idole (Walker) tout en écoutant Charlie Christian et John Collins, guitariste d’Illinois Jacquet et Nat King Cole. A travers ces diverses influences, il se construit un style mélangeant R&B, Swing et Jazz, registres sur lesquels il apporte une touche agressive. Après avoir monté son premier trio en 1945, il rejoint l’orchestre d’Ivory Joe Hunter. Deux ans plus tard, Pee Wee secondé par les Four Kings met en boite son premier single pour la firme 4 Star Records.

Repéré par les frères Bihari, il connait le succès avec "Texas Hop" et "Blues After Hours" futur Numéro Un des classements R&B, deux instrumentaux publiés par Modern Records. Cette toute nouvelle popularité lui permet de devenir musicien professionnel, Pee Wee devenant un accompagnateur très demandé. Cette embellie ne va durer qu’un temps, à la fin des fifties, son style de jeu mariant Jazz et Blues devient obsolète, les modes et les goûts du public ayant muté. Son jeu de guitare ne faisant plus recette, CRAYTON se retrouve dans l’obligation de reprendre un boulot alimentaire, devenant chauffeur routier pendant quelques années. Il lui faudra attendre le début des seventies pour se relancer, en intégrant la Caravan de son ami Johnny Otis, profitant modestement du regain du Blues Revival. Pee Wee CRAYTON restera l’un des premiers bluesmen à utiliser une Fender Stratocaster.

Si une forte immigration en provenance du Texas, de Louisiane, de l’Oklahoma et de l’Ouest est venue apporter sa sueur au chœur des chantiers navals californiens suite au désastre de Pearl Harbor, de nombreux musiciens texans vont prendre le même chemin à l’image d’Amos Milburn, Charles Brown Johnny « Guitar » Watson ou de Lafayette Thomas. Le répertoire de notre guitariste ne déroge pas à cette règle et s’inscrit durablement dans une optique West Coast Blues.

En 1970, CRAYTON enregistre son premier véritable album sous son nom, les précédents n’étant que des compilations de singles et un Live obscur capté à New York en compagnie de Rod PIAZZA et Harmonica Smith. Enregistré juste avant son passage au Monterey Festival, Things I Used To Do marque le grand retour du guitariste.

Produit sans chichi par Bob Scherl, l’un des artisans de la redécouverte de Mississippi John Hurt et futur producteur de Tina TURNER, l’album bénéficie d’un accompagnement aux petits oignons avec une section rythmique débutante comprenant le contrebassiste Ben Brown (futur Dizzy Gillespie, Buddy Rich, Lena Horne) et le batteur Robert L Dupee, le pianiste Larry Nash (Joni MITCHELL, Etta JAMES, Bill WITHERS) et le guitariste Lloyd Rowe (ex Jay Hodge Ork, Willie Egans, Lloyd & Willie) seul vétéran parmi ces sidemen.

Premier constat, l’orchestration réduite suite à l’absence de cuivres diffère des sessions antérieures éditées par les labels Modern, Aladdin, Imperial ou Vee Jay Records. Si le Blues du Delta a plus ou moins engendré le Chicago Blues, son petit cousin urbain, le Blues texan va lui se prolonger dans toute la Californie. Dès "Every Night", l’une des cinq compos de CRAYTON, la guitare et le chant nous plongent dans un décor typique au West Coast Blues. "Peace Of Mind" emmené par une rythmique stimulante offre un jeu de gratte simple et précis d’autant plus que le morceau ne s’éternise pas, allant à l’essentiel. "You Were Wrong" rappelle de par sa mélodie et son jeu de piano Ray CHARLES, au micro Pee Wee s’offre quelques montées sonnant plus Rock, sur un titre dansant. Mais que serait un disque de Blues sans un Slow Blues ? "My Kind Of Woman" avec une guitare chirurgicale demeure un modèle de ballade bluesy à la sauce texano-californienne. CRAYTON nous assène de subtils pizzicatos de gratte contrastant avec un timbre de velours s’offrant quelques montées de gamme. Dernière compo avec un remake de son hit instrumental "Blues After Hours" enregistré à l’origine en 1948 par Jules Bihari, qui n’oublia pas au passage de s’accréditer une partie des droits d’auteur, pratique courante destinée à se remplir les fouilles au détriment du créateur. Rallongé d’une minute, ce remake nous parait plus fluide, le jeu de piano plus aéré. Si la mélodie flirte par moment avec celle de "After Hours", titre du pianiste Avery Parrish, c’est l’influence de T. Bone Walker qui se détache principalement ici. Les guitaristes Mel BROWN et Lurrie Bell en délivreront deux reprises méritant le détour avec trente ans d’intervalle.

Au chapitre des reprises, Pee Wee CRAYTON s’octroie un élégant panel comprenant inusités et grandes classiques. Enregistré dix ans avant par Ray CHARLES et coécrit avec Percy Mayfield, chanteur louisianais installé en Californie auteur du tube "Hit The Road Jack", "But On The Other Hand" se retrouve transformé en un Blues lent au fumet délicat. Le piano et la guitare dessinent de savoureux entrelacs bien dans l’esprit du California Blues.

Sur une lignée similaire, il reprend "S K Blues", un R&B des années 40 du guitariste Saunders King autre sudiste établi dans la Bay Area. Le morceau le plus long du disque prend un coup de jeune, le chant plein de douceur et la guitare se marient encore une fois pour le meilleur et non pour le pire. Le tempo s’accélère avec "Long Tall Texan" un Rock n Roll tempéré d’Hank Wallis (alias Henry Stegelecki) obscur bassiste des Four Flickers. Un titre festif dans lequel les accompagnateurs se paient une bonne tranche de rigolade. Le titre sera repris par les BEACH BOYS et le vétéran Sleepy LABEEF.

CRAYTON a assez de métier pour reprendre à sa sauce une poignée de hits qui font office de cousus main. Il reprend "Let The Good Times Roll" *, création d’Earl KING initialement typographiée "Come On". L’ensemble fait preuve d’un véritable entrain, la Fender Stratocaster distille quelques fulgurances tandis que la rythmique se montre tonique, parfaite dans un rôle de gardienne du temple. Si HENDRIX, Freddie KING ou Stevie Ray VAUGHAN en délivrèrent des versions reconnues, celle-ci n’a rien à leur envier.

Comme peut le laisser présager le titre, CRAYTON reprend deux titres de Guitar SLIM (alias Eddie Jones). "Little Bitty Things" **, titre jamais enregistré par son géniteur, pourrait s’inscrire dans un album de Ray SHARP. La guitare pleine d’entrain distille ici un solide Rockin’ Blues bien vivifiant. Enfin il reprend "Things I Used To Do", le plus gros succès de Guitar Slim devenu l’un des hymnes de la Nouvelle Orleans. Après une intro parlée d’une quarantaine de secondes dans laquelle il interpelle ses musiciens et les auditeurs avec une certaine gouaille, CRAYTON laisse parler une guitare flamboyante. Si les arrangements de Ray CHARLES sont longtemps restés comme un atout imparable sur l’original, la présente reprise se situe selon nous au-dessus du panier avec celles de Freddie KING, Buddy GUY ou Earl Gaines.

Cet album marquait le grand retour de Pee Wee CRAYTON. Les solos de guitares se révèlent aussi fluides que brillants. Produit sans effets de manche, le disque au répertoire cohérent et authentique demeure aujourd’hui encore comme un incontournable du début des années 70. Bob Scherl et Vanguard Records ont ici capté un guitariste attachant au sommet de sa forme. Rappelons que si sous la houlette des frères Solomon, Vanguard avait dès le milieu des fifties publié des artistes placés sur la liste noire du tristement célèbre Sénateur McCarthy, le label reste aussi connu pour ses productions liées au Newport Festival, au lieu du Blues Revival et du Folk. Ce disque permettra à Pee Wee CRAYTON de regagner de la popularité et ainsi de se produire sur les scènes du monde entier jusqu’à sa mort en 1985.

*Titre homonyme à ceux de Louis Jordan et du duo Shirley & Lee.
** Titre homonyme à celui d’Allen Toussaint.

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- Pee Wee Crayton (chant, guitare)
- Lloyd Rowe (guitare)
- Ben Brown (basse)
- Robert Dupee (batterie)
- Larry Nash (piano)


1. Every Night
2. But On The Other Hand
3. Peace Of Mind
4. Let The Good Times Roll
5. Blues After Hours
6. You Were Wrong
7. Things I Used To Do
8. Little Bitty Things
9. S.k. Blues
10. Long Tall Texan
11. My Kind Of Woman



             



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