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1968 Machine Gun
 

- Style : Painkiller, John Zorn , Naked City, Eric Dolphy , Ornette Coleman

Peter BRÖTZMANN - Machine Gun (1968)
Par JASPER LEE POP le 23 Août 2023          Consultée 395 fois

Oh l’autre ! Jasper se la joue intello et nous fait croire qu’il n’écoute pas que du binaire bourrin australien.

C’est exactement ça.

Accessoirement, Peter BRÖTZMANN nous a quittés en juin dernier et l’annonce de son décès m’a catapulté il y a une trentaine d’années en arrière à une époque où j’étais parti à la découverte du jazz, fatigué des guitares saturées (et surtout de l’univers grand-guignolesque du Heavy Metal). Je m’étais attelé à la tâche de façon méthodique avec guides à l’appui et chronologique pour mieux comprendre l’influence des uns et l’apport des autres. Et vas-y que j’enquille Ellington, que je dévore PARKER, que j’essore DAVIS, COLTRANE et MINGUS. C’était passionnant et plutôt facile de s’y retrouver car très consanguin. Forcément, arrive le moment où on se confronte au free jazz et là, il faut être honnête, il y a un petit effort à fournir. Ornette COLEMAN, ça passe. Albert AYLER, tu commences à morfler. En duo avec Cecil TAYLOR, tu te demandes si c’est raisonnable de t’infliger ça mais tu te rattaches comme tu peux aux derniers reliquats de blues que tu parviens à déceler. Bravo, tu ne t’es pas débiné, tu peux être fier de toi. Jusqu’au jour où tu empruntes le Machine Gun de Peter BRÖTZMANN à la médiathèque.

Peter BRÖTZMANN est un multianchiste allemand pionnier du free jazz européen. Il naît en 1941 et fait donc partie de cette génération de teutons qui ont à cœur de dénoncer l’horreur nazie commise par leurs parents. Une génération qui, à peine arrivée à la majorité, se voit aspirée par le tourbillon des révoltes étudiantes qui secouent la planète, des soulèvements sociaux, de l’opposition à la guerre du Vietnam. Ça fait beaucoup pour un seul homme et Peter a envie de gueuler. Fort. Très fort. Il le fera dans ses saxophones (il a toute la collec’, du soprano au basse) avec une virulence encore jamais atteinte.

BRÖTZMANN fut dans un premier temps plasticien, membre du mouvement Fluxus, un collectif d’artistes de tous horizons influencés par les Dadaïstes, John CAGE, Marcel Duchamp, désireux d’abolir les frontières entre les différents arts et de remettre en question la notion même d’œuvre d’art. Il fait la rencontre de STOCKHAUSEN et prend la voie de la musique. Il croise la route de Steve LACY et Don CHERRY avec sa mini trompette qui donne des ulcères à Miles DAVIS (et qui affuble l’Allemand du surnom 'mitrailleuse' pour évoquer le feu nourri qu’il fait cracher à son instrument). Vous la sentez enfler, la radicalité du bonhomme ? Un petit tour chez Carla BLEY en 1964, un premier album en leader en 1967, et voici que sort Machine Gun en 1968.

Oui, en 1968. Si la curiosité vous pique d’affronter la bête, souvenez-vous de la date de son enregistrement. Dans le genre avant-garde, ce disque se pose là et les courants punk hardcore et extrêmes du metal peuvent aller gentiment se rhabiller. C’est donc une expérience terminale difficilement racontable qui vous attend et je vous épargnerai l’exploration du champ lexical de la violence pour vous la décrire, cela a déjà été fait jusqu’à plus soif dans les écrits consacrés à cette œuvre. Je me contenterai d’une seule métaphore guerrière : l’armée américaine a révélé la playlist des morceaux diffusés à très fort volume pour briser le moral des prisonniers de Guantánamo et d’Abou Ghraib, ces lieux de la honte. On y trouve pêle-mêle le death metal de DEICIDE, MARILYN MANSON, NINE INCH NAILS… Britney SPEARS et un mix de miaulements de chats (!). Pathétique. Une seule écoute de Machine Gun et tout le monde passait à table. Même ceux qui n’avaient rien à avouer.

Peter BRÖTZMANN a réuni un octuor constitué de la fine fleur du free européen pour interpréter les trois morceaux qui composent (si, si, il y a une vraie structure) cette déflagration sonore de trente-sept minutes. Les postes de batteurs et de contrebassistes sont doublés, les souffleurs sont au nombre de trois ténors (dont cet allumé d’Evan PARKER), c’est pas du jeu, le pianiste tout seul est obligé de frapper comme un sourd pour se faire entendre dans ce vacarme. La SPA a maintes fois porté plainte contre les créateurs de cette chose, on y entend clairement des pachydermes se faire torturer pendant le bombardement d’une fête foraine, ce qui fait fuir des canards soucieux de sauver leurs magrets.

Est-ce encore du free jazz ? Franchement, on s’en fout, on est au-delà. Le type énervant qu’on connaît tous et que j’aime bien évoquer qui vous explique que son gamin de trois ans dessine aussi bien que Picasso trouvera que c’est du bruit, c’est entendu. D’ailleurs, pour exploiter l’analogie picturale, ce disque, ce serait Guernica (tant qu’à faire dans la guerre) sur lequel Pollock balancerait ses seaux de couleurs avant que Soulages ne recouvre le tout de noir et qu’un écoterroriste ne l’asperge d’essence pour y mettre le feu. Avant de faire sauter le musée. Ça ne peut pas laisser indifférent, un tel feu d’artifice de sensations. Mais oui, c’est éprouvant.

Repose-toi, Peter.

5/5 sur l’échelle de l’intensité.

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   JASPER LEE POP

 
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- Peter Brötzmann (saxophone tenor et bariton)
- Evan Parker (saxophone ténor)
- Willem Breuker (saxophone ténor)
- Fred Van Hove (piano)
- Peter Kowald (contrebasse)
- Buschi Niebergall (contrebasse)
- Sven-ake Johansson (batterie)
- Han Bennink (batterie)


1. Machine Gun
2. Responsible (forjan Van De Ven)
3. Music For Han Bennink



             



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