La pochette est bien reconnaissable – et sera honteusement pillée par CERRONE quarante ans plus tard. Derrière cette bouche couleur grenat, se cache l’unique album de Dino SOLERA, saxophoniste du Munich Machine de Giorgio MORODER. En fait, il s’agit d’un album du Munich Machine composé par Dino SOLERA, tout comme Body Shine (1979) en sera un composé par Günther Moll et Stefan Wissnet – par ailleurs non encore présents sur Classically.
Le titre parle de lui-même : nous allons nous farcir du disco à la sauce classique, à différents degrés d’assaisonnement et d’édulcoration. C’est une problématique récurrente des albums Disco : savoir jouer avec des sucreries musicales sans se trouer les dents. Plouf-plouf, le beat, les claviers, les cordes et le saxophone se lancent le bâton de dynamite à tour de rôle, qui va raquer ?

Après avoir essuyé la mélasse rose de sa figure, l’auditeur assidu surmonte son haut-le-cœur et replonge cerner le problème. D’abord, le plus évident, le quasi-morceau-titre : "Classically Elise 77". Giorgio MORODER et Dino SOLERA commettent ici l’exploit d’à la fois reprendre un thème classique parmi les plus téléphonés du répertoire populaire et s’auto-recycler paresseusement. "Eine Alte Melodie", paru en 1973 en single et sur l’album Giorgio’s Music, en était déjà un massacre en règle. "Classically Elise 77" n’en est qu’un autre massacre en règle. Les deux mêlent des lignes classiques à des instrumentations de variété d’époque d’une part et, d’autre part, font copuler le thème de base (à deux ou trois rabotages près) à des développements mélodiques à la va comme je te pousse, toujours dans les courants de l’époque : à Giorgio’s Music la chanson de variété, à Classically le Disco. On peut observer que Giorgio MORODER a repris les partitions de cuivres telles quelles d’une version à l’autre.

"Classically Elise 77" n’est qu’une illustration, certes représentative, du problème majeur de cet album : Dino SOLERA tente de mêler deux styles a priori antagonistes, mais n’a pas les épaules pour mener à bien ce mélange qui, en l’état des choses, n’aboutit qu’à une consensualité gâteuse. Oh, je suis relativement résilient face à la mièvrerie : en attestent mes retours positifs sur Munich Machine Introducing The Midnite Ladies (1977) ou E = MC² (1979). Mais là, l’énormité crève le plafond.
Les cinq autres morceaux (excluons la reprise conclusive de l’ouverture) sont des compositions originales de Dino SOLERA, où les éléments classiques sont encore plus dilués dans le bouillon Disco. En fait de classique, nous avons seulement droit à quelques mélodies pastiches, portées au choix par le saxophone, les violons, la flûte ou la clarinette. "Theme For A Dream" est ainsi sapé par une mélodie tout bonnement abominable. "Lovely Sax" est pire encore. "Beautiful Ros’" est à peine moins pénible. Le synthétiseur est kitsch et laid, Giorgio MORODER fait de la figuration pour un Mars. Rien ne va, la seconde face est un désastre.

"Suite Concerto" basé sur le thème de la fameuse Badinerie de Johann Sebastian BACH s’avère contre toute attente une des moins mauvaises pistes de l’album, avec un bon groove et de chouettes développements, mais les fondations-mêmes du morceau pêchent; la précitée badinerie encadre un refrain terriblement facile, lesté de chœurs ahanant un titre parmi les plus débiles qui aient jamais jailli d’une tracklist (enfin, ce n'est pas pire que "Sapés Comme Jamais"). En revanche, le morceau suivant, "Easy Feelin’", reconduit le meilleur de "Suite Concerto", sans faute rédhibitoire cette fois.

Classically représente tout simplement le pire du Disco. Déterrez "Easy Feelin’" et détalez avant que la mare de guimauve en fusion ne vous obstrue les bronches.