Après Elizabeth KING et Jimmy Ray DANIELS, le label Bible & Tire Records édite le premier bébé de FAITH & HARMONY, une troupe entièrement féminine constituée de sœurs et cousines originaires de Greenville. Ce sextet est le pendant féminin de DEDICATED MEN OF ZION, rien d’anormal puisque les six chanteuses sont les petites filles de Dorothy Vines Daniels, membre des Glorifying Vines Sisters, célèbre quatuor de Gospel de Caroline du Nord.

La pochette ne laisse que peu de doute sur le contenu. Vêtues de robes orange parfaitement similaires agrémentées de manche chauve-souris, les six membres nous renvoient vers une époque révolue, celle des grands quintets de Gospel dont les membres généralement masculins arboraient la même tenue. Il arrivait parfois que le leader de ces ensembles porte une tenue ou une soutane distincte de manière à le différencier de ses partenaires. Ce n’est pas le cas ici, ce qui laisse entendre qu’aucune chanteuse ne prend le leadership. Si l’accoutrement des six chanteuses n’évoquent chez vous aucune corrélation avec les anges rédempteurs, le nom du groupe traduisible par Foi et Harmonie, ne devrait laisser aucun doute sur le répertoire. Si ces détails ne vous interpellent pas, le titre de l’album devrait être le troisième révélateur, la voix entendue par les six membres étant bien sur celle du Seigneur.

Produit sans surenchère par Bruce Watson, cet opus contient tous les ingrédients du Gospel traditionnel avec une orchestration sobre destinée à mettre en valeur les harmonies vocales, le fameux jeu des questions/réponses entre le chant lead et les choristes, procédé destiné à faire monter la tension parfois jusqu’à la trance. Seul changement par rapport aux productions d’antan, pas d’orgue d’église genre harmonium ou guide chant, mais des instruments bien dans l’ère de notre temps impulsant par moment une atmosphère proche de la Deep Soul, mais la frontière entre musique séculière et relieuse est parfois aussi mince qu’une feuille de papier à cigarette.

D’entrée "I Heard The Voice" parvient à mettre le premier quidam venu dans la danse, la voix juvénile de Tinesha Weaver nous donnerait presque envie d’aller à confesse, si tel n’était pas le cas, le refrain répétitif du chœur devrait finir par vous convaincre. Christy Moody s’empare du premier rôle sur "Don’t Be Dismayed", une réponse de Dieu à la vulnérabilité et l’incompréhension de ses fidèles, titre qui tient autant de la Soul que du Gospel. Cette foi en Dieu sert de fil rouge sur plus d’un titre : "I’ll Praise Him" se fait plus vindicatif par l’entremise de KeAmber Daniels. On reste sur une lignée similaire avec "This Evening Our Father" et "Come See About Me". Avec son intro de saxophone « We Will Work » s’oriente plus vers le répertoire des grosses chorales fleurissant les églises lors des représentations du dimanche midi, des shows qui n’ont rien à envier à la démesure de certains concerts Pop. Enfin pour me contredire, l’entrainant "Right Now, I Feel Alright" laisse le second rôle à un orgue d’église, instrument proche du Bontempi de mon petit neveu de six ans.
Les amateurs de Gospel mississippien devraient être comblés avec "Friends", chanté à capella pendant son premier tiers jusqu’à ce qu’une grosse caisse intervienne en arrière-plan, le morceau monte crescendo avec l’arrivée d’une guitare qui renforce la puissance du refrain pour en faire une sorte de transe.

Si la plupart des titres est accréditée à KeAmber Daniels, certaines pistes reprennent des Spirituals issus du traditionnel : "A Leak in this Old Building", œuvre probable du texan A.C. Littlefield membre des Bells of Joy, utilise toutes les ficelles du Gospel fifties avec une voix de tête lancée en tête de gondole suivie par un chorus martelé par le chœur. Ce titre se démarque cependant des autres, Christy Moody et Tinesha Weaver se succédant au chant principal. Un titre bien plus groovy que la reprise de Brother Claude Ely, prédicateur blanc pentecôtiste ayant enregistré pour King Records. Enfin la voix de Christy Moody fait merveille sur "Crying In The Streets", une reprise du louisianais George Perkins, membre du Silver Star Quartet, enregistrée à l’origine par le label Golden d’Ebb Tide et rachetée aussitôt par le label Silver Fox qui popularise alors la chanson suite à l’assassinat du Pasteur Martin Luther King. L’intensité du texte associé à un timbre plein gorgé d’émotion de Christy Moody et à une orchestration qu’on croirait sortie tout droit des Studios FAME de Rick Hall font de ce titre notre coup de cœur.

Si cette troupe familiale figurait déjà dans la compilation Sacred Soul Of North Carolina avec deux titres ("Victory" et "We Will Work"), ce premier jet place la formation sur le devant de la scène. Si aucune chanteuse ne se détache véritablement de des équipières contrairement à Anthony "Amp" Daniels des Dedicated Men Of Zion, la surprise est moins grande par rapport à son concurrent masculin dont certains membres sont les époux des chanteuses. Toujours est-il que la filiale de Fat Possum propose ici une production soignée dont les harmonies vocales sont un atout de première main. En espérant que des programmateurs européens audacieux fassent venir la troupe chez nous. Deux clip vidéo officiels sont disponibles sur le net, "I Heard The Voice" et "Crying In The Streets" devraient remporter de bons suffrages.

Note réelle:3,5.