Petite parenthèse pour Morgan Blanc, dite MORGAN, alias Madeleine Béjart dans Molière millésimé 2023 'adapté aux tendances' selon Dove Attia, rappeuse et chanteuse équilibrée au point d'abuser de l'argot mais en contrebalançant bien avec une force poétique (sans parler de son engagement), surpassant DIAM'S par sa capacité à se fondre dans un décor des plus urbains et défavorisés comme de porter des talons hauts et décolletés. Et si elle peut durer plus longtemps, en présence, en inspiration, c'est tout le bien qu'on peut leur souhaiter, à elle comme au rap français.

Son premier vrai album paru en mai dernier, Racines, a beau être solide, on lui préférait la mixtape 'introductrice' de 2022, Brikabrak vol. 1, à la durée certes plus réduite (c'est ça de vouloir concentrer quatorze titres sur douze minutes) mais mieux adaptée à l'urgence de sa créativité. Le deuxième E.P, Rage, paru en novembre, était aussi fort joliment garni (tournure Molière de l'époque, euh, Molière !). Mais là, franchement, quel plaisir d'écouter cet Unplugged, en à peine quelques semaines ! Voire le regarder, via YouTube.

La formule acoustique a parfois été utilisée en rap, cependant, MORGAN confirme en six chansons le statut de nouvelle meneuse du 'game' qu'elle a obtenu en peu de temps. Le single "T'as Compris", sur sa féminité affichée/énervée et les critiques qu'elle reçoit, est transportée, outre son flow, par quelques choeurs et une guitare en peu de notes (Baptiste Carbonnier, tout comme le batteur-percussionniste Victor Loh, co-compositeurs/producteurs habituels de MORGAN, sont de la partie).

Autant "Pupille", déjà un des plus beaux titres du dernier E.P, ne change point de niveau de classe avec sa très belle version proposée en folk guitare-piano (arrivée pour deux titres d'ELISE, autre jeune chanteuse soutenue par Loh et Carbonnier), autant les morceaux de Racines y gagnent beaucoup.

La ballade 'tristamoureuse' "Les Fleurs Se Fanent", encore, elle aussi ne change que peu et l'on se doutait de sa présence ici avant même de savoir ce qui allait être joué. En revanche, "Mon Soleil" et sa pop exotique se voient transfigurés, "Le Pire", grâce à ELISE mais pas que, emploie une belle gravité renforcée par le piano étoilé pour cette marche au flow ternaire devenu si habituel actuellement.

Enfin, qui aurait cru que derrière "S'il Faut Souffrir", r'n'b/synthpop à l'origine, où l'argot prend une force lyrique et élégante dans la mélodie, il y avait un air de chanson de marin ? Merci la guitare certes, mais pas que ! Belle expérience donc, pourquoi pas à retenter dans l'avenir ? En tout cas, et comme au travers de ses albums studios, MORGAN prouve que si ses parti-pris peuvent rebuter un public moins malléable que celui de TikTok, il y a de bonnes idées à retenir.