Recherche avancée       Liste groupes



      
JAZZ ROCK  |  STUDIO

L' auteur
Acheter Cet Album
 

ALBUMS STUDIO

1969 Ekseption

EKSEPTION - Ekseption (1969)
Par LE KINGBEE le 11 Avril 2024          Consultée 188 fois

Nous sommes en 1969, nos grandes stations de radio n’ont de cesse de nous faire ingurgiter jusqu’à l'indigestion un paquet de pitreries sonores aussi affligeantes qu’inoffensives dont "Casatschok" (Rika Zaraï), "Adieu Jolie Candy" (Jean-François Michaël) ou l’inoxydable "Champs Elysées" de Joe DASSIN figurent parmi les exemples les plus marquants. Si certains titres échappent au naufrage intellectuel et parviennent parfois à tirer les marrons du feu "Le Métèque" (MOUSTAKI), "Vesoul" (BREL) ou "Tous les bateaux, tous les oiseaux" (POLNAREFF), le paysage radiophonique de l’Hexagone demeure toujours aussi terne. Alors que les BEATLES accumulent encore les hits, que CREAM tire sa révérence, que les WHO délivrent Tommy, hormis "Je t’aime moi non plus" du duo GAINSBOURG/BIRKIN Numéro 1 chez les Rosbeef, aucune production nationale ne parvient à grimper dans les charts de nos voisins.

Les radios françaises vont involontairement contribuer au succès d’un groupe de jeunes chevelus en costard en provenance d’Haarlem, ville néerlandaise située entre la Mer du Nord et Amsterdam. Si Phillips fait le forcing auprès des radios européennes pour que sa nouvelle trouvaille remplisse ses tiroirs caisses, en dehors de son territoire d’origine, c’est chez nous qu’EKSEPTION connaît son plus gros carton par l’entremise d’un single publié dans la série Parade regroupant "5th Symphony" couplé à "Sabre Dance".

La genèse d’EKSEPTION remonte à la fin des fifties, Rein Van Den Broeh alors lycéen et trompettiste à ses heures perdues fonde The Jokers avec quatre potes issus du même lycée. La formation change de nom et devient The Incrowd. Effet du hasard ou clin d’œil du destin, le combo doit changer de nom, un groupe antérieur utilisant le même blaze. Notons au passage l’ironie du sort, Incrowd signifiant incrédule. Alors que la section rythmique d’origine est remplacée avec les arrivées du bassiste Cor Dekker et du batteur Peter de Leeuwe (ex-BINTANGS, CUBY + BLIZZARDS) arrivés tous deux en provenance des Hottletts.
En dehors de son fondateur, on retrouve l’épine dorsale des Jokers avec le saxophoniste-flutiste Rob Kruisman (futur Gruppo Sportivo et BINTANGS), le guitariste Huib Van Kampen et le claviériste Rick Van Der Linden, un ancien pianiste soliste dans plusieurs orchestres symphoniques, membre du septuor Occasional Swing Combo et véritable leader du groupe.
Alors que Van Den Broeh et ses compagnons se sont longtemps contentés de reprendre des titres à succès piochés dans des univers aussi variés que le Jazz, la Pop, le Rock et le Prog, Van Der Linden, fortement inspiré par The Nice de Keith EMERSON, conduit ses camarades au succès en mélangeant de grands airs issus de la musique classique avec un étrange assemblage de Jazz Rock et de Prog.

Le succès de "5th Symphony", malgré une pochette bâclée avec son fond bleu fadasse et ses lettres rose bonbon, pousse Phillips à renvoyer le sextet en studio afin de mettre en boîte un album d’envergure. Placé sous la houlette du producteur Tony Vos, un ancien sax inconnu, le groupe reprend d’emblée son titre fétiche. 26 secondes, c’est le temps qu’il faut pour que la basse et les claviers prennent la suite de l’intro classique (probablement celle de l’Orchestre Philarmonique de Berlin dirigé par Von Karajan). Van Der Linder et ses sbires nous entraînent sur une autre planète. L’association d’instruments aussi surprenants que la trompette, le saxophone, la basse, les claviers et d’une guitare se révèle aussi novatrice qu’aventureuse, assez pour faire une habile relecture.

Outre le titre d’ouverture, EKSEPTION pioche allègrement dans le monde du classique avec une virevoltante interprétation de "Sabre Dance", titre au générique du ballet Gayaneh, œuvre la plus connue d’Aram Khatchaturian. Ce n’est pas la première fois que ce classique tombe dans l’escarcelle de la Pop. Devenu un hit aux Etats-Unis dès 1948, "La Danse du Sabre" se transforme en galéjade avec la version des Andrews Sisters. A la fin des sixties, le morceau fait le bonheur de Love Sculpture de Dave Edmunds. La présente version dévoile toute la démesure et l’esprit novateur dont pouvait faire preuve Van Der Linder.
Le répertoire de Johann Sebastian BACH a maintes fois inspiré le monde de la Pop et du Rock. Les Hollandais reprennent "Air", la 3ème suite en ré majeur, l’ouverture la plus connue, celle figurant lors des mariages. Le tempo et la fougue baissent nettement d’un cran, mais la batterie, le clavinet et les cuivres constituent encore un attelage des plus originaux. Néanmoins, la version du clarinettiste Jean-François Michel interprétée antérieurement nous semble plus audacieuse.
Le groupe nous plonge dans un tonitruant tourbillon de rythmes avec "Ritual Fire Dance", tirée de l’Amour Sorcier de Manuel de Falla. Si le morceau ne dure que 135 secondes, toute la magie de ce ballet se retranscrit, nous laissant imaginer le quotidien d’une jeune gitane délaissée par son bienaimé et qui a recours à la sorcellerie pour que celui-ci retrouve sa flamme d’antan. Même tourbillon survitaminé avec "Dance Macabre Opus 40", une relecture audacieuse de la Danse Macabre de SAINT-SAËNS. Pas sûr que les admirateurs de l’auteur du Carnaval des animaux y trouvent leur compte. Une version orchestralement bien éloignée de l’original et de l’adaptation française "La Danse Macchab'" chantée par les Quatre Barbus.
Si un titre peut témoigner d’une allégeance fusionnelle entre Jazz et Classique, c’est bien "Rhapsody In Blue", œuvre tentaculaire de George GERSHWIN. Si clarinettes, hautbois, violons, basson, flûtes et une flopée de cuivres servent une intro similaire à l’original, il faut attendre 33 secondes pour que la guitare, les claviers, la basse, la batterie et les cuivres passent à la surmultipliée et offrent leur saine démesure, la trompette de Rein Van Den Broek s’offrant un superbe et bref solo de Hard Bop digne de Freddie HUBBARD, Kenny DORHAM ou Clifford Brown.

Le Jazz reprend ses prérogatives avec "This Here", grand classique du pianiste Bobby Timmons, ancien membre des Jazz Messengers d’Art BLAKEY et du Cannonball Adderley Quintet. Si les claviers s’offrent encore quelques passages saupoudrés de Jazz Psy, c’est encore la trompette qui se paye le premier rôle. Un morceau relativement respectueux.
Seconde bifurcation vers le Jazz, "Canvas" est un instrumental de Brian Bennett, mythique batteur des SHADOWS. Là, la guitare, le rythmique et la flûte de Rob Kruisman, plus proche du jeu de Ian Anderson que de celui d’Alan Skidmoor, nous entrainent dans une folle farandole pleine de joie. Autre instrumental avec "Dharma For One" issu de This Was, première galette de JETHRO TULL. Le groupe marche ici sur les pas des potes à Ian Anderson, un titre prétexte à un excellent solo de batterie. Seule compo du groupe, "Little X Plus" s’inscrit dans une démarche entre Jazz et Free Psy avec passage de sax, de flûte, de vibraphone, un titre marqué par ses plein de nuances.

Si la démarche de cette étrange fusion instrumentale entre Jazz et Musique Classique laisse probablement sceptiques les amateurs des deux registres, avouons que la qualité des arrangements, une orchestration audacieuse, la virtuosité des différents membres et la fougue de Rick Van Der Linder furent des atouts de première main jusqu’à ce que l’érosion et des changements de line-up incessants viennent faire exploser le groupe. Le départ du claviériste Rick Van Der Linden, un vrai fou furieux parti fonder Trace en 73, annonçait déjà les premiers nuages.

A lire aussi en JAZZ par LE KINGBEE :


KARTHAGO
Karthago (1972)
Quand un œuf fait de l’œil




IF
If 2 (1970)
Un incontournable du jazz rock 70.


Marquez et partagez





 
   LE KINGBEE

 
  N/A



- Rick Van Der Linden (claviers, piano, vibraphone, dulcimer)
- Rein Van Den Broek (trompette)
- Huib Van Kampen (guitare, saxophone)
- Cor Dekker (basse)
- Peter De Leeuwe (batterie, congas)
- Rob Kruisman (saxophone, flûte, guitare)


1. The 5th
2. Dharma (for One)
3. Little X Plus
4. Sabre Dance
5. Air
6. Ritual Fire Dance
7. Rhapsody In Blue
8. This Here
9. Dance Macabre Opus 40
10. Canvas



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod