Loin des radios et clips télévisés, l’errance musicale paye. Mais au commencement, que choisir? L’afflux de musiques indépendantes est si gigantesque, et bien souvent on n’a d’autre choix que de se laisser porter au petit bonheur la chance. Pour ma part, qu’il fut heureux le choix de ce nouvel album de la musicienne brésilienne SAMLRC ! Après trois premiers albums électroniques proches du travail de Patricia TAXXON, survient A Lonely Sinner qui marque un virage organique et, accessoirement, le début de la reconnaissance publique de SAMLRC.

Si l’informatique demeure au travers de samples, de nappes électroniques, de programmations rythmiques ainsi que du montage, A Lonely Sinner est fondé sur le travail approfondi des guitares, que la ballade "Hug" du précédent album ne faisait que timidement préfigurer. Les brumeux "Lamb Theme" et "Flowerfields" et la progression guitaristique continuelle de "Philautia" ont quelque chose du RADIOHEAD de The King Of Limbs. Le chant est en fin de compte assez rare et discret, plutôt fragile et androgyne, seyant à merveille aux doux thèmes acoustiques de "Philautia", "Sinner" et "Flowerfields". "Philautia" et "Sinner" sont tous deux portés par des riffs électriques hypnotiques se rattachant au post-rock; si le premier se déploie de tout son long, le second amène plus abruptement et rapidement la transition acoustique - électrique, sur un constraste entre la rythmique empesée et les chœurs aériens, avant que les guitares électriques ne se fondent peu à peu dans un retour au calme, parachevé avec "Flowerfields". Oui, ces quatre premiers morceaux forment vraiment un tout, avec des contrastes forts mais une structure homogène, prog dans sa construction, dans ses développements.

La seconde moitié de l’album est beaucoup plus versatile. L’autre grande suite, "Storge", est un vrai tour de force, télescopant allègrement rythmiques telluriques, passages atmosphériques, boucles sonores, collages bruitistes et des riffs musclés, percutants, cathartiques. C’est sans doute le morceau le plus assimilable au rock progressif dans son acceptation stylistique. "Sheep Theme" nous emmène en des terres rock indie plus conventionnelles, son refrain jure avec le reste et le chant nonchalant risque de casser aux premières écoutes, mais on finit par s’y faire. Retour en douceur avec la très belle ballade "For M.", avec un thème comme sortant d’une boîte à musique et voyant le retour de la dualité entre acoustique et électrique, portée par un violon volubile du plus bel effet et, une fois de plus, des enchaînements rondement menés.

"The Beauty Of The Present Moment" vient en miroir de "Lamb Theme" et conclut idéalement un album placé sous le signe de l’éclectisme et qui me botte hors de ma zone de confort. C’est la facette la plus électrique d’une nouvelle génération de musicien.ne.s indépendant.e.s, parmi lesquels ERIS SOUNDWORKS, Patricia TAXON ou Risa TAKEDA, qui se rient des frontières entre les styles.

I want you to teach me how to become a scary wolf!

4 ½ sur 5