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1991 Foxbase Alpha

SAINT ETIENNE - Foxbase Alpha (1991)
Par MARCO STIVELL le 13 Décembre 2024          Consultée 337 fois

Malgré son nom, SAINT ETIENNE est bien un groupe anglais, plutôt un trio en fait même si, dans les premiers temps (1989-91), articulé par le tandem de musiciens/DJ's Bob Stanley et Pete Wiggs, originaires de Londres et du Surrey, amis depuis l'enfance. Tous deux sont au départ des chroniqueurs musicaux (Stanley a également été disquaire et employé chez Virgin Records) et fous de musique, qu'elle soit pop sixties, underground 80's et voyant d'un bon oeil la nouvelle scène électro en vogue. L'esprit 'nouveau Summer of Love' (celui des rave-parties etc) va ainsi beaucoup profiter au combo qui adopte le nom d'une équipe de foot, française très curieusement. L'hommage, c'est donc plus pour l'ASSE/les Verts que la ville noire et ouvrière elle-même, marquée pourtant de façon épisodique par quelques stars pop-rock anglophones de plaisante façon : juste avant Saint-Tropez, fin 1966, David Gilmour pas encore dans PINK FLOYD y a résidé trois bons mois (il jouait avec son groupe d'alors), tandis qu'en 1984-95, au moment des grandes difficultés connues par Manufrance et ses employés, Bruce SPRINGSTEEN leur a signé un chèque de soutien plutôt sympa (dix mille dollars) à l'issue de son concert au stade Geoffroy Guichard dit 'le Chaudron'.

L'album Foxbase Alpha est plus qu'un premier jet en cette année 1991. Depuis un an et demi plus tôt, il a été conçu méthodiquement et prévu pour une distribution judicieuse par le tout nouvellement formé label londonien Heavenly. Celui-ci allant également abriter Beth ORTON ainsi que les MANIC STREET PREACHERS, on peut dire que SAINT ETIENNE arrive à point nommé et est prêt à laisser une empreinte durable dans le monde de la pop, le rayonnement britannique. Pourtant, à contrario, on ne peut s'empêcher de penser que ce courant-là a eu moins de lumière méritoire que les contemporains de Bristol, les MASSIVE ATTACK, PORTISHEAD etc, avec leur trip-hop. Alors que pourtant, l'idée de fusion de nombreux styles, toujours avec un emballage électronique, était déjà bien là et en rupture avec l'esprit 80's dont, pour le côté grand public, elle garde plutôt le groove, l'effet dance. Sur un versant plus 'indé', il y a la dream-pop (un nom de label comme Heavenly, ça ne s'invente pas). Et puis SAINT ETIENNE, ce sont deux DJs mâles certes, mais désormais, en non pas troisième mais première présence, c'est aussi une chanteuse !

La première chanson du premier album est un 'morceau fait de morceaux', plus exactement des samples avec des voix françaises, les seules que vous entendrez. Une succession de jingles radios, dont un qui introduit le journaliste sportif Jacques Vendroux, bien connu à l'époque et très justement grand supporter de cette chère AS Saint-Etienne/ASSE/équipe des Verts au fort prestige passé. Et même si ce n'est encore une fois pas pour la ville elle-même (14ème du classement des plus peuplées en France), une impression aussi brève que forte se crée en entendant la dernière phrase mêler 'le stade de Saint-Ouen et celui de Saint-Etienne', car là par contre, il ne s'agit plus vraiment de foot, de facto ce sont deux communes au rapprochement aléatoire pour le commun des mortels. Mais dans ces quelques mots subsiste un vécu (très) personnel, un hasard terriblement poignant. La destinée parfois, joue bien des tours ; après le nom du groupe lui-même et pour la ville, cette fois, 'Sainté' souvent approchée, cela conforte le chroniqueur non habitué à l'électro pendant longtemps à poursuivre sa (re)découverte.

Il est clair que dès 1991, malgré les vociférations de NIRVANA ou l'émergence du rap pour de bon, cela foisonne de purs produits aux aussi de la décennie comme les STONE ROSES, les groupes trip-hop, le mouvement 'baggy' et donc SAINT ETIENNE, que l'on considère ainsi en regardant a posteriori même s'ils ont bel et bien continué leur activité. Et de la même façon, difficile de ne pas tomber sous le charme de pareille ambiance, quand elle est bien faite – surtout quand elle n'est pas monotone -, de pareille chanteuse. Foxbase Alpha, c'est d'ailleurs plutôt 'chanteuses' qu'il faut sous entendre, car il y a eu quelques changements entre début 1990 et 1991. Wiggs et Stanley s'étant d'abord employés à une reprise de Neil YOUNG, "Only Love Can Break Your Heart" (sur son troisième album, After the Gold Rush, 1970), une première vocaliste avait pris les rênes et Moira Lambert s'en sortait plutôt bien. Cette chanson aux accords majeurs devenus ici mineurs pour une tournure complainte totale donne un bel aperçu de l'esprit volontaire du groupe : faire danser mais avec un feeling de fin du monde.

Et encore, danser, oui mais intelligemment et sans être aussi lourd que la vraie dance. Si Moira Lambert, de passage mais déjà auréolée de premières parties de concerts pour des grands noms (LUSH, SLOWDIVE pour la shoegaze, Heather NOVA aussi), poursuivra sa carrière de son côté, c'est bien finalement Sarah Cracknell qui décroche le poste numéro 1 et durable dans SAINT ETIENNE. Blonde séduisante, elle est la fille de Derek Cracknell qui a été premier assistant réalisateur pour Stanley Kubrick, ce dernier ayant failli l'utiliser elle, alors bébé, pour un plan dans 2001, l'Odyssée de l'Espace (1968), avant de préférer une poupée. Miss Cracknell possède un grain de voix tels que les Anglais en veulent quand ils ont une nostalgie pop française des années 60, et parfois, elle rappelle aussi Sharleen Spiteri du groupe TEXAS. En tout cas, elle donne tout ce qu'il faut pour cette musique, notamment sur "Nothing Can Stop Us", autre single qui propulse SAINT ETIENNE tout comme la reprise de Neil YOUNG. Un superbe travail à base de groove, basse et guitare en avant, de mélodie entraînante en douceur, de samples de cuivres et flûte jazzy adéquats...

Selon les morceaux, nos deux DJs se rappellent donc plutôt au bon souvenir rétro ou alors à leurs idoles des années 80, comme OMD et les PET SHOP BOYS, à travers une forme de répétition électro plus ou moins minimaliste... et rébarbative. Bien que considéré comme pionnier de la musique 90's, Foxbase Alpha n'est pas exempt de défauts, à commencer par sa durée (58 minutes), ce choix d'ajouter des interludes faits de samples médiocres ("Wilson"), de trop allonger certains titres ("Stoned to Say the List"). Les fumeurs de joints ou les preneurs d'ecstasy n'y trouveront peut-être rien à redire, mais tout de même, musicalement, c'est parfois un peu redondant. Ne soyons pas trop sévères car à côté de cela, dans ce déferlement de rythmes à la boîte Roland TR-909 (signe du changement de décennie là encore, par rapport à la vieille 808), il y a de vrais instruments parfaitement employés, des soli de piano fins et réussis même. On trouve quantité de bons moments, à commencer par ceux avec Sarah Cracknell.

"Carnt Sleep" et son petit reggae, joliment feutré avec ses cordes-synthé, "Spring" au refrain léger comme une brise où la chanteuse alterne entre lead, talk-over/rap sucré au départ et choeurs savoureux, les funk/dance torrides et planants de "Girl VII" (exotique, globetrotter) et "She's the One"... Autant de sacrés bons éléments. Très 'heartland' mais version capitale de marque, "London Belongs to Me" pouvait difficilement être un ratage, du coup quelle superbe amenant un peu de soleil dans le fog et le crachin local, quelle majesté tribale et dreamy à souhait ! Notons également la relecture Motown moderne et épique de "People Get Real", la courte berceuse finale "Dilworth's Theme"... Et si le début de "Like the Swallow" se révèle longuet, ce n'est que pour faire mieux ressurgir la beauté éclatante de Cracknell sur une sorte de groove martial, ponctué de cloches tubulaire ; du grand art ! Détail cinématographique enfin, pour la boucle : foin de Kubrick, mais des samples de dialogues prélevés à divers films, tel le sombre House of Games/Engrenages de 1987 pour "Etienne Gonna Die". Toute une histoire donc, qui prend racine là, toute une décennie de nouveau métissage libre et fièrement annoncé !

Note réelle : 3,5

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   MARCO STIVELL

 
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- Sarah Cracknell, Moira Lambert (chant)
- Bob Stanley (synthétiseurs, tambourin)
- Pete Wiggs (synthétiseurs, emax, bongos)
- Ian Catt (guitares, programmation claviers)
- Harvey Williams (basse)
- Pete Heller (programmations additionnelles)


1. This Is Radio Etienne
2. Only Love Can Break Your Heart
3. Wilson
4. Carnt Sleep
5. Girl Vii
6. Spring
7. She's The One
8. People Get Real
9. Stoned To Say The List
10. Nothing Can Stop Us
11. Etienne Gonna Die
12. London Belongs To Me
13. Kiss And Make Up
14. Like The Swallow
15. Dilworth's Theme



             



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