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Jean-patrick CAPDEVIELLE - Les Enfants Des Tenebres Et Les Anges De La Rue (1979)
Par MARCO STIVELL le 3 Février 2025          Consultée 566 fois

Sur la grande scène rock française hors du punk et de la variété qui s'articule durant la fin d'années 70 et au début des années 80, quelques grands noms d'artistes solistes circulent et nous restent en tête : Bill DERAIME, Alain BASHUNG, Gérard BLANCHARD, et bien sûr Jean-Patrick CAPDEVIELLE. Un bonhomme étonnant, né à Levallois-Perret, qui a exercé le métier de journaliste (Actuel, Salut les Copains etc.) et travaillé dans le milieu musical comme agent, avant de se rapprocher de ses goûts personnels justement. Au début de sa vingtaine d'années, après avoir arpenté les Etats-Unis, il se fixe à Londres, capitale anglaise qui bouge énormément en cette fin d'années 60. Au fil des années et des concerts vus, il a la confirmation que le rock anglais est plus riche que l'américain (scène new-yorkaise mise à part) et il s'en imprègne grandement. Les années 70 le voient ensuite plutôt sous le soleil d'Ibiza, avec un pinceau à la main.

C'est en 1977-78 finalement, avec l'occasion d'enregistrer un peu de guitare sur l'album d'un ami, qu'on lui demande s'il écrit des chansons, ce qui n'est pas encore le cas, mais il décide de s'y mettre. Tout s'accélère quand il repart en Angleterre, ayant décroché un contrat avec CBS/Columbia, et enregistre dans le comté de Cournouailles aux prestigieux Sawmill studios ses chansons toutes fraîches donc avec une bande de musiciens locaux. Son premier album s'intitule Les Enfants des Ténèbres et les Anges de la Rue. Ce drôle de titre assez bavard décrit bien les préoccupations et la personnalité créative de CAPDEVIELLE. Le bitume et le comptoir de bar, les paumés et leurs brisures au sein d'une grande ville écrasante, le désir de s'évader, les éventuelles retombées, tout cela fait partie de sa palette d'auteur, à laquelle se greffe aussi souvent le parfum enivrant et déboussolant de la femme fatale.

Notre sieur Jean-Patrick dit ne pas aimer les productions trop propres, et dès ce premier album, il arrive à marier l'intelligence d'un son clinquant avec une foisonnance musicale dirigée par sa voix qui garde toujours un caractère de loubard, un peu 'sale', inexact, railleur mais organique.
"Au-Dessus des Rues" débute avec des guitares acoustiques pures, de l'écho et une réverbération qui ne quitte plus cette réalisation de 1979, pour se terminer avec un saxophone rageur venu créer la surprise. Entre les deux, sur une musique folk-rock avenante et fouillée, depuis ses bourdonnements de guitare jusqu'aux cloches tubulaires, CAPDEVIELLE a déjà imposé son univers en planant sur un univers folk-rock, décrit un parcours de fille lambda perdue dans l'enfer de son quotidien, les relations sans lendemain.

Il a la force du conteur désabusé mais cherchant toujours la lumière, du bad-boy aux airs de grand-frère qui s'adresse à nous avec sincérité, quitte à nous perdre dans les méandres de ses pensées. Sur "Quarante-Trois Souvenirs", il décrit les expériences creuses ou malheureuses de la vie et tente de se raccrocher viscéralement à quelques-unes bonnes avant ce qu'il appelle la 'nuit' (donc la mort). Basse en avant, entre des choeurs kitsch et des boucles de synthé, les musiciens alternent d'un couplet-refrain à l'autre entre faux tango-rock et disco-folk. "Tout au Bout de la Ville", avec sa contemplation urbaine bien sombre (des tas d'étoiles se traînent par terre, dehors la centrale crache la déveine), son refrain désespéré et ses envolées de sax comme de guitares vrombissantes, achève de nous convaincre que CBS a eu le nez fin avec cet artiste aussi bourlingueur que parisien.

Même si la musique a plus une couleur sudiste voire californienne ('made in west coast' de l'Angleterre), la sortie de l'album en 79 suit fort à-propos d'une année celle d'un certain Darkness on the Edge of Town, brillant album folk-rock de Bruce SPRINGSTEEN, poulain de John Hammond, patron de Columbia. Ici, il y a juste un peu plus de synthétiseurs, sinon des guitares et du sax rageurs pour des mélodies sucrées et une verve toute dylanienne au chant voire à l'harmonica. Même si mister Jean-Patrick connaît à fond la scène rock et a vu tous les grands, la comparaison avec le Boss n'est pas non plus incongrue pour le caractère ouvrier et blouson noir ; RENAUD en fera bien sa part lui-même, autant que de CAPDEVIELLE, les citant tous les deux en chanson.

Les ballades sont aussi bien exécutées, en particulier "Les Bruits de la Nuit" où le chanteur se laisse vraiment aller à son inspiration (Einstein avec son fusil à lunette monté sur le toit pour nettoyer la planète !) et termine l'album avec une sacrée chute (j'pourrais vous dire deux-trois choses sur les hommes qui font l'histoire, mais j'préfère finir ma nuit avec la fille du bar !). "Salomé" et "Elle Est Comme Personne" offre elle la contemplation des créatures de l'autre sexe qui peuvent si bien hanter l'esprit masculin en permanence, même après deux-trois nuits communes seulement.

Et puis, ce premier album contient le tube de CAPDEVIELLE, celui qui le laisse ancré dans l'esprit des gens, mieux qu'aucune autre chanson. "Quand T'es Dans le Désert", c'est la deuxième chanson de la deuxième face du 33-tours, située après "Tout au Bout de la Ville", dont elle est également la face B sur le single 45-tours correpondant. Eh oui, une face B pour morceau le plus populaire ! À part Michel DELPECH et son "Pour un Flirt", il n'y en a pas eu beaucoup des comme ça, mais il est vrai que ce rock très américain sentant bon les highways et prairies bordés de cactus demeure irrésistible.

Son refrain est efficace en diable, comme sa guitare country roulante, son piano conducteur, son sax absent pour une fois tiens, mais avec un choeur ajouté à la fin pour rendre le tout plus épique. Le désert est cependant bien moral, rattaché aux thématiques préférées du chanteur qui mêle habilement road-movie et combat social. Avec quelques tâcles aux politiciens de l'époque : le président Valéry Giscard d'Estaing (réputé accordéonniste), le premier ministre Raymond Barre (alias gros clown sinistre), le futur tourne-casaque François Mitterrand. Bref, un des meilleurs albums de rock français, reconnu comme tel et prouesse pour un premier jet, mais avec un seul titre, CAPDEVIELLE s'est constitué un mythe populaire, et le reste de sa carrière va quelque peu hélas en pâtir.

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   MARCO STIVELL

 
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- Jean-patrick Capdevielle (chant, guitares)
- Alan Hodge, Michel Ettori (guitares)
- Thierry Matioszek (guitares, choeurs)
- Dave Quinn, Didier Batard (basse)
- Alan Eden (batterie)
- Steve Swindells (claviers, glockenspiel, cloches tubulaires)
- John Woollams (saxophone ténor)
- Gerry Gill (harmonica)


1. Au-dessus Des Rues
2. Coups D'semonce
3. Quarante Trois Souvenirs
4. Elle Est Comme Personne
5. Tout Au Bout De La Ville
6. Quand T'es Dans Le Désert
7. Salomé
8. Faudra Bien Que Le Démon Sorte
9. Les Bruits De La Nuit



             



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