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BAROQUE-FOLK  |  B.O FILM/SERIE

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B.O FILMS/SERIES

1990 Cyrano De Bergerac

JEAN-CLAUDE PETIT - Cyrano De Bergerac (1990)
Par MARCO STIVELL le 2 Mai 2025          Consultée 124 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Morbleu, voici un cas d'école ; convenez-en, drôles ! Nul d'entre nous ne peut rester de grès face au cinquième long-métrage de Jean-Paul Rappeneau, à plus forte raison car, vaillant et inspiré, il s'attaque à un très gros morceau. Auparavant, La Vie de Château, Les Mariés de l'An Deux, Le Sauvage et Tout Feu Tout Flamme : chacun reçut ses éloges voire ses deux millions d'âmes, mais en l'an 1990, le double en France seule, quand le monde en vit émus bien dix, fit grand tapage pour Cyrano. Déjà un beau pourcentage qui loue le talent du bourguignon, et dame, pas moins de dix Césars sur treize nominations ! Voilà qui semble trop d'apanage, mais par Dieu, c'est un art qui ne souffre comparaison. Et Gérard Depardieu, s'il n'est point sage, d'aucunes – mais à vous de voir ! - pourraient lui devoir son sens du verbe et de l'action.

(Pragmatique : ) Pour le verbe, certes, il y a Jean-Claude Carrière, allié principal du réalisateur, et qui lui-même, en tant qu'auteur, trouve matière à superbe. (Puriste : ) Tout de même, Rostand reste intouchable, et tant de coupes ici faites, c'est lamentable ! (Féministe : ) Aux restraits, Depardieu, ce parvenu, et qu'on lui *oups* le candélabre  ! (Admirative : ) Permettez... Il en met plein les yeux et Anne Brochet en Roxane, toute aussi admirable... (Républicain : ) Fichtre, quelle déconvenue ! Ce sont encore ces gasconneries... À croire que Dumas n'a point suffi et qu'on ne l'a guère assez porté aux nues ! (Sceptique : ) Carrière a voix au chapitre, mais Rostand convient si bien aux planches.
(Connaisseur : ) Cette fois, pas de Montand et la verve franche, même en bois, n'a d'égale que la beauté des épîtres. (Globe-trotteur : ) C'est Gand ! C'est Long Branch ! C'est Hanoi ! Que dis-je, c'est Hanoi ? C'est la baie de Pointe-à-Pitre ! (Smartphonique : ) Ça commence quand ? Pas assez d'images à la seconde, quelle tâche ! (Journaliste : ) Notez que, pour un galant, le dernier mot sorti en quittant ce monde est 'panache'. (Naïf : ) Ce monument a-t-il été tourné à Bergerac ? (Méticuleux : ) Sémillant Jacques Weber qui, sur tant de scènes, a joué ce sacré coquin et, ironie du sort, il campe ici l'opposant De Guiche ! (Complotiste : ) D'ailleurs, ce nez levantin, et Cyrano, n'est-ce pas un acrostiche ?? (Gourmand : ) Il est question de pâtés un instant, mais où sont donc les quiches ? (Instagrameuse : ) Zéro inclusion, zéro amour gay, trop patriarcant. N'achetez pas, même sur Wish !

(Chevaleresque : ) Révisionnisme à tous les étages, censure et réforme dans le plus émouvant pastiche ? Non, merci. Une réalisation épileptique en gage ; des personnages lissés, maintenus sous chloroforme ? Non, merci. Des miches, de la vulgarité, de l'érotique même léger au prix des sentiments tout sauf 'de forme', selon un Edmond Rostand parmi les mages ? Non, merci. Mais revoir Cyrano de Bergerac par ce tout aussi grand mestre Rappeneau, rêver, rire, accompagné ou seul, vivre à nouveau ces deux heures douze fantastiques, avec l'oeil qui regarde bien et le coeur équestre, monter le son bien haut peut-être même aux heures les plus veules et que personne ne dorme...
(Descriptif-non-neutre : ) Avant Gérard et depuis 1897, loin de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière en termes de création, il y eut Coquelin, Sarah Bernhardt, puis d'autres et d'autres encore parmi lesquels Jacques Weber donc, et aussi Jean Piat. Possibilité rare est ainsi de faire un parallèle avec une autre oeuvre littéraire de grande importance : Les Rois Maudits de Maurice Druon, saga romancée des années 1950 adaptée à l'écran (le petit) deux décennies plus tard, et bien qu'avec un goût de planche(s), sans un seul faux pas. Quand Rappeneau s'empare de Cyrano, on voit du théâtre au début, mais par l'entremise de Depardieu et sa fameuse 'tirade du nez', la pièce quitte vite la scène et s'étend à tout, au décor de ville, Paris et même la tour de Nesle (qui a bien inspiré Dumas comme Druon, eux aussi mousquetaires de la plume), aux bosquets champêtres de Gascogne et caetera. De l'or en barres, avec aussi la si émouvante séquence finale et la fameuse scène 'Romeo et Juliette' du balcon, au beau milieu, coeur de tout cela.

(Musicien : ) Et puis, ciboire, la musique, de nos attentes, se situe fort au-delà ! Elle est marque d'un grand, un autre, pourtant appelé Jean-Claude PETIT ; alors et comme il se doit, saluez-le, nom de d'là ! Car après avoir illuminé les éléments discographiques de nombreux chantres venus de France et de Navarre (dont SHEILA, Claude FRANÇOIS, Sylvie VARTAN, Alain SOUCHON), le voilà passé mestre arrangeur du septième art depuis son expérience concluante pour Tusk de Jodorowsky. Durant les années 80, il y eut, excusez du peu, Jean de Florette et Manon des Sources par Claude Berri (et avec Yves Montand !) en 1986, et en 89, Le Retour des Mousquetaires de Richard Lester, dernier volet tardif qui au bout de quinze ans, termine enfin une splendide trilogie. Pour le héros bretteur à son tour et au nez aquilin, le travail du chef d'orchestre se rapproche, mieux que jamais, de la féérie.

Si l'ensemble de la musique n'atteint point l'heure, tout n'est que morceaux courts et d'une justesse inouïe. Le thème introducteur, "Cyrano", annonce le trois temps façonneur de la B.O. Il y a notamment cet élan baroque et chevaucheur des cordes soutenues de cuivres, mais aussi, naturellement, cette trompette espagnole lente et nostalgique, élégante. Tout à l'image du mousquetaire empanaché, turbulent et poète de malheur, qui vit son amour par procuration pour Roxane, sa cousine, grâce à Christian. Pauvres coeurs qui s'entrechoquent, au prix du bonheur... Comment ignorer cette "Déclaration de Cyrano" sous un balcon, plein d'ardeur ? Marche sombre aux clarinettes basses, violoncelle porteur ; et ce crescendo de cordes, stoppé par l'orage et le vent, annonçant la couleur !

Si le travail de PETIT paraît moins remarquable sur des chorales liturgiques masculines ou féminines (le début du "Mariage", "La Messe des Espagnols", "Le Choeur des Nonnes" et sa très belle note pédale sur laquelle l'autre section évolue), ou encore sur des thèmes traditionnels profanes mais réjouissants ("Les Lustres", folk médiévaliste dans l'entrée du théâtre, ou le luth guilleret à "La Porte de Nesle"), il convient de ne pas le sous-estimer. Un simple orgue, et tout comme l'enfant de "La Lanterne Magique", suffit à nous captiver. Quant au "Fifre" qui s'élève parmi les rangs de cadets gascons affamés, comment dire ? Il sait nous émouvoir aux larmes, point n'en doutez !

"Commencez, commencez !" crie-t-on au théâtre dans la foule hétéroclite réunissant nobles et bas-peuple, mais nul n'entendra rien ou presque de La Clorise de l'infortuné Balthazar Baro. L'hôtel de Bourgogne, lieu qui ne va pas sans dire pour Rappeneau, est ainsi perturbé selon la volonté de Cyrano et qui triomphe ensuite le temps d'une leçon d'escrime mêlant verbe et rapière, parmi ce que l'insolence française offre de plus beau. Les cordes elles-mêmes, pour achever le 'sot', puisent dans le second thème principal et surjouent la provocation avec brio. D'aucuns diront que "La Porte de Nesle" se sert chez Danny ELFMAN et Batman par trop, à l'orchestre et un an d'intervalle qui plus est. Qui donc, toutefois, irait reprocher à lui-même de s'être servi de la glorieuse 'sixte napolitaine' (accord II bémol de la tonalité et renversé suivi du V et du I, petite trouvaille ingénieuse), tout comme SCARLATTI (fin XVIIème siècle, plein baroque) ou encore Mark Knopfler ("Private Investigations" de DIRE STRAITS, emblème du meilleur et pas toujours si 'solide' rock) l'ont fait ?

Une autre sixte majeure, non pas en harmonie/accords mais en mélodie cette fois, se dessine, toute galanterie dehors, au début de "Roxane" par des cordes doucereuses. La finesse, c'est également ce clavecin posé en pluie, ces vents (flûtes, hautbois) troublants ; et, face au jardin, les instruments qui se succèdent tels des pensées courtes, tout ce que Cyrano ne peut dire à sa cousine en paroles audacieuses. Aussitôt après, comme en réponse, sa tirade du "non, merci" à l'hôtel des mousquetaires, offre des chutes au clavecin et une reprise du thème principal au violoncelle, verve musicale prosaïque en belle incarnation de la fierté face aux puissants et au paraître, d'une rébellion fiévreuse. Et derrière encore, ces aventures secondaires bien d'époque et délicieuses, "La Visite du Comte", "Le Dément" (qui tombe pendant le quart d'heure de préparation du mariage accéléré entre Roxane et Christian), "L'Arrivée de Roxane" dramatique au milieu des coups de mousquets, "Les Lettres" (au clavecin électronique cette fois), "Les Précieuses"...

C'est déjà beaucoup dire et, diable, le temps avance trop vite ; vite, vite il nous faut conclure ! "La Mort de Christian", pauvre faire-valoir mais héroïque et dignement joué par Vincent Perez, se fait dans les bras de Roxane, sans autre luxure. À l'approche du rideau en cascade, les grandes romances orchestrales se multiplient ; les années aussi, et après une telle ellipse, "L'Aveu" de Cyrano, blessé grièvement lui-même, n'en est que plus dur. La clarinette est lasse, affectée, le couple violon-violoncelle nous emporte et, suivant le spectre de la mort, les dernières mélodies sensibles forment un sommet pour chaque instrument, harpe ou cor anglais, trompette bien sûr. Le héros et amoureux démasqué avance seul en plein air, ploie enfin sous la douleur certes mais sous les yeux de Roxane et de ses amis, sans pouvoir imaginer meilleure sépulture. Ne reste que le vent, dans le noir, et un générique restaurant la gloire pour la plus appréciables des fermetures. Quelle histoire, quelle orfèvrerie dans pareille peinture !

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   MARCO STIVELL

 
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- Jean-claude Petit (arrangements, orchestrations)


1. Cyrano
2. Les Lustres
3. La Lanterne Magique
4. Le Duel
5. La Porte De Nesle
6. Roxane
7. Non, Merci
8. Les Lettres
9. La Visite Du Comte
10. Le Mariage
11. Le Luth
12. Les Précieuses
13. La Déclaration De Cyrano
14. Le Dément
15. Le Fifre
16. L'arrivée De Roxane
17. La Messe Des Espagnols
18. La Mort De Christian
19. Le Chant Des Nonnes
20. L'aveu
21. La Mort De Cyrano
22. Générique De Fin



             



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