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DOPPLEREFFEKT - Linear Accelerator (2003)
Par SASKATCHEWAN le 8 Juillet 2010          Consultée 1738 fois

Parfois, je m’interroge sérieusement sur ma capacité à n’écrire ne serait-ce que quelques lignes sur une œuvre « sérieuse ». Même dans l’évocation du siège de Leningrad, mon esprit divague sournoisement vers mes lubies récurrentes : les orangs-outans, les toucans, les ornithorynques, la propagande soviétique, l’argent, et Léon Tolstoï. Tout cela est évidemment plus ou moins lié. Là où le bât blesse, c’est que pour que chroniquer un album comme Linear Accelerator, il faut avoir la prose gorgée de noirceur, une plume qui trace l’oppression à l’encre indélibile. Moi, je n’ai que de l’encre débile. Tants pis, parlons des orangs-outans !

La bête se roule dans son gros tas de feuilles tropicales, sous l’œil amusé du toucan. Le toucan est à l’origine de tous les cultes divins à travers le monde. On imagine sans peine le premier homme s’aventurer dans la forêt et tomber nez à nez avec un toucan. Instant d’éternité. L’Homme avec un grand H prend soudain conscience de sa culpabilité avec un petit cul. Le regard de l’oiseau se fige sur le pubis de l’étrange animal nu en contrebas. Ayé, l’Homme a honte de l’horrible chose qui lui traîne entre les cuisses, et c’est parti pour des siècles de pudeur. Heureusement qu’une feuille de vigne trainait par-là : l’Homme n’est plus nu, mais il est alcoolique, pour oublier. Tout ça à cause d’un foutu toucan au regard torve qui traîne son plumage multicolore dans tous les coins de la jungle, histoire de filer le grand frisson à toutes les créatures innocentes. Le serpent et Eve n’y sont pour rien; le toucan a tout fait…

Que se passe-t-il dans la tête d’un toucan ? DOPPLEREFFEKT tente de répondre à cette question métaphysique sur Linear Accelerator. Âmes sensibles s’abstenir, fumer tue, mangez trois fruits et légumes par jour, et tout, et tout… L’âme du toucan est un vaste foutoir sombre et glougloutant où s’écoule toute la bile d’un oiseau qui se repaît des tourments de l’humanité (excessif moi ? relisez donc Germinal). « Niobium Resonators » est cette âme. Le grésillement incessant d’on ne sait quelle machine infernale est ponctué de stridences d’origines tout aussi inconnues. L’auditeur suffocant inhale les vapeurs méphitiques de l’âme du toucan, tandis que les hululements synthétiques d’un hibou de cauchemar viennent vous dégoûter à jamais des promenades en forêt. Le DOPPLEREFFEKT de 2003 c’est ça : adieu gentille techno pour esprit bondissant, bonjour électronique torturée à rendre fou le plus flegmatique des quincaillers.

« Graviton » c’est : crrrrrrrrrrr brrrr blop bip shkkkkkrrrrrrrrrrrrrrr nIIIIIIaoooooWWWwww crrrrrrrr bzzzzzz cccrrrrrrrr tikn gr trak grrrrrr fzzzzzzzzzzzzz. Tant pis pour ceux qui ne parlent pas gallois.

ET BAM ! Surprise ! « Myon-Neutrino » déboule, ambiance « KRAFTWERK en concert sur la Lune ». Et puis il y a cette chose étrange, dont on a presque oublié le nom, oui, une médi… une lomé… une mélodie ! Sans doute le meilleur titre des années soixante-dix qu’on ait sorti dans les années 2000. L’ambient se radicalise sur « Higgs-Mechanism », avant de laisser la place à quelques boucles synthétiques nonchalantes, qui auront tôt fait de renvoyer tout honnête gentilhomme amateur de techno à ses premiers amours : Gesamtkunstwerk. Douce influence…

Et VLAM ! Surprise ! « Z-Boson » déboule, ambiance « Mon Dieu ! Les extraterrestres arrivent; ce serait dommage de rater une occasion de se passer le générique de L’Exorciste ! ». Sans doute le pire titre des années soixante-dix qu’on ait sorti dans les années 2000. L’horreur n’en est encore qu’à ses balbutiements. « Photo Injector » arrive. « Photo Injector », c’est prendre un transat, se caler sur sa terrasse, et regarder un ventilateur poussif tourner pendant vingt minutes. Pas le droit de bouger, de compter les brins d’herbes ou d’agiter les orteils : rien ne doit vous faire émerger de votre torpeur contemplative. Belle recherche sonore, dommage qu’elle provoque un syndrome catatonique chez la plupart des auditeurs.

Rendons justice à DOPPLEREFFEKT : malgré les bâtons qu’il s’est mis dans les roues dès le départ, Linear Accelerator a plutôt fière allure. La démarche est bancale : offrir une description musicale de concepts scientifiques. Comme si ces concepts pouvaient être mis en musique, comme si la musique pouvait vraiment décrire. En dépit de la longueur des morceaux, Linear Accelerator reste étrangement fascinant, comme ce toucan obsédant et multicolore, qui, posé sur sa branche, nargue le règne animal. « Photo Injector » et « Z-Boson » gâchent malheureusement la fête; le soleil avec un sourire se transforme en soleil avec nuages.

D’ailleurs, FP devrait adopter la notation suivante :
5 : Soleil avec lunette de soleil
4 : Soleil avec sourire
3 : Soleil avec nuages
2 : Nuage
1 : Nuage de cendre volcanique avec avion qui tombe.

Le sérieux et la rigueur avant tout…

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1. Photo Injector
2. Niobium Resonators
3. Graviton
4. Myon-neutrino
5. Z-boson
6. Higgs-mechanism



             



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