Nous voici en présence de l'Avel Vor de KERIS, groupe né des cendres de YS. Le grand René WERNEER n'est plus de la partie, et Pascal STIVE essaie de reprendre le flambeau, peut-être pas comme leader mais en tant que maître compositeur et arrangeur. Avec d'autres musiciens de la trempe de Michel SANTANGELI, Jacky THOMAS (pour rappel des anciens musiciens d'Alan STIVELL tout comme Pascal et René) et Pierre CHERÈZE, il ne lui aura pas fallu longtemps pour faire naître cette oeuvre qui sera hélas une sorte de testament. On pourra même dire que tout s'est passé trop vite...

L'album s'ouvre avec "Avel Vor (le vent de la mer)", une composition de Pascal où la part belle est faite aux guitares électriques en harmonie mais aussi, et c'est la spécificité de l'album par rapport au Madame la Frontière de YS, aux cornemuses et bombardes de Patrick MOLARD, le tout bien soutenu par la rythmique, comme au bon vieux temps. Le titre sonne très celtique, on voit qu'ils n'ont pas perdu la main à ce niveau-là. C'est la cornemuse irlandaise qui ouvre "La Fille de l'Aberdom", autre composition de Pascal pour un texte de Jean-Pierre LANG. Chanson sympathique à propos d'un amour insatisfait, avec pour seul point négatif, et malgré sa jolie voix, les notes "piquées" (très brèves si vous préférez) de Pascal au chant. Sur le même mid-tempo, "Le Voyage", toujours de Pascal, est une succession de thèmes tous aussi beaux les uns que les autres, avec des claviers très en avant, mais aussi des parties presque planantes mettant l'accent sur la guitare puis la basse. Le thème principal revient ensuite, et l'on se dit face à tout cela que tous sont vraiment d'excellents musiciens. "Comme la Vérité" est un duo entre Pierre CHERÈZE - sans doute la voix la moins jolie parmi les quatre musiciens - qui l'a composé, et Pascal. Il présente une rythmique massive mais lente, et un bel arpège de guitare acoustique tandis que l'électrique lance de grands accords distordus. Sur "Looking Through the Past", un traditionnel arrangé par... Pascal (!), le clavecin joue à la manière d'une harpe celtique, survolé par la flûte irlandaise de Patrick MOLARD, puis rejoint par un petit ensemble de (faux ?) violons. On termine cette première face avec "Keris", un arrangement d'un traditionnel mais réalisé par Jacky cette fois. Il chante vraiment très bien, les couplets sont joliment garnis d'ambiances planantes et folk, tandis qu'entre eux s'insèrent des passages plus rock avec un synthé-trompette. Tout cela forme un bel ensemble, mais le meilleur réside dans la partie finale, un développement instrumental très nostalgique et dense avec la guitare de Pierre au zénith...

La seconde face commence de manière énergique avec ce thème instrumental baptisé "Les Korrigans" (nains des légendes bretonnes), où le synthé est fortement mis en valeur et la guitare joue de manière rapide. Le tempo ralentit ensuite pour réaccélérer de plus belle après une courte séquence musicale, puis arrive "Notre Amour Est Une Légende", chanson de Pascal STIVE très mélodique joliment interprétée par Serge DERRIEN. Le duo claviers-flûte est magique, finalement interrompu par le final de la suite, composé par Pierre (alors que le début était de Pascal), assez bref et pas réellement suffisant pour être totalement convaincant. "Ca Doit Être un Etranger", sur une rythmique rock endiablée est un nouveau duo entre Pierre et Pascal. On pourrait penser que l'on est là plus du côté de la variété que du rock celtique, les bombardes mises de côté. La cornemuse écossaise ouvre joliment "Petite Fille Dorée", chanson de Michel cette fois, avec Pascal - décidément, il est partout ! - et interprétée par lui-même, tout aussi bien que le "Dentu Ganeme" de Madame la Frontière. La rythmique est encore une fois au top, mais l'instrument dominant reste la cornemuse. Le titre, bien que rock, est assez enchanteur, et la retombée sur la partie chantée est excellente. La fin avec la cornemuse rappelle le type de morceaux sur lesquels Patrick jouera sur les premiers albums de... Dan AR BRAZ ! Autre composition de Pascal - once more -, chantée avec ses collègues, "Dis-Lui Que Je l'Aime" est un autre joli titre mi-ballade mi-rock, même si les parties "criées" ne sont pas du meilleur effet. D'autre part, c'est agréable d'entendre un peu de guitare douze cordes. Le disque se termine avec "O'Keefe's Place", un reel irlandais avec cornemuse adéquate, un piano qui swingue et une rythmique forte, comme d'habitude, et même si c'est la dernière fois que l'on peut y assister...

"O'Keefe's Place" est un peu à l'image de l'album : de bonne facture, très chouette même, mais au final un peu frustrant malgré tout. Les qualités ne manquent pas, mais le sentiment n'est pas le même que pour l'album d'YS avec René WERNEER, peut-être à cause des arrangements, peut-être à cause de certaines chansons aussi... Ou peut-être tout simplement parce que Avel Vor est l'unique album de KERIS qui, bien qu'il s'agisse d'une déclinaison de YS, est la dernière expérience qui lie Pascal, Michel et Jacky (en n'oubliant pas Pierre et Patrick qui auront réalisé un superbe travail). Un peu frustrant donc, mais ce disque se révèle tout de même très intéressant, et avec des titres qui ne peuvent déplaire aux amateurs de rock folk celtique.

Note réelle : 3,5/5