Vous avez déjà regardé un petit enfant essayer d’avancer avec un vent de face extrêmement violent ? Il va se courber en avant, essayer de faire quelque pas, vaciller, puis tomber. Alors, deux possibilités. Se relever et retenter sa chance, sans plus de réussite, ou alors abandonner la partie, et faire demi-tour pour se mettre dans le sens du vent. C’est un peu la difficulté à laquelle Trees Dance a à faire. En effet, à la sortie de ce disque, en 1992, c’est le renouveau du mouvement punk/grunge qui prédomine dans nos contrées, et Trees Dance, petit trio français sorti d’on ne sait où, avec sa musique gothique, son imagerie de « doomeux » (photos des membres du groupe en noirs et blancs, les yeux perdus dans le vague, l’air absent), ses atmosphères dépressives et sombres, et ses textes qui ne respirent pas la joie de vivre, nage complètement à contre courant.

« Sweet Are The Clouds » n’est donc pas vraiment sorti au bon moment pour plaire au plus grand nombre. C’est bien dommage car la qualité musicale est bel est bien là. Trees Dance joue une musique ambiante, gothique, teinté par endroit d’influence rock (« Marble Eyes », qui semble sortir tout droit d’un « Unforgottable Fire » de U2, avec ses guitares claires, typique du jeu de The Edge). Comme beaucoup de formations dans ce genre de musique, ce sont les merveilles des nouvelles technologies (entendez par là une boîte à rythme) qui remplacent un batteur en chair et en os, mais elle est ici diablement bien utilisée et bénéficie d’un son propre, lavé de tout effet « technoïdes » dérangeants. Musicalement donc, ce « Sweet Are The Clouds » est irréprochable, même s’il ne se démarque pas de l’influence des leaders du genre tels que Rise And Fall Of A Decade, ou même Dead Can Dance par moment.

En fait, le principal défaut de l’album réside dans la répétition à outrance de la même recette. A savoir, mélodie principale au clavier ou à la guitare, nappes de synthé pour l’ambiance froide, triste et pour donner de la profondeur à la boîte à rythme, et chant féminin assez basique. Sur quelques morceaux, la mayonnaise prend, mais sur la majorité, ce n’est pas le cas, surtout vers la fin du disque où la lassitude atteint son apogée. Malgré sa très courte durée (39 minutes), il m’est en effet pratiquement impossible de l’écouter d’une traite. Finallement, le plus intéressant c’est encore la programmation : « The Sea « (morceau d’introduction à connotation très Fantastique, qui envoie sans arrêt des images plus somptueuses les unes que les autres), « Hill Village », « Volcano », « Marble Eyes », « Lofty Silence » et enfin « Humankind » (avec d’ailleurs l’apparition des membres de Rise And Fall Of A Decade, donnant tout de suite une nouvelle dimension au morceau).

« Sweet Are The Clouds », premier et unique enregistrement du groupe à ma connaissance, est donc un album correct mais pas très original (le petit enfant dont je vous parlais tout à l'heure a chuté, mais ne s'est malheureusement pas relevé). Néanmoins, ce disque saura plaire aux fans de Dead Can Dance, de Rise And Fall Of A Decade, et de musique gothique en général. Et puis l’objet en lui-même est vraiment réussi : les photos sont vraiment superbes, et le livret, sous forme de dépliant, contient les paroles détaillées de chaque morceau. Agréable !

2,5/5