Milieu des années 80 : Cheveux peroxydés, collants lycra moulants, Dan REED est alors le leader du Dan Reed Network. Une poignée d'albums à la frontière entre hard rock et funk rock verront le jour, puis le groupe américain finira par jeter l'éponge. 25 ans plus tard, on retrouve ce bon vieux Dan en quadragénaire assagi, artisan discret au service d'un pop rock délicat et intemporel.

Premier véritable album de l'artiste, qui fait suite à un EP paru en 2006, Coming Up for Air fait partie de ces albums gentillets qui auraient pu servir de bande-son à un film avec Hugh Grant ou Meg Ryan. La pop est simplette, mais parvient immanquablement à son but : faire, tendrement, frissonner l'auditeur. On imagine aisément Dan REED, désormais dégarni, composer et interpréter les 13 morceaux qui composent l'opus sur un des nombreux bancs de Central Park, le regard perdu au loin, et dans un ralenti tout cinématographique, s'émouvoir à la vision de deux amoureux épanouis en train d'échanger leur affection et leur salive sur le banc voisin. Pétri de bons sentiments, l'album n'en oublie pas pour autant d'offrir des compositions efficaces et travaillées. Dan REED ne se sert pas d'artifices pour procurer l'émotion, mais bien de son talent de compositeur accompli. « Coming up for Air », qui ouvre l'album, s'en fait l'avatar : une petite mélodie sautillante introduit une guitare acoustique virevoltante et la voix grave et parfaitement maîtrisée de Dan REED, qui module cette dernière de manière à faire monter l'émotion lorsque bon lui semble, comme sur ce refrain entraînant et persistant qui fait de ce morceau une parfaite entrée en matière. Comment ne pas s'imaginer, à l'écoute de ce titre délicieux, en train d'admirer la voie lactée, couché sur le toit d'un building new-yorkais ? Dan REED parvient à faire voyager l'auditeur en quelques notes, quelques mots, et si le voyage n'est pas bien exotique, il a le mérite de se faire riche en émotions.

Alternant titres pop-rock enjoués ou plus sérieux et ballades mélancoliques, l'album s'écoute d'une traite sans que l'on ne ressente ni plaisir béat, ni lassitude. Le bonhomme fait son job, et le fait bien, même s'il ne parvient pas à ressentir la transcendance recherchée par le musicien, qui fait pourtant de son mieux pour nous embarquer dans son univers, certes séduisant, mais loin d'être unique : le déjà-entendu « Brave New World » part rapidement aux oubliettes, tout comme l'horripilant « Feels Like Home », que l'on zappe à chaque écoute. En usant et abusant des canons d'un style ultra balisé, Dan REED ne fait que répéter des refrains pop rock entendus des dizaines de fois... Néanmoins, la résistance et la volonté de rechercher du neuf dans du vieux se laisse bien gentiment anéantir par le simple plaisir d'écouter les belles mélodies, mélancoliques et délicates, qui parsèment l'opus : « Closer » et son refrain lumineux font partie de ces petites sucreries que l'on s'autorise d'écouter avec un bonheur certain et un petit plaisir coupable. « L'esprit est ardent mais la chaire est faible », nous rappelle ce bon vieux St Mathieu alors que « Promised Land » et ses touches orientales résonne avec une efficacité certaine dans nos oreilles. Dan REED maîtrise son propos, c'est certain, et si le bonhomme ne nous offre pas ici l'album pop-rock du siècle, il en semble bien conscient, il nous offre une petite parenthèse agréable et délicate dans ce monde de brutes.

Constituant une bouffée d'air frais bienvenue alors que l'automne pointe le bout de ses feuilles, Coming Up for Air est un album fort agréable qui trouvera sa place chez les amateurs de pop-rock gentillet et efficace. Les autres n'y verront que mièvrerie et futilité.