Qu’est-ce qui résulte d’une association entre deux musiciens (plutôt) talentueux ? On est généralement tenté de dire un exploit, et bien souvent il n’en résulte en fait rien, une déception. Avec cet album éponyme, fruit du travail du chanteur de The Shins, et du producteur Danger Mouse (de son vrai nom Brian Burton), il faut dire que ce n’est ni l’un ni l’autre. Broken Bells (l’album ou le groupe, pour l’instant il n’y a de toute manière qu’un seul album) peut faire office de girouette : selon ce qu’on lui demande il répond différemment.

Broken Bells est un album de rock alternatif, ce qui est un gentil fourre-tout pour ranger ce qui est globalement du rock mais avec des influences punk, pop, électro, etc., etc., etc. C’est un album qui peut très bien vous plaire, et être écouté en boucle, sans pour autant être complètement racoleur. Le problème c’est sans doute la douceur de l’album qui s’accorde mal avec la volonté d’un album expérimental. La facilité de l’album est aussi sa faiblesse. Il se situe à mi-chemin entre un travail vraiment intéressant et évolutif et un album « pour rien » (par là j’entends un album agréable mais vite oublié). Trois étoiles me semblent une juste mesure entre le plaisir que l’on peut éprouver à l’écoute et l’intérêt musical de l’album et même du groupe qui me semble pour l’instant limité.

Cette facilité que j’évoquais plus haut n’entre pas véritablement en contradiction avec les paroles globalement sombres de l’album, ne serait-ce que sur le premier titre, et premier single de l’album, ‘The High Road’ avec tout ce qu’il faut pour faire un tube, du synthé, des guitares, des tendances électro, des chœurs... L’ensemble des titres s’emploie d’ailleurs à faire comme un tour d’horizon des tendances pop des vingt dernières années, pop psychédélique (sur ‘Your Head Is on Fire’), synthpop (sur ‘The Ghost Inside’), avec bien sûr la touche de Danger Mouse et donc des pointes d’électro ou des touches plus R&B (ici et là). Quelques titres sortent quand même du lot, soit qu’ils portent l’efficacité du duo à la perfection (‘The High Road’, ‘Trap Doors’) ou qu’ils explorent un spectre un peu plus large (les deux derniers titres ‘Mongrel Heart’ et ‘The Mall and Misery’ – la première pour son inspiration cinématographique, la seconde pour l’évolution de la chanson, d’une intro guitare acoustique à un final presque ambient en passant par un son presque dance-punk).

Le groupe va-t-il durer ? On sait en effet Danger Mouse adepte des projets uniques, mais un deuxième album de Gnarls Barkley est déjà sorti, et apparemment d’autres titres sont déjà prêts pour Broken Bells. La question est de savoir, pour quelqu’un qui veut laisser sa marque dans la musique, s’il ne faut pas aller un peu plus loin que cet ensemble charmant, mais tout de même plus mélodique qu’expérimental, au cas où les deux s’opposeraient.