AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Le grand challenge des B.O.F. est parsemé de pièges qu’il faut savoir éviter. Soit la musique passe totalement inaperçue, soit elle écrase nonchalamment les images, ou soit, au contraire, elle vient se greffer au film aussi habilement qu’un poisson pilote se collerait sur le flanc d’un requin. Mais ce n’est pas tout ! Hormis son rôle d’accompagnement, que peut offrir d’autre une musique de film ? Du « easy-listening » ? Un album complet qui se suffit à lui-même ? Ouais, je sais, débat existentiel.

Je suis fan des frères Coen. Leur manière de raconter les histoires est très subtile, blindée de sous-entendus, de sens cachés, d’éléments divers qui se font échos du début à la fin, et que dire de leur maîtrise du cadrage, de l’enchaînement des scènes et des plans, du savant dosage du silence, de la minutie accordée au jeu des acteurs et par-dessus tout aux dialogues ? Autant dire qu’il ne doit pas être aisé pour un compositeur de se faire une place là-dedans.

CARTER BURWELL a su éviter le premier piège : la caricature. Nous sommes dans un authentique western, et on peu facilement imaginer la tentation qu’aurait pu avoir le compositeur lambda à caser des guitares rappeuses, du banjo ou de l’harmonica dans tous les coins. Ici, pas de spaghettis, on nous sert notre boîte de corned beef dans une gamelle métallique avec en prime un regard méprisant et un rictus provocateur semblant nous souhaiter avec la courtoisie locale un « bon appétit ! » tout ce qu’il y a de plus sincère. Avec plaisir nous nous contenterons d’un traditionnel orchestre et d’un piano, très bon point.

Second piège évité : l’excessif. La musique de True Grit est son poisson pilote. Les images passent avant tout, mais savent s’appuyer sur la bande son pour puiser un maximum de chaque scène. Ah, cette ambiance poussiéreuse de la petite cité de l’Ouest, ses saloons, ses commerçants véreux et ses bandits à la dentition négligée ; Ou encore cette tension difficilement palpable régnant lors de rapports de force mentale où les colts dictent les règles de bienséance ; j’en passe.

Dernier piège enfin (il y en a encore beaucoup, mais j’étais parti pour écrire une chronique, pas une thèse) : la singularité. Quand la musique commence à détourner l’attention du film, c’est foutu. L’œuvre cinématographique doit plus tenir d’un équilibre étudié de toutes les disciplines qu’elle met à l’épreuve que de la louange d’une seule au détriment des autres. Dans True Grit, la musique offre juste ce qu’il faut pour apprécier l’univers montré à l’écran, l’équilibre est tout trouvé.

Oui, je suis en train de vanter Burwell de ne pas en avoir trop fait. Au sein du film, cette bande originale vaut au moins 4/5, mais écoutée seule, elle perdra tout son sens. Les capsules d’une durée oscillant entre 30 secondes et 3 minutes de disposant pas du développement nécessaire pour maintenir l’ensemble dans une cohérence autonome. Mais s’écoutent néanmoins avec beaucoup plaisir. Voilà ce que la B.O.F. de True Grit a à offrir.