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2011 Asfâr

Le TRIO JOUBRAN - Asfâr (2011)
Par MR. AMEFORGÉE le 23 Mai 2011          Consultée 2682 fois

Posons d’emblée les éléments dont nous avons besoin pour le décor : Le Trio Joubran, ce sont trois frères palestiniens, joueurs virtuoses d’oud, cet antique instrument à cordes oriental. AsFâr est le troisième album du groupe, si l’on excepte le live A l’Ombre des Mots et la première collaboration, Tamaas, qui est en réalité l’œuvre des deux frères aînés seuls. D’ailleurs, il est à noter que, si le nom, Trio Joubran, sert à désigner les trois frères, le groupe est en fait un quatuor, avec Youssef Hbeisch comme percussionniste. L’oudiste et jazzman Dhafer Youssef vient également ici contribuer sur deux morceaux, mais en sa qualité de vocaliste émérite.

Lorsqu’il est question de musique du monde, il arrive assez souvent que l’on s’enthousiasme pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec la musique. Parce que cela flatte peut-être des opinions écolo bien pensantes qui dorment en nous ou bien parce que cela nous donne un peu trop vite l’impression de nous élever spirituellement. Parce que cela nous rassure peut-être aussi moralement face à l’inquiétude de voir le racisme s’afficher avec de moins en moins de vergogne, que ce soit dans les bistrots, les médias ou les ministères. Cela nous rassure quant à notre propre résistance face aux automatismes de la pensée, si prompte à détester son prochain.

Le Trio Joubran n’évite pas tout à fait les clichés de la « musique du monde » en choisissant le titre AsFâr, qui signifie en arabe « le voyage » et qui possède conjointement une consonance anglophone, « aussi loin »... Mais le désir de voyager fait peut-être partie des plus courantes aspirations que l’on puisse partager avec autrui. L’évasion, la liberté, hors de prisons de béton ou de geôles aux barrières plus intangibles. J’admets volontiers qu’il existe des lieux communs plus détestables. Et pour autant qu’on puisse en juger comme d’un défaut, ce sera peut-être la seule concession de l’album aux lieux communs.

S’il est question de musique traditionnelle, AsFâr nous transporte d’emblée parce qu’il est en réalité d’une redoutable modernité. Pour ainsi dire, l’album possède autant le mordant et le sens de la mélodie qu’on attend du rock que le goût de l’impro et du dialogue instrumental qu’on apprécie dans le jazz. On retrouve également cette jubilation de la virtuosité, commune aux deux genres populaires. Les oudistes possèdent d’ailleurs la maturité suffisante pour ne pas tomber dans la démonstration gratuite, et si l’on songe par moments au trio McLaughlin, Di Meola et De Lucia, c’est sans l’aspect « course de vitesse supersonique et superinutile » que les guitaristes nous infligent parfois.

A cela se combine la beauté spécifique des instruments, dont le rendu sonore est d’excellente qualité. Il faut bien cela pour saisir toutes les nuances des ouds, entre lignes de basse, tresses d’arpèges scintillants et trames de notes ourlées de velours. Ce n’est pas la première fois que j’utilise la métaphore du vêtement, mais cela me semble particulièrement indiqué ici, dans la mesure où cela permet de souligner la cohérence et la richesse de l’étoffe harmonique. D’une certaine manière, on peut dire que la musique nous enveloppe.

Le monumental morceau titre, qui justifie finalement son qualificatif de « voyage », dépasse le quart d’heure et adopte un paisible rythme de procession chaloupé, cependant qu’il passe par différents stades d’intensité. Les amateurs des derniers Loreena McKennitt ne sont pas en pays inconnu. Dans le même style, énigmatique, transporté par la voix profonde de Dhafer Youssef, on pourra évoquer « Douja ».
D’autres titres se montrent plus incisifs, tel l’excellent incipit « Nawwâr », aux réminiscences de flamenco, entre accélérations et rupture contemplative, qui pourraient quelque peu nous rappeler le groupe Rodrigo Y Gabriela, ou bien « Sama Cordoba », en plusieurs parties, qui monte en puissance jusqu’à se faire redoutablement entraînant.
« Zawâj El Yamâm » semble présenter une synthèse des deux pôles en alternant instants de calmes mystérieux, zébrés de lignes d’oud inquiets, et développements plus mordants et accrocheurs. Youssef s’y montre une fois encore impérial. Je pourrais encore vous vanter « Dawwâr El Shams » ou bien la conclusion « Masâna », mais le mieux est encore d’en faire l’expérience.

Le Trio Joubran frappe donc ici un coup de maître. Le précédent album était déjà de belle facture, mais présentait peut-être encore quelques témoignages d’égoïsme dans les interventions des différents musiciens et ne mettait peut-être pas suffisamment en valeur le travail de percussions qui contribue pourtant au bonheur du présent disque. AsFâr est riche, équilibré, cohérent et complet ; en un seul mot : réjouissant ! Au-delà des frontières géographiques et morales : le pur plaisir de la musique, tout simplement.

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   MR. AMEFORGÉE

 
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- Samir Joubran (oud)
- Wissam Joubran (oud)
- Adnan Joubran (oud)
- Youseef Hbeisch (percussion)
- + Dhafer Youssef (chant)


1. Nawwâr
2. Zawâj El Yamâm
3. Dawwâr El Shams
4. Douja
5. Sama Cordoba
6. Asfâr
7. Masâna



             



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