Il faut reconnaître que THE CROOKED FIDDLE BAND bénéficie d'un certain sens de l'exotisme et de l'originalité. Au pays de Crocodile Dundee et des bushmen, le groupe australien pratique en effet un folk aux intonations polka tout droit venu des Carpates et de l'Europe centrale. Loin du surf et des amulettes en dents de requin, c'est vers un style bien plus sombre et complexe qu'a décidé de s'orienter ce groupe, qui livre aujourd'hui un premier album fort audacieux.

Enregistré à Chicago, Overgrown Tales est un album quasi-exclusivement instrumental, ne comportant pratiquement aucune partie de chant. Composé d'une section rythmique acoustique distillant ci et là des ambiances punk plutôt crues, il met en avant un violon, tantôt dansant, tantôt agressif, tantôt contemplatif, qui constitue la pièce essentielle de l'ensemble. Loin de rendre un simple hommage à un folklore européen qu'il semble pourtant apprécier, THE CROOKED FIDDLE BAND prend pour sa part le pari de se l'approprier afin de donner naissance à une musique mêlant traditionalisme et modernité. La tradition ? Elle est personnifiée par ces mélodies intemporelles et universelles qui font depuis des siècles le le bonheur des musiciens et des mélomanes. Loin de réinventer la roue, le groupe australien pose ses fondations sur des bases depuis longtemps établies et éprouvées. La nouveauté, pour sa part, réside dans l'apport inédit d'ambiances sombres, agressives, et surtout très cinématiques. Bien que dénué de paroles, chacun des morceaux ici présenté se fait le vecteur d'une importante dimension narrative. « Countess Bathory's finishing school for girls » nous emmène dans l'univers sombre de cette comtesse assoiffée de sang. « Clockwork bridge » nous transporte dans l'esprit dérangé d'un savant dépassé par sa créature, tandis que « What the thunder said », pièce maîtresse de l'album avec ses 14 minutes au compteur, qui emporte l'auditeur au cœur d'une tempête cataclysmique, démarrant avec la douce brise printanière pour s'achever sur la terrible tempête hivernale. Avec bruit de la neige pelletée en sus.

Un véritable voyage pour l'imaginaire. Voici le but avoué de ces augustes morceaux qui se révèlent, s'installent dans l'inconscient, au fil des écoutes. Seulement voilà, les écoutes successives imposent « What the thunder said » comme le véritable tour de force de cet album, qui réduit les morceaux précédents au rang de faire-valoir. Bien sûr, « Clockwork bride » et ses notes en escalade, ou « Over hill and under hill » et son ambivalence s'inscrivent comme d'indéniables réussites. Seulement voilà, le véritable intérêt d'Overgrown Tales dure 14 minutes et se trouve en fin d'album. Malgré sa qualité globale, le reste n'est que pacotille et fariboles.

Polka, folk, celtique, la musique de THE CROOKED FIDDLE BAND est mâtiné d'ambiances européennes à faire pâlir de jalousie un musicien macédonien. Les férus du genre apprécieront l'audace d'un jeune groupe qui n'hésite pas à recycler du vieux pour faire du neuf. Les novices succomberont essentiellement à ce dernier titre exceptionnel, et ne feront que peu de cas du reste. Une petite surprise fort agréable.