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GARAGE ROCK  |  COMPILATION

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- Style : The Sonics , The Chocolate Watchband

NUGGETS - Original Artyfacts From The First Psychedelic Era (1972)
Par BAAZBAAZ le 3 Août 2012          Consultée 4627 fois

Le garage, c’était un look et une musique. Le look, c’était celui de gosses malpolis aux trognes de truands, coiffés à la Keith Relf (ou à la Brian Jones, pour les plus coquets) et affublés de costards – ou de sous-pulls moulants – très chics, raides et sombres. La musique, quant à elle, était un mélange dur et crâneur de rock n’ roll, de rhythm and blues et de psychédélisme, plein à craquer de fuzz et suintant l’orgue Farfisa. Un style direct mais bourré d’idées, de trouvailles colorées, de changements de tempo et de solos aiguisés. Créé par des morveux à peine sevrés, tout étonnés d’arriver à écrire une chanson puis de la jouer en entier, et souvent épaulés par un requin de studio chargé de les martyriser jusqu’à ce qu’ils aient un hit.

C’est leur histoire que raconte Nuggets, compilation sortie en 1972 à l’initiative du patron d’Elektra Jac Holzman et assemblée par Lenny Kaye, guitariste de PATTI SMITH passionné par l’histoire du rock. Tout cela est connu. Mais il faut alors bien mesurer l’impact de ce double album : c’est un témoignage précieux de la vitesse ahurissante avec laquelle l’oubli fait son œuvre, surtout en période de mutation culturelle intense. Les groupes compilés ici ont connu leur heure de gloire vers 1966 ou 1967, mais plus personne ne s'en souvient quand sort le disque. Six ans plus tard, à peine… Aussi stupéfiant que cela paraisse, c’est pourtant d’une cohérence implacable. Les ados nés à la fin des années 50 n’écoutent pas la musique de leurs grands frères. Ils aiment le glam, le boogie et le prog, ils n’ont pas besoin de regarder en arrière.

On peut estimer à cinq ans le temps moyen qu’il faut à une génération pour chasser celle qui la précède et définir une nouvelle mode musicale. Du moins était-ce le cas lorsque le rock évoluait encore et n’était pas devenue cette horreur sclérosée dont les années 2000 ont accouché. Et les groupes garage en sont eux-mêmes la preuve directe : au milieu des années 60, ils sont formés par des ados américains ébranlés par la British Invasion, par les BEATLES et les STONES, mais aussi par les très hargneux KINKS, PRETTY THINGS et YARDBIRDS. Sous l’influence de ces Anglais bruyants, ils redécouvrent leurs propres racines musicales, les CHUCK BERRY, les BO DIDDLEY et autres MUDDY WATERS, idoles de leurs ainés auxquels ils préféraient pour leur part le gentillet surf rock instrumental des VENTURES.

Le garage est donc le fruit du retour des Américains vers une musique qu’ils avaient oubliée trop vite, et que quelques génies londoniens leur remettent magistralement en mémoire. Un processus exemplaire de la façon dont fonctionnent les cultures, qui s’alimentent mutuellement, ne cessent de se copier, de s’influencer avant de se transcender vers la nouveauté. Et en 1972, avec la sortie de Nuggets, c’est au tour des formations garage d’être redécouvertes par une génération qui va se servir d’elles pour rompre avec les habitudes de son époque. Fini le glam, terminé le boogie, adieu le prog. Il y avait, parait-il, un exemplaire de ce double album chez tous ceux qui ont fondé un groupe punk en Angleterre en 1975 ou 1976…

Passons à l’essentiel : le contenu du disque en question. Il est extraordinaire. Et deux mythes à son propos doivent être immédiatement réfutés. Le premier est que le garage serait une affaire de gamins qui ne savaient pas jouer de leurs instruments. C’est faux. Certains des groupes présents sur Nuggets sont composés de musiciens phénoménaux, bien qu’il y ait aussi quelques manchots et estropiés dans le lot. Le second est qu’ils n’eurent aucun succès. C’est tout aussi faux. Certains furent au contraire parmi les cadors des charts de leur époque, surtout en 1966, l’année bénie. Loin d’être marginal, le garage fut en fait une véritable mode pour toute une génération de petits Américains qui renouaient alors avec la face rugueuse du rock.

On trouve ainsi sur Nuggets quelques tubes imparables, dont le plus glorieux fut le « Psychotic Reaction » des COUNT FIVE, odieux bucherons déguisés en Dracula qui ont légué à l’humanité l’un des riffs les plus basiques au monde. Dans le même registre – mais un peu plus subtils –, les STANDELLS offrent avec « Dirty Waters » un bulldozer R&B devenu l’hymne de l’équipe de foot de Boston. Plus fin et plus psychédélique, le merveilleux single des ELECTRIC PRUNES, « I Had Too Much to Dream (Last Night) », bouillant et menaçant, symbole éclatant du talent du groupe, rencontra aussi le succès. Sans oublier l’infâme et grandiose pastiche des BEATLES, le célèbre « Lies » des KNICKERBOCKERS – qui ne firent pas grand-chose d’autre –, que l’on croirait chanté par Lennon en personne. Ces singles, et bien d’autres présents ici (« Liar, Liar » des benêts mais attachants CASTEWAYS), jouèrent brillamment des coudes au Billboard.

D’autres, sans rencontrer le même succès, sont restés gravés au fer rouge dans l’histoire : le très agressif « Pushin' Too Hard » des SEEDS, menés par le terrifiant Sky Saxon, ou la version speedée de « Hey Joe » des LEAVES qui, à une époque où tout le monde reprenait cette chanson, leur permit d’avoir leur quart d’heure de gloire. De plus, ce ne sont pas toujours les singles les plus connus qui ont été choisis : les très doués BLUES MAGOOS sont représentés par le blues rock puissant et déjanté de « Tobacco Road » et non par leur hit dévastateur « (We Ain't Got) Nothin' Yet » ; de même, ce n’est pas avec leur reprise de « Gloria » de THEM (autre influence garage décisive) mais avec l’intense et primal « Oh Yeah » que l’on découvre les SHADOWS OF KNIGHT.

Et puis il faut évoquer les injustices. Certains, parmi ces groupes, n’ont rencontré aucun succès alors même qu’ils avaient tout : la classe, la technique, les chansons… Largement réhabilités depuis, les REMAINS furent ainsi les grands oubliés de leur temps malgré des compositions aussi tonitruantes que « Don’t Look Back ». Et l’absence de notoriété, à l'époque, de SAGITTARIUS (avec ici le magique « My World Fell Down ») ne peut qu’étonner, le producteur Curt Boettcher étant devenu aujourd’hui une légende. Par contraste, avec le recul, l’insuccès de NAZZ et son « Open My Eyes » est sans doute moins pathétique lorsqu’on connait la suite de la carrière de son maître à penser Todd Rundgren. Enfin, les plus tatillons noteront que quelques incontournables ont été omis sur cette compilation, tels les KINGSMEN, précurseurs du genre avec « Louie Louie » ou les violents SONICS.

Il faudrait citer chaque groupe, disséquer chaque chanson. Des plus coriaces et menaçantes aux plus planantes, elles sont toutes marquantes, y compris lorsque les chanteurs parodient Jagger (ou DYLAN, dans le cas de MOUSE) ou tentent laborieusement d’égaler les frères Davies. Il y a dans Nuggets quelque chose d’unique. Un état d’esprit, un look, une attitude. La volonté de frapper vite et fort par-delà les ornements psychés. Une musique à la fois rocailleuse, terre à terre et chatoyante. On le sait à présent, ces groupes n’ont été brièvement oubliés que parce qu’ils n’ont pas su durer ou s’adapter, bien qu’ils aient presque tous sorti des albums. Leur indéniable génie, évidemment, n’était pas en cause.

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METRIC
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1. The Electric Prunes – I Had Too Much To Dream
2. The Standells – Dirty Water
3. The Strangeloves – Night Time
4. The Knickerbockers – Lies
5. The Vagrants – Respect
6. Mouse – A Public Execution
7. The Blues Project – No Time Like The Right Time
8. The Shadows Of Knight – Oh Yeah
9. The Seeds – Pushin' Too Hard
10. The Barbarians – Moulty
11. The Remains – Don't Look Back
12. The Magicians – An Invitation To Cry
13. The Castaways – Liar, Liar
14. The 13th Floor Elevators – You're Gonna Miss Me

1. Count Five – Psychotic Reaction
2. The Leaves – Hey Joe
3. Michael And The Messengers – Romeo & Juliet
4. The Cryan' Shames – Sugar And Spice
5. The Amboy Dukes – Baby, Please Don't Go
6. Blues Magoos – Tobacco Road
7. The Chocolate Watch Band – Let's Talk About Girls
8. The Mojo Men – Sit Down, I Think I Love You
9. The Third Rail – Run, Run, Run
10. Sagittarius – My World Fell Down
11. Nazz – Open My Eyes
12. The Premiers – Farmer John
13. The Magic Mushrooms – It's-a-happening



             



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