Très méconnue, la discographie de Jimmy Dawkins a tendance à être réduite à son premier album : Fast Fingers. Et c’est un tort, tant le guitariste de Chicago a enregistré d’autres disques de haute volée dans les années soixante-dix. La teinte bleue du superbe portrait ornant la pochette n’est pas sans rappeler la teinte rose de celui de Fast Fingers. Sorti huit ans plus tard sur le même label, Blisterstring est cependant radicalement différent du premier et magistral essai de ce bluesman torturé.

Jimmy Dawkins est accompagné par un groupe d’une qualité remarquable qui pose sans fioritures un socle rythmique d’une grâce et d’une souplesse absolues. Cette base solide permet au leader de tricoter avec feeling des soli de guitare somptueux, parfois décontractés, souvent furieux. La reprise du standard « Chitlins Con Carne » est une bonne illustration de la symbiose animant le quintet. L’interprétation de Jimmy Dawkins est aérée : ses interventions à la guitare bien que très denses se révèlent plus précises que sur Fast Fingers.

Très en verve, il n’hésite pas à étirer en longueur la durée des morceaux. D’entrée de jeu, malgré son titre un brin sinistre, « Feel So Bad » démarre de manière enjouée sur un tempo d’enfer : dans une forme vocale resplendissante, Jimmy Dawkins chante avec beaucoup de conviction tout en faisant grincer les cordes de sa guitare, comme si les notes pouvaient exprimer avec plus de force que les mots ses sentiments cafardeux.

Sans pour autant négliger des titres relativement plus légers du calibre de « Blue Monday » ou « Ode To Billie Joe », on vibre surtout au cours des deux sublimes ballades, intenses, passionnées, bouleversantes que sont « She Got The Blues Too » et le chef-d’œuvre « Welfare Line ». Peut-être moins déchirante, « Peeple Will Talk » contient tout de même une forte charge émotionnelle. En aval de ces sommets, « If You’re Ready » dégage une énergie enflammée, tandis que l’accompagnement groovy de « Blues with a Feeling » fait tout le sel de l’interprétation.

Même si le disque n’est pas exempt de courts passages moins inspirés, Jimmy Dawkins propose dans l’ensemble du blues de haute facture, varié et intense.