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2001 Oh ! Inverted World
2012 Port Of Morrow

The SHINS - Port Of Morrow (2012)
Par BAAZBAAZ le 3 Septembre 2012          Consultée 3272 fois

La sortie d’un nouveau THE SHINS en 2012 est un évènement inespéré, mais également un peu incongru et déprimant. Car au-delà de la joie que l’on ressent face au retour d’un tel groupe, on ne peut s’empêcher aussi de se rappeler que les immenses attentes qui avaient été placées en lui se sont finalement estompées au fil du temps, presque dans l’indifférence. Et du coup, au plaisir de pouvoir entendre à nouveau cette musique, ces chansons, de renouer avec le passé, se mêle une vague impression de gâchis, comme si l’entêtement indie avait finalement eu raison d’un destin bien plus grand qui ne se réalisera plus.

Car n’oublions pas ce qu’ont été les SHINS dans les années 2000. Un groupe magique inventant un son nouveau, un peu rock, un peu folk, sur lequel planait discrètement l’ombre de BIG STAR, des PIXIES et – coquetterie ultime – des BEACH BOYS. Un groupe dont le premier album Oh, Inverted World en 2001 est incontestablement l’un des grands chefs-d’œuvre indie de son temps, rivalisant avec le meilleur de GRANDADDY ou MODEST MOUSE. Un groupe, enfin, dont l’excellence artistique et commerciale sonna le renouveau de Sub Pop après les difficiles années post-NIRVANA, et qui offrit au label sa plus forte vente en 2007 avec Wincing the Night Away, entré directement à la deuxième place des charts américains.

C’était la grande époque, lorsque le champagne coulait à flot et que l’on pensait que les SHINS étaient, peut-être, les sauveurs du rock. Mais, au lieu de ça, ils ont disparu en pleine gloire. A la porte d’un avenir radieux – dont beaucoup de fans possessifs et bêtement puristes se méfiaient – James Mercer a tout stoppé. Et durant les cinq années qui se sont écoulées, les attentes se sont doucement transformées en oubli. Le rock n’a pas été sauvé et, depuis, MUSE et COLDPLAY s’empiffrent sur son cadavre. Et c’est donc par la petite porte, presque comme un renégat échappé in extremis d’une période révolue, que le groupe sort – loin de Sub Pop qu’il a hélas quitté en 2008 – ce Port of Morrow inattendu.

Parler de « groupe » est d’ailleurs un peu exagéré. Mercer a fait le ménage autour de lui en virant les anciens membres et en travaillant quasiment seul (même si Joe Plummer, ancien batteur de MODEST MOUSE, est venu en renfort). Surtout, il a fait appel pour la production à Greg Kurstin, connu pour ses collaborations avec LILLY ALLEN ou FOSTER THE PEOPLE. Et le résultat de cette association est ici frappant : le son n’a rien à voir avec celui auquel THE SHINS nous avaient habitués. A vrai dire, le disque sonne bizarrement. Un peu étouffé, un peu lisse. Le côté folk et ensoleillé du groupe est enseveli sous une ambiance plus feutrée et nocturne qui fait penser à une sorte d’easy listening crépusculaire.

La première impression est donc étrange. Mais l’art de Mercer est intact et les atmosphères ainsi créées sont au service de compositions subtiles, portées par des mélodies vocales captivantes et des arrangements souples et délicats. La musique de THE SHINS n’a jamais été aussi légère, sinueuse et insaisissable, à la fois immédiate et complexe, porteuse d’émotions difficiles à déchiffrer tant elles se mélangent de façon contradictoire. Que ce soit avec des comptines pop en clair-obscur (« The Rifle's Spiral », « No Way Down »), aussi vives que tristes, ou des ballades à la luminosité froide (« September »), le disque se tient sans cesse sur la corde raide entre énergie et apaisement, sans jamais verser dans le racolage ou la platitude.

Moins piquantes que par le passé, les chansons du groupe ressemblent toujours à des montagnes russes sonores à la structure parfois déconcertante. Et s’il n’y a ici aucune mauvaise composition, quelques grandes réussites se démarquent : « Simple Song », étrange alliage d’emphase et de mélancolie aux chœurs discrets, et « 40 Mark Strasse » qui invoque de fantomatiques PIXIES dans une ambiance désespérée. Et tout à la fin « Port of Morrow » s’étire comme une longue conclusion aérienne avant de laisser la place à quelques secondes inaudibles et presque silencieuses qui ressemblent un peu à un adieu.

Cet album de THE SHINS est donc largement à la hauteur des précédents. Mais il suscite déjà la controverse et autant d’adhésion que de rejet. Disque anti-commercial par excellence, dépourvu de vrais tubes susceptibles de remettre le groupe sur le chemin de la notoriété, c’est un projet autocentré et presque égoïste de la part de Mercer. Celui-ci se contrefiche du passé et des espoirs placés en lui. Il se contrefiche manifestement aussi du reste du groupe et des critiques. Aujourd’hui, le résultat est suffisamment convaincant pour que sa démarche soit crédible. Reste à se demander si tout cela intéressera encore quelqu’un après-demain.

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- James Mercer (voix guitares, batterie)
- Greg Kurstin (synthétiseur, guitares, basse, piano, batterie)
- Dave Hernandez (guitare)
- Nik Freitas (guitare)
- Ron Lewis (basse)
- Eric D. Johnson (piano)
- Joe Plummer (batterie)
- Janet Weiss (batterie)
- Marty Crandall (synthétiseur)
- Nathaniel Walcott (trompette)


1. The Rifle's Spiral
2. Simple Song
3. It's Only Life
4. Bait And Switch
5. September
6. No Way Down
7. For A Fool
8. Fall Of '82
9. 40 Mark Strasse
10. Port Of Morrow



             



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