Les groupes qui parviennent à survivre au départ d'un de leurs membres fondateurs ou emblématiques sont de véritables exceptions. THE POPES fait partie de ces survivants. Créé en 1992 par un Shane MacGowan fraîchement démissionnaire des Pogues, les POPES servent tout d'abord de backing-band au chanteur sous influences, et l'accompagnent le temps de deux albums studio (en 1994 et 1997). Après un hiatus forcé, dû au départ du chanteur irlandais, les musiciens restants décident de poursuivre la carrière des POPES, en plaçant le guitariste Paul McGuinness derrière le micro. Quelques albums parsèment une carrière en dents de scie depuis le début des années 2000, ce New Church étant le troisième enregistré depuis la démission de MacGowan. Une persévérance récompensée, car ce nouvel opus mérite qu'on lui accorde une oreille attentive.

La présence, dans la première mouture du groupe, de Shane MacGowan pourrait s'avérer trompeuse, et biaiser notre analyse. Car THE POPES ne pratique pas un folk-punk à l'irlandaise, comme on pourrait s'y attendre. En effet, la musique est plutôt à associer à une scène rock « généraliste », pouvant évoquer Bruce Springsteen inspiré ou un Big Country des grands jours. Les influences folk, tout comme les instruments plus « traditionnels » (la mandoline, le violon) rapprochent inévitablement les POPES de la scène irlandaise, mais les morceaux ont cette dimension universelle qui permet de ne les rattacher à aucune nationalité. Le groupe fait un rock varié et accessible, frappé du sceau de l'artisanat. A l'image de sa carrière, néanmoins, le combo propose un album hétérogène et alternant les hauts et les bas. Quelques fulgurances surgissent, de ci de là, et invitent à la bienveillance. C'est le cas principalement des titres mid-tempo, qui tissent une toile électrique de toute beauté, et emmènent l'auditeur dans un maelström délectable de rage et d'énergie. "How many bullets", "Storming Heaven", ou encore "In a broken dream", qui débute comme un blues lancinant avant de devenir une pépite de tristesse et de désespoir, sont à classer dans le haut du panier, et dotent l'album d'une classe admirable. Renforcé par quelques titres plus légers ("Alice") ou orientés folk ("Love shines"), ainsi que par une poignée de ballades sensibles et inspirées ("Throw down your aces", "Hanging up my guns"), l'album se découvre au fil des écoutes, et séduit globalement, deux morceaux sur trois. Car quelques titres, tout simplement moins intéressants ou dotés de mélodies trop évidents, baissent quelque peu la qualité globale de New Church. On pense à la niaiserie "Queen of Manhattan", au folk lancinant "A little more" ou au rock sans grand intérêt "What's done is done". Pas de quoi ruiner l'album, mais suffisant pour regretter que les POPES n'aient pas retiré de la tracklist finale ces titres dispensables, ce qui aurait amélioré la durée de vie de l'album et son impact.

Malgré tout, il est sympathique de constater que, face à l'adversité, les POPES continuent leur route avec une certaine réussite, décrochant la première partie des Stranglers sur leur tournée britannique début 2012. Un "petit" groupe de vieux roublards, bien conscient qu'il ne dérochera pas maintenant la queue du Mickey, mais méritant et talentueux. Une bien bonne surprise.

"Outlaw Heaven" : http://www.youtube.com/watch?v=G_69f5q70to&feature=related